Pour justifier le prolongement de la prestation canadienne d’urgence (PCU), le gouvernement Trudeau dit vouloir protéger le « contrat social ». Il a raison, mais il ne le fait qu’à moitié, en ne s’attaquant pas assez aux fraudeurs et aux demandes injustifiées. Tout cela parce que les conservateurs et les libéraux n’ont pas été capables de s’entendre pour adopter une loi que les deux souhaitaient pourtant.

Les libéraux ont raison de prolonger pour huit semaines ce programme jusqu’à 2000 $ imposable par mois pour ceux qui ont perdu leur emploi ou la majorité de leurs heures travaillées à cause de la COVID-19.

Depuis sa création, la PCU a coûté plus de 60 milliards. C’est le programme le plus coûteux de la crise.

On le sait, Ottawa est en train de creuser un déficit immense pour cette année financière – plus de 250 milliards, estimait-on à la fin avril , avant que d’autres mesures s’ajoutent. Et cette hausse des dépenses ne vient pas avec une transparence accrue. Au contraire, les parlementaires ont moins de temps que jamais pour examiner les programmes et voter sur les dépenses.

Reste que le portrait est moins catastrophique qu’il n’y paraît.

Selon l’Institut des finances publiques et de la démocratie de l’Université d’Ottawa, 60 % du déficit viendrait des dépenses temporaires, et 30 % viendrait du contexte économique passager. Pour le déficit restant, l’économie devrait à long terme croître plus vite que les dépenses, calcule l’Institut.

Par contre, sur le plan individuel, des drames se jouent. Des gens encore sans emploi peinent à payer leur loyer ou leur épicerie. Parmi eux, de nombreux pigistes et petits entrepreneurs qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi, et qui se retrouvent donc devant le vide.

Les revenus modestes ont été les plus touchés. Selon l’Institut C. D. Howe, les gens gagnant moins de 15 dollars l’heure ont vu leurs heures réduites de moitié depuis le début de la crise. Chez ceux gagnant plus de 40 dollars l’heure, la baisse n’a été que de 6 %.

Comment aider ceux qui en arrachent ? Il n’y a pas beaucoup d’options.

En théorie, l’idéal aurait été de resserrer les critères de la PCU pour cibler les secteurs de l’économie encore confinés ou presque, comme le spectacle, le tourisme et l’hôtellerie. Or, la machine fédérale aurait été incapable de changer les critères, suivre leur application et envoyer les chèques. C’aurait été un fiasco bureaucratique.

Il aurait aussi fallu refuser les demandes de gens qui pourraient travailler. Le patronat s’en plaint non sans raison. Il y a aussi une multitude de petits entrepreneurs incapables de trouver des employés à cause de la PCU. Des commerces de quartier menacés de fermeture.

Hélas, envoyer l’aide de façon à la fois ciblée et rapide ressemble à une mission impossible. Il faut choisir, et peu importe la décision, des dégâts sont inévitables. Ottawa a opté pour la rapidité, afin de ne pas laisser de Canadiens souffrir à cause d’une crise pour laquelle ils n’ont aucune responsabilité, et sur laquelle ils n’ont aucun contrôle.

En contrepartie de cette aide, l’État a toutefois une responsabilité : rassurer ceux qui financent ces programmes en démontrant que les critères et leur application seront justes et équitables.

On comprend qu’en début de crise, le gouvernement Trudeau ne pouvait bien faire ce suivi. La priorité était d’envoyer les chèques rapidement, ce qui empêchait d’examiner attentivement chaque demande.

Quelques semaines plus tard, il est toutefois possible d’améliorer le programme. C’est à cela que devait servir le projet de loi C-17. Il renforçait les vérifications en amont. Et grâce à une suggestion constructive du Bloc québécois, il encourageait aussi le retour à temps partiel au travail.

Malheureusement, ce projet de loi passera l’été sur une tablette…

Les libéraux et les conservateurs n’ont pas réussi à s’entendre. Certes, les conservateurs étaient les premiers à réclamer un suivi plus serré des dépenses, mais en contrepartie, ils voulaient que le parlement fonctionne à nouveau à temps plein. Les libéraux n’étaient pas d’accord, pour des raisons de santé publique et pour concentrer les débats autour de la gestion de la crise.

Résultat, on reste avec le vieux programme d’aide.

Dommage. Il était bon, mais il était aussi très perfectible.

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