Il y a de la pornographie juvénile dans notre cour. Des dizaines de milliers d’images d’enfants agressés sexuellement qui s’entassent dans des serveurs de grandes entreprises québécoises. À Saint-Léonard. À L’Île-des-Sœurs. À Beauharnois.

Ça donne mal au cœur.

On ne peut plus tolérer que les entreprises qui hébergent ces images illicites ferment les yeux, malgré les alertes répétées.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

« Entre 2018 et 2020, le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE) a envoyé quelque 150 000 demandes à des entreprises québécoises pour qu’elles suppriment des images illégales qui figurent sur des sites web qu’elles hébergent, selon les données inédites diffusées par l’équipe d’enquête de La Presse, mardi », écrit notre éditorialiste en chef.

Entre 2018 et 2020, le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE) a envoyé quelque 150 000 demandes à des entreprises québécoises pour qu’elles suppriment des images illégales qui figurent sur des sites web qu’elles hébergent, selon les données inédites diffusées par l’équipe d’enquête de La Presse, mardi.

Mais, trop souvent, les images supprimées sont rapidement remises en ligne, sans que l’hébergeur bronche.

Ainsi, la traque à la pédopornographie est sans cesse à recommencer.

Pourtant, les plateformes web ont l’obligation légale de déclarer à la police toute image d’exploitation sexuelle d’enfants dont elles ont connaissance. Mais pour prouver qu’elles étaient au courant, il faut se lever de bonne heure.

Et malheureusement, rien ne les oblige à détecter elles-mêmes les images de manière proactive. Il est temps de colmater cette faille de la loi pour forcer les plateformes web à prendre leurs responsabilités.

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Parmi les pistes à explorer, on pourrait forcer toutes les entreprises web de pornographie à obtenir un permis auprès du gouvernement, un peu comme pour la vente d’alcool.

Pour conserver leur permis, elles devraient mettre en place un dispositif afin d’identifier et d’éliminer dès leur téléchargement les images qui ont déjà été classées comme étant illégales.

Ce serait un bon début. Et cela ne leur demanderait pas un effort titanesque. Des outils de détection automatique existent. Certains sont même gratuits. Preuve que ce n’est pas sorcier, Google et Facebook filtrent déjà la pédopornographie.

Les gouvernements pourraient aller plus loin en mettant sur pied une escouade qui traiterait rapidement les demandes de retrait d’images à caractère sexuel, qu’il s’agisse de pédopornographie ou encore de matériel diffusé sans consentement.

Ça aussi, ça donne mal au cœur.

Saluons ici le courage des femmes qui ont témoigné devant le comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, à la mi-février, pour dénoncer les pratiques de Mindgeek (PornHub).

Que des images d’agression sexuelle d’une femme droguée et inconsciente se retrouvent en ligne donne le goût de pleurer. Mais que les victimes soient obligées de se battre durant des années pour faire retirer des images dégradantes est carrément révoltant.

Dans ce genre de situation, il faut agir de toute urgence puisque les images se répandent à la vitesse de la lumière sur le web. Avec la justice qui avance à pas de tortue, on ne peut pas attendre le résultat d’un procès pour intervenir.

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Ottawa travaille sur un projet de loi pour forcer les sites web à retirer les images illégales. Fort bien. Mais au début de la semaine, le ministre de la Justice n’était même pas capable de dire si Mindgeek est une entreprise canadienne soumise à nos lois. Ça en dit long sur l’avancement du dossier…

Le gouvernement du Québec, qui a aussi un comité se penchant sur la question, devrait agir comme un moteur de changement.

Parce que la province est dans l’œil de la tempête, puisque le géant Mindgeek a pignon sur rue à Montréal.

Et parce que le Québec est un lieu de prédilection pour héberger les données. Chez nous, les serveurs roulent avec les tarifs d’électricité bon marché de notre société d’État et se refroidissent grâce à notre climat froid.

Qu’on leur coupe le courant, ça presse. Car avec le confinement qui cloue les jeunes à la maison, le fléau de la pornographie juvénile a explosé.

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