Le DArruda s’est dit jeudi « excessivement préoccupé par le fait qu’on sent un relâchement avec le déconfinement ». Une inquiétude nourrie par la conviction ferme « qu’il y aura malheureusement une deuxième vague ».

Et pourtant, le même jour, il annonçait la fin du dévoilement quotidien du nombre de cas de COVID-19, d’hospitalisations et des décès… probablement l’élément de sensibilisation le plus efficace depuis le début de la pandémie pour convaincre la population de demeurer prudente.

Curieux timing… pour une curieuse décision qui ne tenait pas la route.

Le gouvernement a donc bien fait de reculer, comme ce gouvernement est d’ailleurs capable de le faire quand il réalise qu’il a erré. C’est tout en son honneur.

Déjà qu’ils semblent nombreux, au Québec, à croire que le virus est chose du passé, le dévoilement hebdomadaire aurait simplement renforcé cette fausse impression. Au pire moment.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

« Ce que le Dr Horacio Arruda et ses confrères ont sous-estimé, c’est le désir de la population de voir les chiffres au jour le jour », écrit notre éditorialiste.

Soyons honnêtes, la décision du directeur national de santé publique était appuyée par bien des experts, qui étaient d’accord avec le choix de diffuser les données tous les jeudis plutôt que tous les jours. Le microbiologiste Karl Weiss, par exemple. Le gériatre David Lussier. Même l’infectiologue Amir Khadir, qu’on ne peut soupçonner de complaisance envers le gouvernement.

En gros, ces scientifiques estiment que les chiffres collectés chaque jour à la mitaine sont trop parcellaires et sujets à caution pour éclairer la décision gouvernementale. Ils sont aussi trop petits pour que les variations journalières aient un quelconque sens.

Soit. Il faut donc oublier le grand complot de l’État qui a essayé de nous cacher des choses avant de faire volte-face sous la pression populaire !

Mais ce que le DArruda et ses confrères ont sous-estimé, c’est le désir de la population de voir les chiffres au jour le jour. C’est le besoin des Québécois d’avoir accès à la situation en temps presque réel, pour comprendre, pour se faire une tête, pour juger du travail des dirigeants.

Est-ce qu’il y a une grande explication scientifique derrière ce besoin ? Non. Mais ce besoin n’en est pas moins légitime.

Scientifiquement, c’était peut-être mieux de passer à des données hebdomadaires, plus fiables. Démocratiquement, toutefois, non, ce n’était pas la meilleure chose. Pédagogiquement non plus.

S’il y a une chose qu’on peut retenir des derniers mois, c’est que les Québécois peuvent comprendre jusqu’aux éléments les plus complexes si on prend le temps de bien leur expliquer.

Voyez leur discipline au début du confinement. Voyez leur confiance toujours aussi forte en ce gouvernement au moment du déconfinement… malgré un bilan assez catastrophique.

Donc pourquoi, soudainement, retenir les données, sous prétexte que la population ne les aurait pas comprises ? C’était à n’y rien comprendre.

Une des raisons pour lesquelles François Legault a été – et est toujours – aussi populaire, c’est sa grande transparence tout au long de sa gestion de crise sanitaire. Il a été ouvert, honnête, transparent. Cette volte-face s’inscrit dans cette mouvance.

Il suffira, maintenant qu’on revient à la divulgation quotidienne, d’expliquer les limites scientifiques des données. Une tâche qui n’a rien d’insurmontable pour le DArruda, qui a su se faire pédagogue tout au long de la crise sanitaire ces derniers mois.

Québec choisit ainsi de faire confiance à la population, comme il l’a fait depuis le début de la crise.

Lorsque François Legault a justifié son projet de loi 61 ces dernières semaines, il a dit qu’on pouvait construire des maisons pour aînés en deux ans plutôt qu’en quatre, car « on n’est pas plus imbéciles » qu’ailleurs, au Québec. Eh bien, il en va de même pour la subtilité des données quotidiennes : le dévoilement quotidien doit se poursuivre, car là non plus, on n’est pas plus imbéciles qu’ailleurs.

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