Alors que les talibans prenaient le contrôle de Kaboul, créant un sauve-qui-peut sans précédent, le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, affirmait qu’il était prêt à renvoyer des Afghans dans leur pays d’origine si leur demande d’asile était rejetée.

C’est déconcertant.

La Grèce est en train de construire un mur à sa frontière terrestre avec la Turquie pour empêcher d’éventuels réfugiés d’entrer pendant que le président français, Emmanuel Macron, appelle à protéger l’Europe contre les « flux migratoires irréguliers importants » qui pourraient découler de la crise afghane.

Le manque d’empathie est flagrant.

Lundi, le premier ministre de Slovénie, le populiste Janez Jansa, qui occupe la présidence du Conseil de l’Europe, tonnait que « l’Europe n’ouvrira aucun couloir de migration » pour les Afghans. Réponse des autres pays de l’Union européenne ? Silence radio.

C’est terriblement inquiétant.

Est-ce que les Européens lisent les mêmes nouvelles et regardent les mêmes images crève-cœurs de l’aéroport de Kaboul que nous ? C’est à se le demander en écoutant leurs leaders politiques qui semblent chanter en chœur les mantras de la droite anti-réfugiés ces jours-ci.

Certains, dont l’Allemagne, préfèrent ne rien dire, de peur de déplaire à l’électorat.

Ces mêmes pays, qui ont pour la plupart participé à l’effort de guerre américain en Afghanistan, sont en train d’évacuer ces jours-ci leurs ressortissants et des Afghans qui les ont épaulés au cours des 20 dernières années. Ils savent exactement ce qui se passe sur le terrain et ce qui s’en vient.

Et les dernières nouvelles sont tout sauf rassurantes. Jeudi, un attentat suicide revendiqué par le groupe État islamique a fait des dizaines de morts à l’aéroport. Un nouveau rapport d’Amnistie internationale constate qu’au début de juillet, des talibans ont torturé à mort trois hommes de la minorité chiite hazara dans la province de Ghazni et en ont tué trois autres.

Il n’y a pas de doute que des milliers de membres de cette minorité – cible de choix des talibans – tenteront de se frayer un chemin vers l’Iran, où plusieurs centaines de milliers d’entre eux ont déjà trouvé refuge.

Les milliers de personnes paniquées qui ont déferlé sur l’aéroport de la capitale, demandant l’asile, ne sont qu’un flocon sur la pointe de l’iceberg du désespoir afghan. En moins d’une semaine, plus de 500 000 personnes ont fui leur domicile à la sauvette. Même avant la chute du gouvernement afghan aux mains des talibans, la situation humanitaire était désastreuse : 14 millions de personnes sont susceptibles de faire face à la famine, soit le tiers de la population du pays. Pour le moment, les talibans bloquent toutes les frontières terrestres, mais beaucoup d’Afghans tenteront de se mettre en sécurité à l’extérieur du pays dès qu’ils le pourront.

La cour des pays voisins est pleine. À lui seul, le Pakistan abrite déjà 1,5 million de réfugiés afghans. Le reste de la planète doit donc s’en mêler. À commencer par les pays qui ont combattu en Afghanistan. Contrairement à l’Union européenne, les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada ont déjà annoncé qu’ils participeraient en accueillant quelques milliers de réfugiés chez eux. Un apport modeste, mais essentiel.

N’en déplaise aux politiciens européens, le droit international donne le droit à ceux qui fuient la guerre et la persécution de demander l’asile dans un autre pays.

Ce droit, consacré dans la Convention de Genève de 1951, est né des cendres de la Seconde Guerre mondiale. On estime que 60 millions d’Européens ont été contraints de fuir pendant cet immense conflit et dans les années qui ont suivi.

Certains ont été accueillis à bras ouverts, d’autres – dont bon nombre de réfugiés juifs – se sont cogné le nez sur la porte de pays récalcitrants, dont le Canada, et ont été renvoyés à leur mort. C’est notamment pour qu’une situation comme celle-là ne se reproduise jamais qu’une grande entente internationale a été écrite et signée par 145 pays.

Aujourd’hui, l’Europe semble l’avoir oublié, prétextant avoir déjà accueilli assez de réfugiés en 2015, en provenance notamment de la Syrie et de l’Afghanistan. Faut-il rappeler cependant qu’à l’époque, l’Europe a accueilli 1 million de réfugiés dans un ensemble politique de 500 millions de citoyens ? C’est proportionnellement deux fois plus de réfugiés et cinq fois moins d’immigrants que ne reçoit le Canada dans une année moyenne. Depuis, l’Europe fait tout pour garder loin de ses frontières les migrants, allant jusqu’à renvoyer des réfugiés à la mer !

Il est grand temps que le Canada, les États-Unis et les pays qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés – les Liban, Turquie et Pakistan de ce monde – haussent collectivement le ton. L’Union européenne, en plus de tourner le dos ouvertement à ses responsabilités internationales, entretient la peur des réfugiés. L’indécence a assez duré !

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