Les Jeux de Tokyo ne sont pas commencés qu’un record olympique (peu enviable) vient d’être battu : 83 % des hôtes ne veulent pas des Jeux.

Environ 43 % des Japonais veulent annuler les Jeux et 40 % d’entre eux veulent les reporter, selon les derniers sondages.

Si la flamme olympique ne brûle pas très fort au Japon, c’est parce que :

  • l’état d’urgence sanitaire est en vigueur à Tokyo en raison de la COVID-19 ;
  • le Japon est l’un des pays industrialisés avec le plus faible taux de vaccination ;
  • les autorités sanitaires japonaises ont peur que les athlètes et autres visiteurs à Tokyo pour les Jeux y fassent entrer davantage le contagieux variant Delta ;
  • le Japon fait actuellement face à son plus grand nombre de cas de COVID-19 depuis janvier ;
  • les Jeux se dérouleront à huis clos, sans spectateurs ni touristes ;
  • le mécontentement des Japonais est tel que le constructeur automobile japonais Toyota, l’un des principaux commanditaires des Jeux, ne fera pas de publicité olympique au Japon.

Le coût total de ces Jeux pour les contribuables japonais : environ 24 milliards US.

Mais on parlera d’argent plus tard.

Sur le plan strictement sanitaire, on pourrait difficilement trouver une pire métropole que Tokyo pour tenir les Jeux actuellement.

Au début de la pandémie, le Japon s’était bien tiré d’affaire grâce à une stratégie efficace de traçage et à la discipline légendaire des Japonais à l’égard des consignes sanitaires. À ce jour, le Japon est le pays du G7 le moins touché par la COVID-19, avec un taux de 119 décès par million de personnes (Canada au 2rang avec un taux de 701 décès ; taux de 1841 pour les États-Unis et de 2115 pour l’Italie).

Mais le Japon est aussi de loin le pire pays du G7 en matière de taux de vaccination : seulement 23 % de sa population totale est adéquatement vaccinée, contre 52 % au Canada. Le Japon a trop tardé pour faire ses commandes de vaccins.

On n’annule évidemment pas des Jeux olympiques quelques jours avant leur tenue parce que les cas de COVID-19 augmentent à Tokyo. Mais ce scénario est connu depuis des mois. La décision aurait dû être prise plus tôt.

C’est bien mal connaître le Comité international olympique (CIO), une organisation qui se préoccupe toujours d’elle-même en premier.

Dans le contrat liant Tokyo au CIO, c’est le CIO seul qui peut décider de l’annulation ou du report des Jeux. Et le CIO ne voulait rien savoir de retarder les Jeux une deuxième fois afin de permettre au Japon d’avoir une meilleure couverture vaccinale. En 1964, en raison de la chaleur, les Jeux de Tokyo avaient pourtant eu lieu en octobre.

Le gouvernement japonais n’a pas insisté non plus. Le premier ministre Yoshihide Suga se retrouve pris entre l’arbre et l’écorce. S’il forçait l’annulation des Jeux, il en aurait sûrement coûté au Japon des milliards de dollars en pénalité. Les contribuables japonais auraient alors dépensé une fortune… pour ne pas tenir les Jeux.

Malgré l’opposition des Japonais, le premier ministre Suga, qui doit affronter l’électorat cet automne, a calculé qu’il valait mieux tenir les Jeux et espérer que tout se passe bien sur le plan sanitaire. Même si l’un des principaux conseillers en santé publique a déclaré qu’il n’était « pas normal » de tenir les Jeux…

Les Japonais ont raison d’être mécontents : ils ont payé environ 24 milliards US pour organiser ces Jeux. Avec les 6,7 milliards fournis par le CIO, la facture totale s’élèverait à environ 30 milliards1. Quand Tokyo a obtenu les Jeux en 2013, ils devaient coûter 7,3 milliards.

Sur le plan économique, peu d’évènements coûtent aussi cher et sont aussi peu rentables que les Jeux olympiques. Les véritables retombées économiques durables sont minimes.

La Russie de Vladimir Poutine a englouti 51 milliards US pour les Jeux d’hiver en 20 142. La Chine s’est payé une vitrine internationale de 45 milliards avec les Jeux d’été de Pékin en 2008. Mention honorable à Montréal, qui a mis 30 ans à payer son stade olympique…

Même dans ce contexte, les Jeux de Tokyo viennent d’établir un nouveau record : 24 milliards pour des Jeux dont les hôtes ne veulent plus.

1. Le budget officiel des Jeux de Tokyo est d’environ 15 milliards US, mais un audit parlementaire et les quotidiens japonais Nikkei et Asahi ont plutôt estimé le coût total réel des Jeux entre 25 et 28 milliards US en 2020. En ajoutant les 2,8 milliards supplémentaires pour le report d’un an des Jeux, on arrive à environ 30,8 milliards au total. (Source : Associated Press)

2. James McBride, The Economics of Hosting the Olympic Games, Council on Foreign Relations, janvier 2018.

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