« Frette, pas frette, j’y vais. » Cette année, c’est le slogan du Carnaval de Québec, qui prendra son envol dans une petite semaine. Le 67e. Le premier en temps de pandémie. Et on espère le dernier.

Le niveau d’alerte rouge a obligé les organisateurs à tenir une grande partie de leurs festivités en ligne, sur YouTube. Mais les rues de Québec ne seront pas en reste pendant le carnaval qui s’étendra du 5 au 14 février : les traditionnelles sculptures sur neige seront au rendez-vous, mais elles apparaîtront aux quatre coins de la ville, dispersées entre les diverses artères commerciales, permettant aux marcheurs de les admirer sans causer de rassemblements.

On s’entend, on est loin du défilé ou du spectacle à grand déploiement, mais en ces temps de pain sec sur le plan culturel non virtuel, ce genre d’initiatives est plus que bienvenue.

Il est grand temps d’égayer les centres-villes et les rues commerciales du Québec en entier, atteints en plein cœur par de longs mois de confinement.

Pendant que ça joue du coude pour faire de la raquette, patiner et glisser dans les parcs – un engouement fort beau à voir – les Sainte-Catherine, des Forges et Wellington de ce monde roulent les trottoirs bien avant le couvre-feu.

Pourtant, ces rues centrales peuvent être de magnifiques écrins pour laisser exploser la créativité des artistes et des travailleurs du milieu culturel, parmi les plus touchés par la pandémie. À Montréal seulement, on estime que plus du quart de ces 92 000 personnes sont actuellement sans emploi.

Ces jours-ci, on a l’impression que ces créateurs – qui sont pourtant une fierté de la métropole et de plusieurs villes de la province – hibernent. Il suffit cependant de passer quelques coups de fil pour constater que les grands festivals, les compagnies de théâtre et de cirque, les artistes visuels et les musées sont autant de chevaux créatifs retenus en bride par les règles en vigueur. Ils proposent des idées, mais se cassent les dents sur les interdictions de la Santé publique. Faute de pouvoir investir l’espace public, ils offrent leur talent en ligne. C’est notamment le cas de Montréal en lumière, qui a annoncé une programmation virtuelle du 4 au 28 mars, mais qui espère que les règles s’assoupliront d’ici là pour tenir une partie du festival en chair et en os.

En ce moment, à Montréal, il y a bien quelques initiatives intéressantes qui ont vu le jour : les œuvres Luminothérapie et Cœur battant dans le Quartier des spectacles, les stations hivernales colorées dans chaque arrondissement, l’installation lumineuse du Centre Segal pour souligner le mois de l’histoire des Noirs. Tout ça est encore bien peu pour une ville de près de 2 millions de personnes en manque de beauté et d’activités inspirantes loin des écrans d’ordinateur.

D’ailleurs, les Montréalais ont démontré qu’ils étaient prêts à mettre la main à la pâte givrée, comme en témoignent les centaines de bonshommes de neige, de forts et d’autres créations glacées qui sont apparus partout en ville lors de la grosse chute de neige collante. On en veut plus !

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le parc Laurier, à Montréal

Donner de l’air

Alors que la courbe de la COVID-19 s’améliore de jour en jour, le gouvernement Legault annonce qu’il offrira quelques allègements. Moins à Montréal qu’ailleurs dans la province. Espérons que c’est d’abord en plein air qu’on ouvrira de nouvelles fenêtres de liberté et d’occasions de rencontres. Selon toute la littérature scientifique mise à notre disposition, le virus s’y transmet beaucoup moins facilement qu’entre quatre murs et presque pas lorsque la distanciation physique est respectée.

D’autant qu’après un an de pandémie, on connaît déjà plusieurs approches sécuritaires pour mettre un peu de « pep » sans pour autant créer la cohue : des œuvres ludiques nombreuses et dispersées, des décorations lumineuses, des réservations de billets en ligne pour limiter l’achalandage, des accès à des attraits ou des performances par plages horaires, des parcours à sens unique, des terrasses chauffées, des camions de rue.

Vous avez été nombreux à nous en fournir d’autres lors de notre appel à tous. Pourquoi ne pas faire jouer de la musique classique interprétée par des musiciens d’ici dans les haut-parleurs des patinoires ou encore créer de sentiers de poésie mettant en vedette les poètes locaux ? Oui et oui !

Bien sûr, il fait froid et le couvre-feu freine plusieurs élans, mais cet hiver hors norme nous invite à embrasser notre nordicité comme nous avons rarement eu l’occasion de le faire. En bougeant. En créant. En sortant des sentiers battus. En possédant notre hiver.

Frette, pas frette, allons-y ! Et qui sait, l’hiver réinventé sera peut-être un des plus beaux legs de la pandémie.

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