Pendant les 20 mois qu’il aura passés à la barre du ministère de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette a causé de nombreux cafouillages et des controverses parfaitement inutiles. Son remplacement, par Nadine Girault, est une excellente occasion pour insuffler une nouvelle vision aux politiques d’immigration du gouvernement Legault.

À titre de rappel : il y a eu la première mouture du projet de loi 9, que le ministre Jolin-Barrette avait présentée peu après l’arrivée au pouvoir de la CAQ, et qui avait pour ambition de réformer de fond en comble notre système d’immigration.

Il y était question de conditionner l’attribution de la résidence permanente à certains critères géographiques (lieu de résidence au Québec), ou à l’intégration culturelle et linguistique de l’immigrant.

Cette initiative était impraticable, ne serait-ce que parce c’est Ottawa qui décide qui obtient la résidence permanente et non à Québec ! Ottawa a rapidement rejeté ce scénario.

Le ministre avait aussi annoncé le rejet de 18 000 dossiers déjà en traitement dans le pipeline de l’Immigration, au profit d’un nouveau système, théoriquement mieux arrimé aux besoins du marché de l’emploi.

Une injonction l’a obligé à reculer, là aussi. Et à reprendre l’étude d’une partie de ces dossiers.

Puis il y a eu une première tentative de réformer le PEQ, ce programme d’expérience québécoise considéré généralement comme un succès, et ouvrant une voie rapide aux candidats à l’immigration déjà intégrés à leur éventuelle terre d’accueil.

Le ministre Jolin-Barrette voulait resserrer les critères d’admission à ce programme. Rétroactivement, une fois de plus, ce qui aurait pénalisé des gens qui avaient déjà investi temps et énergie à s’établir au Québec.

Devant le tollé, il a dû adoucir sa médecine. Une nouvelle version de la réforme est sur la table. Mais la question reste entière : quel besoin y avait-il de s’attaquer à une voie d’accès qui roulait parfaitement bien ?

Et enfin, il y a eu ce blocage dans le programme de parrainage des réfugiés, gelé puis relancé en écartant des centaines de dossiers en raison de quotas infinitésimaux. Cerise sur le gâteau : ce recours à des messagers pour permettre aux « parrains » des régions d’acheminer leur demande à temps dans le goulot d’étranglement du Ministère.

Là encore, Québec a dû reculer, on a mis de côté les livraisons par messagers, mais de grosses questions demeurent sur les raisons qui poussent le gouvernement Legault à mettre des bâtons dans les roues de ce programme pourtant perçu comme un modèle à l’étranger.

En jetant un coup d’œil rétrospectif sur ce bilan, on constate qu’il correspond à une certaine vision de l’immigration qui est perçue d’abord et avant tout comme un problème à résoudre. Par la contrainte s’il le faut. Ou en multipliant les restrictions et les complications.

Les immigrants ne restent pas en nombre suffisant en région ? On va les y contraindre par la loi, disait la première version du projet de loi 9.

L’approche de Simon Jolin-Barrette tenait aussi pour acquis que les meilleurs candidats à l’immigration sont ceux qui correspondent avec précision aux besoins du marché du travail, ou encore mieux, qui ont été sélectionnés en fonction d’un emploi précis, par le système Arrima, mis en place, mais non activé par le gouvernement de Philippe Couillard.

Pourtant, compte tenu des délais de traitement, entre le moment où un candidat dépose sa demande et le jour où il débarque au Québec, l’emploi qui lui a valu d’être sélectionné n’existe peut-être déjà plus ! D’ailleurs, jusqu’à maintenant, le fameux système Arrima, où les immigrants potentiels déposent leur déclaration d’intention et attendent d’être « invités » à faire une demande d’immigration au Québec, fonctionne au compte-gouttes. On est loin de la formule magique permettant de trouver l’immigrant idéal.

Ce qui reste du passage du ministre Jolin-Barrette à la barre de l’Immigration, c’est le souvenir d’un politicien déterminé à brasser les cartes, mais qui dégaine trop vite, sans attacher les fils de ses réformes, sans consulter, sans hésiter à agir rétroactivement et sans mesurer l’impact humain de ses décisions.

En lui succédant, la ministre Nadine Girault a la possibilité non seulement de peaufiner les détails de la politique d’immigration, mais aussi, et surtout, de lui injecter plus de finesse, plus d’ouverture et plus d’humanité.

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