Avec ses grandes avenues, ses théâtres grandioses et ses édifices Art déco, Vienne incarne la quintessence du chic européen. Malgré ce luxe, la capitale autrichienne est aussi l’une des plus abordables de toute l’Europe pour le logement. De quoi en faire pâlir plusieurs de jalousie à la veille de ce 1er juillet particulièrement compliqué au Québec.

À travers la province, plus de 400 ménages ont lancé des appels à l’aide parce qu’ils se retrouvent sans bail et sans logement. Dans la grande majorité des villes de la province, il y a peu d’appartements à louer sur le marché et quand il y en a, comme au centre-ville de Montréal, nombre d’entre eux sont trop petits ou alors hors de prix pour ces locataires. D’ailleurs, des études statistiques récentes ont démontré que le prix des appartements vacants a augmenté de plus de 10 % en un an. Pour ceux qui peinent à joindre les deux bouts, c’est un gros trou dans le budget.

Des programmes gouvernementaux existent pour venir en aide à ceux qui tombent entre deux chaises lors du grand jeu annuel de chaises musicales du logement. Québec a notamment débloqué des fonds pour offrir des suppléments au loyer à 2500 ménages de plus. Les familles aidées ne payeront pas plus de 25 % de leur revenu en loyer, soit l’équivalent du prix d’un logement dans un HLM.

C’est bien, ça tirera plusieurs familles d’affaire, mais ça ne règle pas le problème à long terme.

Il se rendre à l’évidence : il manque de logements sociaux au Québec.

Il y a 38 000 ménages dans la province, dont 23 000 à Montréal seulement, qui se qualifient et sont en attente d’un logement à loyer modique. Considérant qu’il y a actuellement un peu plus de 110 000 logements sociaux déjà occupés au Québec, nous sommes devant un immense manque à gagner. Et c’est vrai à l'échelle du pays. En matière de logement social, le Canada est un des pires élèves des pays de l’OCDE.

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Trop longtemps, les gouvernements ont traîné les pieds. Trop longtemps, on a misé principalement sur l’encadrement du marché locatif privé et la fixation des prix des loyers pour assurer le maintien de loyers abordables.

Et ça fonctionne en partie. Les loyers dans les villes du Québec sont en moyenne les plus bas du pays en entier. On ne peut pas accuser non plus le privé de ne pas faire sa part d’efforts pour offrir de nouveaux logements. En 2020 seulement, 28 300 logements locatifs ont été construits par des promoteurs au Québec. Dans la même période, tout le reste du Canada en a fait à peu près l’équivalent.

Devant la demande grandissante, parions que le privé restera un acteur incontournable, mais l’État doit aussi faire plus. Beaucoup plus.

Et c’est là qu’on revient valser à Vienne. Dans cette métropole culturelle, l’État a fait le choix d’investir dans le logement social depuis la Première Guerre mondiale et continue de le faire, en travaillant souvent main dans la main avec le privé. Tous les quartiers de Vienne, y compris les plus cossus, ont une part importante de logements sociaux. Le tout a pour effet de garder les loyers moyens bien en deçà de la moyenne en Europe de l’Ouest et de continuer à attirer des milliers d’artistes et de jeunes intellectuels qui nourrissent la vie culturelle.

Au Québec, depuis que le gouvernement fédéral a arrêté net de construire des HLM au début des années 90, la responsabilité de mettre en branle des projets de logements sociaux revient aux organismes communautaires et aux acteurs municipaux par l’entremise du programme AccèsLogis.

Ce programme, que la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation Andrée Laforest promet d’améliorer, ne permet pas pour le moment de regagner le terrain perdu.

À titre d’exemple, la Communauté métropolitaine de Montréal demande la construction de 2700 logements sociaux par année pendant cinq ans pour faire face aux besoins. Cependant, l’an dernier, seulement 550 unités sont sorties de terre.

AccèsLogis ne permet pas non plus de bien distribuer les logements sociaux à la grandeur du territoire. Si les arrondissements montréalais du Sud-Ouest, de Mercier-Hochelaga et de Ville-Marie comptent plus de 10 % de logements sociaux chacun, les Outremont, Hampstead, Westmount et Mont-Royal de ce monde n’en comptent pratiquement pas. Et il serait bien surprenant que des organismes de ces milieux se bousculent pour en demander.

Non, il est temps pour Ottawa et Québec de se relever les manches et d’établir un plan réel pour bâtir un parc de logements sociaux digne de ce nom. Vienne ne le regrette pas du tout.

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