Tout au long de l’été, l’équipe éditoriale de La Presse est partie à la recherche de façons de réinventer la santé. Voici le dernier texte de notre série.

Vous avez probablement, à un moment ou à un autre de cette pandémie, levé les yeux au ciel en vous demandant pourquoi nos gouvernements n’étaient pas mieux préparés.

Il est trop tard pour y changer quoi que ce soit.

Mais il est encore possible de se pencher sur les problèmes, les ratés et les échecs de la dernière année et demie afin d’en tirer des leçons.

Et pour ça, la meilleure option, c’est de déclencher des commissions d’enquête publiques en bonne et due forme. Ainsi, lorsqu’une autre crise sanitaire viendra nous frapper de plein fouet, on aura colmaté davantage de brèches.

Certains ont réclamé qu’une commission d’enquête soit mise sur pied au Québec. D’autres ont dit souhaiter une enquête fédérale.

Pour l’instant, toutefois, nos élus ont fait la sourde oreille. À Québec comme à Ottawa.

Politiquement, ça se comprend. De telles enquêtes distribueraient des blâmes. Et elles écorcheraient forcément les partis au pouvoir.

Ça demande, de leur part, une solide dose d’abnégation. Et une foi inébranlable en l’idée qu’un parti politique doit par-dessus tout faire primer le bien commun.

L’idée est de faire passer sa patrie avant son parti, en somme. En théorie, ça semble une évidence. En pratique, c’est loin d’être aussi simple.

Pourtant, de telles enquêtes sont nécessaires pour mettre toutes les chances de notre côté si l’on veut mieux gérer les risques pandémiques à l’avenir.

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Disons-le, le Québec a déjà tiré des leçons de certaines de ses erreurs.

C’est frappant.

La première vague nous est tombée dessus comme une tonne de briques. Notre bilan, on le sait, est bien peu reluisant. Mais la deuxième et la troisième n’ont pas fait autant de dégâts.

Le travail des journalistes, qui a permis de braquer les projecteurs sur toute une série de défaillances, aura mené à plusieurs changements en matière de gestion de crise.

Et ça se poursuit, comme on a pu le constater au cours des derniers mois dans le dossier de la vaccination, notamment.

Par ailleurs, au Québec, des enquêtes ont déjà été lancées dans la foulée des drames provoqués par la COVID-19.

La protectrice du citoyen a même déjà rendu public un rapport d’étape sur la crise dans les CHSLD privés et publics du Québec1.

Ces enquêtes sont aussi précieuses qu’utiles. Mais elles sont très ciblées.

Sauf celle menée par la commissaire à la santé et au bien-être – dont on attend le rapport avec impatience, prévu pour la fin de l’année. Elle s’annonce exhaustive, mais s’est déroulée derrière des portes closes.

À Ottawa, la vérificatrice générale a notamment enquêté sur la préparation de l’Agence de la santé publique du Canada pour la COVID-19. Mais des doutes subsistent sur la capacité de cette agence « à faire l’important exercice d’introspection dont elle a besoin », comme nous l’avons déjà affirmé2.

On aurait donc tout avantage, à Ottawa – dès après la campagne électorale qui s’annonce – comme à Québec, à enquêter de façon plus systématique, en menant des audiences publiques, avec tous les moyens nécessaires pour aller au fond des choses.

Ces enquêtes auraient assurément un véritable retentissement, ce qui n’est pas inutile lorsqu’on souhaite faire bouger des choses (soyez honnêtes : qui a suivi de près les développements de l’enquête du Bureau du coroner sur certains décès survenus dans des milieux d’hébergement pour aînés ?).

Elles mèneraient forcément à de multiples recommandations.

Il faudra ensuite veiller à ce que celles-ci soient mises en œuvre.

Même le plus remarquable des rapports ne servirait pas à grand-chose si on le laissait s’empoussiérer sur une tablette. D’où l’importance de mobiliser l’opinion publique.

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Nous avons, chaque dimanche dans cette section depuis quelques semaines, proposé bien humblement des solutions dans le but de « réinventer la santé » dans la foulée de la crise de la COVID-19.

Or, il serait pour le moins paradoxal de renforcer certaines fondations de nos systèmes (de trouver des façons d’élargir l’accès aux soins de première ligne, d’investir davantage dans la prévention, etc.), sans s’assurer qu’on est allé au bout de l’exercice et qu’on a identifié toutes les lacunes qui, sans être comblées, nous rendraient plus vulnérables à une autre crise sanitaire d’envergure.

Le temps presse.

Il viendra plus vite qu’on le pense, le jour où il sera trop tard pour qu’on veuille se replonger avec enthousiasme dans cet épisode troublant. D’autres problèmes, d’autres enjeux, d’autres urgences auront alors pris le dessus dans l’ordre de nos priorités.

Permettons-nous, le plus rapidement possible, de retourner toutes les pierres, de fouiller tous les racoins et de gratter tous les bobos. Et de procéder, par la suite, aux changements qui s’imposent.

1. Consultez le rapport d’étape de la protectrice du citoyen 2. Lisez l’éditorial de Philippe Mercure « Mais où étaient nos lanceurs d’alerte ? » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion