Au cours des prochains jours, le Bloc québécois va déposer une motion visant la tenue d’une enquête parlementaire sur le processus de nomination des juges par le gouvernement fédéral.

Les conservateurs et le NPD ont l’intention de soutenir la démarche.

Et si les libéraux font preuve d’un tant soit peu de jugeote, ils vont eux aussi donner leur appui à cette enquête.

Elle est indispensable.

En vertu de la motion du Bloc, l’enquête se déroulerait devant le comité de la justice et mènerait à un rapport présenté à la Chambre des communes.

C’est l’approche appropriée dans les circonstances, c’est-à-dire dans la foulée de révélations selon lesquelles il y aurait eu des tentatives d’ingérence politique dans le processus de nomination des juges.

Tant Radio-Canada que La Presse, au cours des dernières semaines, ont publié des reportages accablants dans ce dossier. Ceux-ci s’ajoutent à ce qu’avait révélé le quotidien The Globe and Mail l’an dernier.

On y avait appris l’existence d’une base de données privée appelée « Libéraliste » – ça ne s’invente pas ! – utilisée par le Parti libéral pour vérifier les antécédents politiques de candidats à la magistrature.

Notre chef de bureau à Ottawa, Joël-Denis Bellavance, a pour sa part fait état en octobre de documents qui montrent non seulement « l’ampleur des consultations », mais aussi que « certains députés évoquent clairement les penchants politiques des candidats potentiels dans leur évaluation ».

Parallèlement, l’ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould a dit avoir subi des pressions pour influencer ses choix, notamment de la part bureau du premier ministre.

« Certaines personnes ont cette impression que les nominations – que ce soit à la magistrature ou ailleurs – peuvent servir à obtenir des faveurs si on est partisan ou si on a fait quelque chose au bénéfice du parti », a-t-elle déclaré à Radio-Canada.

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Ces manigances ont-elles pu affecter la nomination des juges ?

Tant Jody Wilson-Raybould que son successeur, David Lametti, ont soutenu que les pressions et les jeux de coulisses n’ont pas joué sur le choix des candidats.

C’est peut-être vrai. Mais le seul fait qu’il subsiste un doute dans notre esprit à savoir si la nomination de juges est parfois le résultat de l’influence de tiers devrait pousser le gouvernement fédéral à revoir une nouvelle fois le processus de sélection.

Les libéraux devraient être d’autant plus enclins à le faire qu’ils l’ont déjà amélioré, ce processus, au cours de leur premier mandat.

Ils ont notamment solidifié et rendu plus transparent tout le travail fait en amont lors de la sélection par des comités consultatifs indépendants, ceux qui font le premier tri des candidatures-spécifions aussi qu’ils ont carrément mis fin à l’opacité qui prévalait à la fin de l’ère Harper à cette étape quant à la sélection des candidats à la Cour suprême.

Mais visiblement, en aval, il reste encore du travail à faire.

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David Lametti a soutenu récemment qu’il ne tient compte « d’aucune considération partisane lorsque je recommande des candidats au cabinet ». On ne demande qu’à le croire sur parole.

Mais ce ne sera pas possible tant qu’on ne trouvera pas une façon de mettre fin aux jeux d’influence qui donnent la fâcheuse impression que les amis du pouvoir sont récompensés.

Il ne s’agit surtout pas d’empêcher toute vérification des candidatures de la part des élus.

Comme le rappelait récemment l’Association canadienne du barreau (ABC), « la décision finale concernant la nomination des juges relève clairement des attributions du gouvernement ».

Ce pouvoir discrétionnaire doit toutefois être encadré et exercé de façon cohérente avec le souhait exprimé d’avoir un « processus de sélection ouvert, transparent et responsable ».

Celui-ci devrait être, précise d’ailleurs l’ABC, « fondé exclusivement sur le mérite et en fin de compte représentatif de la société canadienne ».

Il y a tout près d’une décennie, le Québec a pu bénéficier des recommandations de la commission Bastarache, qui lui a permis de revoir le processus de nomination de ses magistrats.

Le Canada, incontestablement, est mûr pour un exercice similaire.

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