À l’approche du scrutin présidentiel américain, on observe nos voisins avec un mélange de crainte et d’empathie… et ça devrait nous faire réfléchir.

Pas seulement à cause de Donald Trump (soyez prévenus, son nom ne reviendra plus dans ce texte). Il y a un autre enjeu crucial auquel les Américains sont confrontés, qui risque fort de nous toucher : mener des élections fédérales en pleine pandémie peut être un méchant casse-tête.

Notre système électoral se trouve à des années-lumière de celui de notre voisin et c’est tant mieux. Malgré tout, il n’est pas encore entièrement prêt à faire face à la musique.

On n’a qu’à constater la controverse actuelle entourant deux élections partielles à Toronto – la cheffe du Parti vert vient de réclamer leur report en raison de la pandémie – pour imaginer le défi que va représenter l’organisation d’un scrutin dans l’ensemble des circonscriptions du pays.

Élections Canada vient de le confirmer de façon formelle.

Dans un rapport déposé la semaine dernière au Parlement – qui, inexplicablement, n’a pas fait grand bruit malgré l’importance de la chose –, le directeur général des élections (DGE) du Canada a réclamé des changements urgents à la loi électorale.

Ils sont essentiels, selon Stéphane Perrault, si on souhaite faciliter le déroulement des prochaines élections.

PHOTO FRED CHARTRAND, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le directeur général des élections du Canada, Stéphane Perrault

Parmi ces changements, celui qui aurait le plus d’impact sur l’ensemble des électeurs semble incontournable : modifier le jour du scrutin.

Autrement dit : fini le vote le lundi en temps de pandémie.

L’idéal serait de permettre le vote le samedi ET le dimanche à raison de 12 heures par jour.

Le directeur général des élections énumère une kyrielle de bonnes raisons qui justifient ce changement.

Le fait, par exemple, que la distanciation physique sera favorisée si on peut voter sur deux jours, la fin de semaine (alors que davantage d’électeurs sont en congé), pendant un grand total de 24 heures. La formule actuelle, rappelons-le, prévoit une seule journée de 16 heures, obligatoirement le lundi.

Grâce à ce changement, étant donné que le scrutin ne se déroulerait plus en semaine, on pourrait aussi avoir accès plus facilement à des travailleurs de moins de 65 ans. Lors des plus récentes élections fédérales, 47 % des travailleurs électoraux avaient plus de 60 ans et 18 % étaient âgés de plus de 68 ans. Entendons-nous : ce scénario n’est pas viable avec la COVID-19.

PHOTO COLE BURSTON, ARCHIVES BLOOMBERG

Notre système électoral n’est pas encore prêt pour un vote en temps de pandémie, et il faut rapidement l’adapter, selon notre éditorialiste.

Ajoutez à ça le fait qu’il sera forcément moins facile, en raison de la pandémie, de trouver des lieux à transformer en bureaux de scrutin. Tout particulièrement si c’est la semaine. Un vote la fin de semaine pourrait rendre la vie plus facile aux organisateurs en multipliant le nombre d’endroits disponibles.

Parallèlement au changement du jour du scrutin, le DGE souhaite qu’on l’autorise à déterminer quand et comment va se dérouler le vote dans les établissements de soins de longue durée. Dans les circonstances, on n’a pas de mal à comprendre pourquoi. Sans surprise, il qualifie cette opération de « plus grand défi pour Élections Canada ». Enfin, il souhaite qu’on élargisse les pouvoirs qui lui permettent d’adapter les dispositions de la loi électorale en cas de situation d’urgence. Ce serait nécessaire, notamment, pour prendre des mesures spéciales visant à protéger la santé des travailleurs électoraux.

Ayant visiblement compris que nos élus en ont plein les bras avec la gestion des urgences liées à la pandémie, le DGE a soumis, avec son rapport, une loi modèle. Elle pourrait être utilisée pour préparer l’éventuel projet de loi.

C’est que le temps presse.

Lorsque le Parlement aura donné le feu vert à Élections Canada, ça devrait prendre quatre mois pour mettre toutes les mesures en place.

Or, la durée moyenne d’un gouvernement minoritaire au pays est d’environ 18 mois.

Et les plus récentes élections fédérales remontent à tout près de 12 mois.

Procrastiner n’est pas un luxe qu’on peut se permettre en de telles circonstances.

Alors qu’est-ce qu’on attend ?

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