Québec atteindra son objectif de vacciner adéquatement 75 % des Québécois de 12 ans et plus d’ici le 31 août.

Il ne faudra pas trop célébrer la chose. Ce sera loin d’être suffisant pour retrouver une vie plus normale à l’automne.

Pour ça, il n’y a pas 56 000 solutions : environ 90 % des Québécois de 12 ans et plus devront être adéquatement vaccinés.

Pourquoi 90 % et non 75 % ? Quand le gouvernement du Québec s’est fixé cet objectif au début de la campagne de vaccination l’hiver dernier, les experts pensaient qu’un taux de vaccination de 75 % permettrait à la société d’acquérir « l’immunité collective ». Cette prévision, réalisée avec une formule mathématique pour les virus basée sur le taux de reproduction*, était exacte lors des longues soirées d’hiver de la deuxième vague.

Mais ce foutu virus s’est transformé depuis et les nouveaux variants sont environ deux fois plus contagieux que l’hiver dernier.

Le variant Delta, bientôt dominant au Québec, aurait un taux de reproduction situé entre 5 et 8. En prenant un taux de reproduction de 5 (une personne infectée contamine cinq personnes), on doit donc vacciner 80 % de la population totale, selon la formule. Comme le vaccin n’est pas autorisé pour les moins de 12 ans, il faut vacciner 91 % des 12 ans et plus pour en arriver à 80 % de la population totale.

« Ça va prendre plus de 75 % de vaccination chez les 12 ans et plus pour minimiser l’impact de ce variant [Delta] et des autres variants », dit Gaston De Serres, médecin-chef du groupe scientifique en immunisation de l’Institut national de santé publique du Québec.

En date du 19 juillet, 83 % des Québécois de 12 ans et plus ont reçu leur première dose. Le Québec figure parmi les meilleurs au monde à ce chapitre.

Mais depuis deux semaines, l’aiguille de la première dose bouge très lentement. À ce rythme, il faudra attendre à la mi-octobre pour atteindre 90 %. Des cliniques mobiles dans les cégeps et les universités pourraient accélérer la campagne de vaccination. Il faudra ensuite que tous les Québécois ayant reçu leur première dose reçoivent leur deuxième dose.

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Atteindre 90 % est ambitieux, mais pas impossible.

Au Québec, la couverture vaccinale de base pour les enfants (coqueluche, tétanos, hépatite B, poliomyélite, infections à Hib) est de 96 % à l’âge de 15 mois.

Comment convaincre le plus de Québécois récalcitrants possible de se faire vacciner contre la COVID-19 ? Il y a plusieurs arguments. La sensibilisation. Le passeport vaccinal pour les loisirs, les bars et les concerts.

Et pour tous les Québécois qui disent « pas besoin de me faire vacciner car je ne mourrai pas de la COVID-19 », il y a aussi le risque d’attraper la COVID longue.

On en a peu parlé jusqu’à présent (normal, les données sont très préliminaires), mais la COVID longue pourrait toucher 10 % des patients symptomatiques atteints de la COVID-19 six mois après leur infection. Comme le vaccin diminue d’environ 40 % la charge virale, plusieurs experts pensent qu’il pourrait diminuer les symptômes de la COVID longue. Il est encore trop tôt pour en être certain.

Les récits des patients atteints de la COVID longue feraient réfléchir n’importe quelle personne qui hésite à se faire vacciner : fatigue soutenue, incapacité d’avoir une vie normale, essoufflement, arythmie cardiaque, troubles de mémoire ou de concentration, troubles du sommeil, anxiété.

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C’est beaucoup plus joyeux de promettre une vie normale à partir du 1er septembre, peu importe le taux de vaccination.

Sur le plan sanitaire, c’est risqué.

Les Britanniques tentent le coup. Depuis lundi, toutes les restrictions sanitaires ont été levées. Le port du masque n’est pas obligatoire, la distanciation physique est chose du passé, et les jeunes Britanniques sont retournés danser dans les bars comme dans le bon vieux temps – en 2019.

Le pari de Boris Johnson inquiète la communauté scientifique mondiale. Le système de santé publique au Royaume-Uni sonne l’alarme quant à la capacité hospitalière. On verra comment leur été se déroulera.

On aimerait être plus optimiste. Mais les chiffres mentent rarement.

Plus on va s’approcher de 90 %, plus votre vie reviendra à la normale à l’automne.

*La formule : taux d’immunité collective = 1 – (1/taux de reproduction de base du virus). Avec un taux de reproduction de 5 (une personne infectée en contamine cinq), on arrive à un taux de vaccination de 80 % dans population totale pour atteindre l’immunité collective. Avec un taux de reproduction de 8, il faudrait vacciner 88 % de la population totale. On peut généralement avoir un taux de vaccination moins élevé si on ajoute des mesures sanitaires.

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