Non, la ministre responsable des Affaires autochtones n’est pas la femme de la situation.

Peu après sa nomination il y a deux ans, une vague de suicides a dévasté le Nunavik. Au lieu de participer à la rencontre d’urgence qui a suivi, elle y a dépêché quelques fonctionnaires – une absence qui a été très remarquée.

La suite des choses a été à l’avenant. Quand elle n’arrive pas à s’entendre avec l’Assemblée des Premières Nations, elle leur reproche de jouer le rôle d’un « quatrième parti d’opposition » comme si elle ne comprenait pas le rôle de cette organisation. Quand des Autochtones dressent des barricades pour se protéger contre la COVID-19, elle trouve pertinent de blaguer à ce sujet en disant que pour une fois, elle voit des barricades d’un bon œil.

Et quand le Québec est secoué par le traitement ignoble d’une patiente atikamekw à l’hôpital de Joliette, elle publie un communiqué se réjouissant des « progrès » accomplis dans la mise en œuvre des recommandations de la commission Viens – affirmation douteuse, contredite par un groupe d’ex-chercheurs de cette commission d’enquête ! Et il lui faudra quelques heures pour corriger le tir et déplorer cette honteuse tragédie.

Plusieurs voix ont appelé au remplacement de Sylvie D’Amours à ce poste dont elle ne semble pas comprendre les tenants et aboutissants. Ces demandes sont légitimes : en deux ans, Mme D’Amours a multiplié les bourdes et n’a pas réussi à gagner un minimum de confiance auprès de ses répondants autochtones.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours

Mais à supposer que le premier ministre François Legault lui trouve un successeur, cela suffira-t-il à changer vraiment la donne ? Pas sûr.

D’abord, parce que le Secrétariat aux Affaires autochtones (SAA) qui relève de la ministre D’Amours a relativement peu de pouvoir.

Une représentante du SAA, Marie-José Thomas, l’a d’ailleurs bien dit lors des audiences de la commission Viens, il y a deux ans.

« En raison de son rôle administratif, le SAA ne porte pas la responsabilité d’élaborer une vision », a-t-elle dit en toute candeur. Comprendre : les vraies décisions se prennent plus haut. Au bureau du premier ministre.

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La ministre Marguerite Blais, responsable du dossier des personnes âgées, a noté, dans un récent reportage d’Enquête, qu’un ministre « a le pouvoir que le premier ministre veut bien lui donner ».

Or, les Autochtones font actuellement affaire avec une ministre faible à la tête d’un « non-ministère », sans grand pouvoir, sans moyens et sans vision.

À un moment où le niveau de confiance entre Québec et les Premières Nations frôle le point de congélation (le premier ministre Legault a même été écarté des funérailles de Joyce Echaquan mardi), on peut et on doit faire mieux.

M. Legault s’est excusé au nom du gouvernement auprès de la famille de la jeune femme. Il s’était aussi excusé au lendemain de la publication du rapport Viens qui documentait la discrimination systémique infligée aux Autochtones.

Mais le temps des excuses est passé. Il faut passer à une autre vitesse. Envoyer un signal puissant d’un changement de régime dans les relations entre Québec et les Premières Nations.

Comment ? Par exemple, en accueillant une récente proposition de l’Assemblée des Premières Nations qui suggère de créer une « table politique Québec-Premières Nations » où seraient discutés notamment des dossiers de développement économique. Vu l’état actuel des choses, un lieu de discussion consacré n’est pas un luxe !

Mais une autre manière d’envoyer un message fort serait de remplacer non seulement la ministre, mais aussi le Secrétariat dont elle est responsable.

La Colombie-Britannique s’est dotée d’un ministère des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation. Le nom même de ce ministère reconnaît qu’il y a des pots cassés et qu’il faut les recoller.

Rien n’empêche Québec de suivre l’exemple en créant un véritable ministère doté d’un mandat fort, chargé de développer une vision claire et dirigé par un ministre compétent.

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