La semaine qui se termine aura été historique pour le climat au Canada. Et pour deux raisons complètement différentes.

La première, c’est que la météo nous a amenés dans des territoires encore jamais explorés. Si vous trouvez qu’il a fait chaud au Québec cette semaine, ce n’est rien comparativement au « dôme de chaleur » qui étouffe et fait brûler l’ouest du pays.

Sur le site d’Environnement Canada, il faut faire défiler longuement le curseur pour parcourir la liste de tous les records de chaleur battus au cours des derniers jours. « Pulvérisés » serait un meilleur terme. Parce qu’on ne parle pas de changer quelques décimales.

À plusieurs endroits, les records ont été dépassés de 7, 8, voire 11 degrés Celsius. Le village de Lytton, en Colombie-Britannique, a enregistré une infernale température de 49,6 – du jamais vu nulle part au Canada, à aucun autre moment. Il a fini par être rasé par un incendie.

Chaque fois que la météo déraille ainsi, les experts disent la même chose. Il est difficile de lier un épisode météorologique précis aux changements climatiques. Mais la fréquence et l’intensité accrue des évènements extrêmes, dont les vagues de chaleur, ne laissent aucun doute sur ce qui se passe.

Le climat de notre planète se dérègle, menaçant notre bien-être, notre santé, nos économies et même nos vies, comme on vient de le voir dans l’Ouest canadien. C’est le plus grand défi de notre époque, peut-être de l’histoire de l’humanité. On le sait, mais on devient engourdis à force de l’entendre. Désensibilisés par ce drame qui se déroule trop graduellement pour nous secouer.

Souhaitons que les dizaines de morts dues à la chaleur, les hospitalisations et les incendies de forêt destructeurs survenus cette semaine servent d’électrochoc.

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Parlant d’électrochoc, il y en a eu un autre cette semaine. Un deuxième évènement qualifié d’« historique » pour le climat, malheureusement largement passé sous silence.

Pour la première fois, le pays s’est doté d’une loi solide capable de nous amener vers la carboneutralité.

On vous entend soupirer. Au Canada, les cibles climatiques ont toujours été comme des résolutions du jour de l’An. On les lance en l’air pour se donner bonne conscience, puis on fait semblant de les oublier.

Mais grâce au projet de loi C-12, adopté in extremis par le Sénat lors de la toute dernière journée de la session parlementaire, se traîner les pieds deviendra désormais vraiment plus compliqué.

Non, la nouvelle loi ne transformera pas le Canada en société faible en carbone d’un coup de baguette magique. Et, oui, le plus difficile reste à faire : modifier en profondeur nos façons de produire nos biens et notre énergie, de nous déplacer, d’aménager notre territoire.

Mais nous avons maintenant un cadre pour le faire. Une obligation de faire des plans pour atteindre les cibles. De fixer des objectifs intermédiaires, pour éviter de faire comme un élève qui tente de rattraper une session scolaire complète la veille d’un examen (avis : ça ne fonctionne pas souvent). D’évaluer régulièrement les résultats de nos efforts. De rectifier le tir au besoin.

Bref, d’établir une feuille de route crédible pour atteindre le but ultime : la carboneutralité en 2050. Un commissaire se mettra le nez dans les plans pour s’assurer de leur sérieux. Un comité consultatif conseillera le gouvernement.

L’objectif de la loi est clair : obliger les prochains gouvernements, peu importe leur couleur, à garder le cap sur la réduction des gaz à effet de serre. Ils pourront choisir le chemin pour y arriver. Mais, en principe, ils ne pourront pas déroger de la cible.

Utopique ? On verra. Mais on sait que de telles lois peuvent fonctionner. La loi canadienne est largement inspirée de celle du Royaume-Uni, adoptée en 2008. Depuis, le pays a réduit ses émissions de près de 40 %.

Certes, la loi canadienne n’est pas parfaite. On aurait aimé que le comité consultatif soit formé de scientifiques plutôt que d’une curieuse mosaïque d’expertises (on y trouve notamment un membre de la Caisse de dépôt et placement du Québec). Elle aurait aussi pu être encore plus contraignante.

Et si le Bloc québécois, le Parti vert et le NPD ont proposé des amendements pertinents et ont soutenu l’adoption du projet de loi, on déplore que les conservateurs aient voté contre. Une adoption transpartisane lui aurait donné encore plus de force.

Reconnaissons néanmoins l’avancée qui vient d’être faite. « On a un plan », aime répéter Justin Trudeau à tout propos, souvent à tort. Voilà que la loi oblige le gouvernement à en pondre un pour atteindre ses cibles climatiques. Enfin.

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