Comme un policier ou un médecin qui arrive sur les lieux pour constater un décès, le gouvernement Legault vient d’officialiser la mort de GNL Québec, ce projet de liquéfaction de gaz naturel au Saguenay.

Pendant que l’Ouest canadien et l’Ouest américain viennent de subir des records absolus de chaleur (des centaines de personnes y ont succombé) et que l’urgence climatique devient de plus en plus réelle, il est difficile d’imaginer un projet aussi peu de son époque que le terminal gazier de GNL Québec.

L’idée de départ de ce projet de 14 milliards de dollars en 2014 : un gazoduc aurait amené du gaz naturel de l’Ouest canadien vers une usine de transformation du gaz au Saguenay, qui aurait permis de l’exporter vers l’Europe et l’Asie.

Les promoteurs de GNL Québec faisaient valoir que le gaz naturel, un combustible polluant, aurait permis de remplacer en Europe et en Asie d’autres sources d’énergie encore plus polluantes comme le charbon et le mazout. Une hypothèse « bien incertaine », a conclu en mars le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Surtout que l’Agence internationale de l’énergie prévoit que la demande de gaz naturel diminuera en Europe en 2026, alors que GNL Québec aurait été prêt à exporter le sien pour au moins 25 ans.

Dans son rapport consultatif, mais dévastateur, le BAPE a plutôt conclu que GNL Québec aurait ajouté huit millions de tonnes de CO2 par an à l’échelle mondiale. Uniquement au Québec, GNL Québec aurait constitué 1,2 % des émissions de CO2 prévues en 2030 et 6,0 % des émissions prévues en 2050. Tout ça pour 300 emplois permanents.

Québec a posé trois conditions pour autoriser GNL Québec : avoir une acceptabilité sociale, favoriser la transition énergétique et réduire les émissions mondiales de CO2.

Le verdict du gouvernement Legault : 0 sur 3.

En plus, le financement du projet semblait chambranlant. L’hiver dernier, le conglomérat américain Berkshire Hathaway du milliardaire Warren Buffett a préféré ne pas investir. Partout sur la planète, les investisseurs sont plus méfiants à l’égard des projets d’énergie fossiles, mais s’intéressent aux énergies renouvelables.

0 sur 4.

Depuis mai, l’Agence internationale de l’énergie suggère aux gouvernements de ne pas autoriser de nouveaux projets d’exploitation de gaz, de pétrole ou de charbon afin de limiter les changements climatiques.

0 sur 5.

La décision avait beau être évidente, Québec a bien tranché en disant non à GNL Québec. Ça mérite d’être souligné.

Le dossier de GNL Québec est terminé. Mais le débat de fond – comment concilier développement économique et changements climatiques – ne fait que commencer. Au Saguenay comme partout au Québec.

De 1990 à 2019, l’empreinte environnementale du Québec est passée de 86,7 millions à 83,7 millions de tonnes de CO2 émises par an. Pour contribuer à réduire la hausse de la température à 1,5 °C, le Québec doit passer à une cible de 54 millions de tonnes de CO2 en 2030, puis à la carboneutralité (0 tonne de CO2) en 2050. Tout en continuant évidemment de faire croître son économie.

Actuellement, Québec est très loin d’atteindre sa cible de 2030, l’équivalent de demain matin en matière de lutte contre les changements climatiques. On ne parle même pas de 2050.

Pour relever ce défi gigantesque, les changements climatiques doivent devenir l’un des enjeux centraux de toutes les grandes décisions et orientations gouvernementales. Comme l’état des finances publiques ou la qualité des services publics.

Si on veut être sérieux, Québec devra tôt ou tard (tôt, espérons-le) être forcé de respecter des cibles annuelles de réduction des gaz à effet de serre. Au même titre qu’il doit respecter ses cibles budgétaires ou verser des sommes annuelles au Fonds des générations.

Dire non à GNL Québec est un (petit) pas dans la bonne direction. Mais pour lutter contre les changements climatiques, il faudra faire beaucoup plus que de refuser un projet de terminal gazier boudé par les investisseurs et déconseillé par l’Agence internationale de l’énergie.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion