En lançant ses premiers bulletins de nouvelles au début de la semaine, la chaîne Noovo a fait souffler un vent printanier dans le paysage des médias d’information québécois. Et cette brise chaude est plus que bienvenue dans une industrie qui n’a pas fini de se battre pour sa survie.

Une salle de rédaction toute neuve qui embauche près de 60 journalistes d’un coup, on n’avait pas vu ça depuis l’inauguration du service des nouvelles à Télévision Quatre-Saisons, devenu TQS, dans les années 1980.

Plus de journalistes professionnels qui travaillent, ça veut dire plus d’informations vérifiées, plus d’enquêtes, plus de surveillance, et c’est une excellente nouvelle pour notre démocratie qui fait plus que jamais face aux vents contraires de la désinformation.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Noémi Mercier, animatrice du bulletin d’informations Noovo Le fil, et Sophie Gagnon, directrice générale de Juripop et collaboratrice à l’émission, en préparation avant le tournage d’un des premiers bulletins télévisés de la chaîne.

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Dans l’équipe de Noovo, il y a au moins un clin d’œil au défunt service des nouvelles de TQS. Une des chefs d’antenne, Lisa-Marie Blais, était au nombre des 400 personnes qui ont perdu leur emploi lorsque le service a fermé ses portes en 2008, malgré d’excellentes cotes d’écoute.

À l’époque, ce n’était pas le premier ni le dernier coup dur pour le journalisme au Québec. De 2006 à 2016, plus de 10 % des emplois de journalistes ont été perdus dans la province, selon Statistique Canada.

Une récente analyse du chercheur Daniel Giroux du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, permet de constater que la cadence s’est accélérée depuis avec des pertes d’emploi de l’ordre de 17 % dans les journaux et de 24 % à la radio et à la télévision entre 2016 et 2020. On parle de centaines d’emplois !

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Et l’impact de la pandémie ? Le site J-Source note que plus de 3000 journalistes ont été mis à pied partout au Canada depuis le début de la pandémie. Plus de 1269 de ces pertes s’avèrent aujourd’hui permanentes, dont les 23 pertes d’emplois au HuffPost annoncées le mois dernier.

C’est décourageant. Depuis 15 ans, les journalistes à l’emploi ont de plus en plus l’impression d’être des rescapés sur une île qui rétrécit de jour en jour, grugée par la disparition des revenus publicitaires, eux-mêmes siphonnés par les géants du web.

Alors l’arrivée d’une nouvelle salle de rédaction, pleine d’aspirations à faire les choses différemment, ça fait vraiment du bien. Tout comme quelques nouvelles encourageantes sur la rentabilité retrouvée annoncée par certains journaux (dont celui que vous être en train de lire) au cours de la dernière année.

L’aide gouvernementale, annoncée autant à Ottawa et qu’à Québec, commence à entrer aussi. Après deux ans d’attente, Ottawa a enfin pu établir en février une liste des médias qui auront droit à son programme d’aide, évalué à 595 millions sur cinq ans. Il était temps.

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Cela dit, le carême pour les médias d’information n’est pas encore terminé. L’horizon au niveau des revenus publicitaires, loin de s’éclaircir, devient de plus en plus sombre. Si, avant la pandémie, les Facebook et Google de ce monde monopolisaient 80 % des revenus publicitaires en ligne, leur part atteindrait aujourd’hui 90 % dans le marché américain.

Les médias d’information ont beau avoir été un service essentiel pendant la pandémie et avoir attiré plus de lecteurs, de téléspectateurs et d’auditeurs, les revenus liés à la publicité continuent de leur glisser entre les doigts au profit d’organisations qui exploitent leur contenu gratuitement.

Heureusement, il y a là aussi une lueur d’espoir à l’horizon. Le ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault, est en pleine consultation et veut proposer au cours des prochains mois un projet de loi pour obliger les géants de la technologie à payer une redevance aux médias d’information canadiens dont ils utilisent le travail journalistique.

Le Canada veut marcher dans les pas de l’Australie, qui, après un bon gros bras de fer avec Google et Facebook, est en train d’avoir gain de cause.

Souhaitons que l’argent ainsi récupéré permette à l’île du journalisme de regagner du terrain, autant en quantité, et en qualité qu’en diversité. Les médias d’information qui voguent à contre-courant depuis des années ont vraiment besoin de plusieurs vents nouveaux dans le dos.

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