On peut s’étonner qu’il y ait encore des politiciens qui n’ont pas compris que les manifestants qui perturbent les rassemblements politiques à grands coups d’injures et de menaces violentes doivent être dénoncés fermement.

Yves-François Blanchet joue ainsi un jeu dangereux en accusant le premier ministre Trudeau d’avoir une attitude « un peu baveuse » à l’égard des manifestants qui le harcèlent et en laissant entendre qu’il a jeté « de l’huile sur le feu ».

Sa sortie à ce sujet, lundi, était doublement malheureuse.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet, en conférence de presse à Montréal, lundi

D’abord parce qu’en insinuant que Justin Trudeau l’avait bien cherché, il a semblé prendre le parti des manifestants qui ont provoqué l’annulation du rassemblement du premier ministre vendredi dernier en Ontario.

Or, ces manifestants n’avaient pas de colliers de fleurs et n’étaient pas parfumés au patchouli. Ils étaient si hargneux que les autorités ont jugé ne pas pouvoir assurer la sécurité des participants à la rencontre.

Quarante-huit heures plus tard, d’autres manifestants hurlaient que le premier ministre canadien est un « pédophile » et scandaient « enfermez-le » (ils n’ont rien inventé, c’était le slogan des partisans de Donald Trump au sujet de Hillary Clinton).

C’est ce qu’a rapporté le Globe and Mail, dont un journaliste a aussi vu un manifestant, qui brandissait une affiche montrant Justin Trudeau à côté d’un nœud coulant, proférer des insultes racistes à l’égard d’un policier noir.

Il n’y a pas d’excuses pour de tels comportements.

Yves-François Blanchet sait très bien que ces manifestants n’ont pas été radicalisés à cause de ce que Justin Trudeau a pu dire à leur sujet.

Ce qui nous amène au deuxième point important : cette sortie était trompeuse.

Prenez le temps d’écouter la conférence de presse du premier ministre en réaction à l’annulation de son rassemblement. Nulle part on n’aperçoit le Justin Trudeau qui devrait « faire preuve de davantage de modération dans la façon dont il présente ses idées », comme l’a soutenu le chef du Bloc.

En fait, le premier ministre, tout en dénonçant ce qui s’est passé, a essentiellement lancé un appel à la compassion. Du Trudeau 100 % pur jus, qui irrite tant ceux qui souhaiteraient le voir faire preuve de plus de fermeté.

« Nous avons tous eu une année difficile. Et ces gens qui sortent manifester, ils ont aussi eu une année difficile. Je le sais et j’entends la colère, la frustration et la peur. J’entends ça et je sais qu’on doit travailler encore plus fort pour être là, les uns pour les autres. Pour se soutenir les uns et les autres. Nous devons répondre à cette colère par la compassion parce que nous, Canadiens, c’est ce que nous sommes. »

Yves-François Blanchet aurait plutôt dû s’inspirer d’Erin O’Toole qui a répudié les manifestants sans l’ombre d’une ombre d’ambiguïté.

Il faut dire que les conservateurs, politiquement, n’avaient pas une grande marge de manœuvre.

Parmi ceux qui ont manifesté rageusement contre Justin Trudeau en Ontario la fin de semaine dernière se trouvaient des partisans et des bénévoles d’un des candidats conservateurs, Kyle Seeback.

Celui-ci a rapidement déclaré qu’ils ne seraient plus les bienvenus dans son équipe. Le chef conservateur a essentiellement dit la même chose, affirmant que tous les bénévoles de la campagne devaient avoir « un comportement professionnel et respectueux chaque jour ».

Bravo !

Permettez-nous tout de même de poser une question qui n’est pas banale : comment se fait-il que le Parti conservateur attire encore de tels militants ?

Et comment se fait-il que le Parti conservateur attire encore des candidats comme Cheryl Gallant, qui a soutenu que les libéraux veulent imposer des confinements dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques ?

La tentative de recentrage du Parti conservateur va plutôt bien.

Erin O’Toole n’est pas Andrew Scheer.

Mais il a visiblement encore du ménage à faire.

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