Donald Trump adore exagérer ses réalisations ; à l’écouter, tout ce qu’il fait depuis son arrivée en politique est hors du commun.

C’est souvent de la poudre aux yeux.

Mais dans le dossier crucial de la Cour suprême des États-Unis, si la tendance se maintient, le président américain va véritablement passer à l’histoire. Et il va pouvoir pendant longtemps s’en péter les bretelles.

L’audition d’Amy Coney Barrett, qui a débuté lundi au Sénat américain, va bon train. Si cette tendance se maintient d’ici la fin de l’exercice, cette juge – la plus récente sélectionnée par Donald Trump pour la Cour suprême – devrait rapidement être confirmée dans ses nouvelles fonctions.

Elle a livré jusqu’ici une performance sans fausse note, offrant souvent des réponses floues lorsqu’on la questionnait sur des sujets controversés. Les républicains, qui contrôlent le Sénat, devraient presque tous approuver cette nomination.

Ça signifie qu’en l’espace de quatre ans, Donald Trump aura choisi trois des neuf juges du plus haut tribunal du pays. Résultat : il va en modifier profondément l’équilibre, pour longtemps.

PHOTO ALEX EDELMAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

La juge Amy Coney Barrett

C’est remarquable, en effet.

Il faut remonter à Ronald Reagan pour trouver un président qui a nommé autant de nouveaux juges à la Cour suprême. Barack Obama, en huit ans à la Maison-Blanche, en a nommé seulement deux (nous y reviendrons plus loin).

Cet accomplissement pourrait aussi avoir un impact tangible le jour du scrutin. Un tel bilan pourrait inciter certains de ses partisans les plus conservateurs à vouloir renouveler son mandat.

Leur enthousiasme est compréhensible.

Vrai, Amy Coney Barrett n’a pas révélé jusqu’à quel point elle a l’intention d’épouser avec fermeté certaines des positions les plus conservatrices souvent défendues par les politiciens républicains. On retiendra cependant qu’elle ne semble pas avoir beaucoup d’atomes crochus avec les juges progressistes (ils ne sont plus que trois) qui siègent à la Cour suprême.

C’est ce qu’on peut déduire de ses écrits – en tant que juge, mais aussi en tant qu’universitaire – et de certaines réponses aux questions de mardi. Incluant ses explications au sujet de son approche originaliste.

Selon cette doctrine, dont se réclamait aussi le flamboyant juge conservateur Antonin Scalia, il faut tenter d’interpréter la Constitution au moment où elle a été ratifiée, tenter de déterminer ce qu’avaient en tête ceux qui l’ont rédigée. En vertu de cette approche, il estimait notamment que la Constitution américaine ne protège pas les droits des gais.

Le juge Stephen Breyer, qui est aujourd’hui le plus âgé de ceux qui siègent à la Cour suprême, s’est déjà inquiété publiquement de l’impact de l’originalisme. « Préserver le consentement de l’opinion requiert une Constitution qui fonctionne convenablement pour le peuple, à l’époque où nous vivons », a-t-il écrit il y a une dizaine d’années.

Par conséquent, la Cour suprême doit « considérer la Constitution comme le réceptacle de valeurs intangibles qui doivent être appliquées avec souplesse à des circonstances sans cesse changeantes ».

Ses propos résonnent d’autant plus fort aujourd’hui que la crédibilité du plus haut tribunal du pays a déjà été ébranlée par le comportement de Donald Trump.

Parce qu’il semble prendre un malin plaisir à remettre en question l’indépendance des juges, mais aussi car c’est en trichant qu’il a pu en nommer trois en l’espace d’un seul mandat.

Rappel utile : le juge conservateur Antonin Scalia est mort en 2016. Mais cette année-là, les sénateurs républicains ont prétexté qu’ils ne pouvaient pas permettre à Barack Obama de pourvoir le poste devenu vacant… parce qu’il restait seulement huit mois et demi avant l’élection présidentielle.

Nous voici pourtant aujourd’hui à moins d’un mois du scrutin et ces mêmes républicains vont pourvoir avec empressement le poste de Ruth Bader Ginsburg, véritable icône progressiste.

Trump va gagner, donc, mais sans aucun mérite. Et à quel prix !

Du point de vue de l’intégrité de la Cour suprême et de l’opinion publique à son égard, c’est une victoire qui interdit tout triomphalisme.

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