À court terme, certains pourraient se réjouir d’un effet collatéral de la pandémie : une baisse impressionnante des émissions polluantes en raison de l’arrêt des vols, des usines et des déplacements.

Imaginez : cette baisse s’annonce si importante selon les premières estimations (entre 3 et 14 % à l’échelle mondiale) qu’elle pourrait permettre à certains États, comme le Québec, d’atteindre des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui paraissaient jusqu’à alors illusoires.

Mais cette réjouissance formulée par certains environnementalistes est fort déplacée.

D’abord, parce qu’elle se fait sur le dos d’innombrables tragédies humaines. Ensuite, parce qu’il y a bien peu de chances que la pandémie nous mène vers une économie moins polluante.

Il n’y a qu’à se rappeler ce qui s’est passé au lendemain de la crise économique de 2008 pour s’en convaincre : la relance a provoqué, deux ans plus tard, une hausse spectaculaire des émissions de CO2 de 5 %. Comme si la machine s’était emballée.

Soyons honnêtes : il serait bien étonnant qu’avec les seules velléités d’achat local entendues un peu partout, on réussisse à infléchir les émissions de gaz à effet de serre à la baisse ! Surtout quand on sait que le gouvernement Trudeau prépare un plan d’aide de 15 milliards… seulement pour l’industrie pétrolière et gazière.

Ajoutons à ça toutes les inconnues qui suivront la pandémie.

Les citoyens auront-ils encore le goût de s’entasser dans les bus et le métro après avoir goûté à la distanciation sociale ?

Voudront-ils tous se retrouver seuls dans leur nouvelle voiture ? Et qui aura la moindre envie d’entendre parler de mesures qui peuvent s’apparenter à la décroissance, de près ou de loin, après le traumatisme d’une telle crise ?

Autre chose : l’annulation et le report des conférences de l’ONU sur le climat auront-ils un impact sur la motivation des pays à lutter contre le réchauffement planétaire ?

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Un groupe de divers horizons a fait parvenir à François Legault des idées pour une relance qui accélère la transition économique et énergétique déjà entamée.

La question est plus pertinente qu’elle en a l’air étant donné que la rencontre qui était prévue à Glasgow en décembre était très importante pour la suite. Elle devait permettre aux pays de présenter leurs plans climatiques pour les prochaines années.

Or, ceux qui suivent les négociations internationales depuis quelques années se rappelleront qu’après la crise économique de 2008, la volonté des États de s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre a chuté brutalement.

Pourquoi ? Parce que le climat avait soudainement dégringolé dans les bas-fonds des priorités en raison de l’urgence économique. Et ce, autant pour les gouvernements que pour les citoyens.

Si on veut continuer de garder les yeux sur la balle climatique au lendemain de la pandémie, il faudra donc s’assurer que la relance fait une part belle aux mesures environnementales. Une idée qui circule d’ailleurs de plus en plus dans le monde.

Dans une analyse publiée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), par exemple, on recommande aux États de mettre les projets de production d’« énergie propre » au cœur des priorités.

« Les plans de relance seront d’une ampleur qui n’arrive qu’une fois par siècle, au regard des montants mobilisés, a fait remarquer le patron de l’AIE, Fatih Birol. Cela va structurer l’économie et donner forme au monde dans lequel nous allons vivre. »

Même son de cloche à la Banque mondiale, où on a élaboré des critères pour aider les États à choisir les bons projets de relance, dont la contribution à la « décarbonisation » de l’économie. Comme l’avait fait Barack Obama après la crise de 2008, par exemple, en misant entre autres sur l’isolation des bâtiments à grande échelle.

C’est d’ailleurs sur ce genre de mesures qu’a travaillé un groupe de 15 organismes québécois ces derniers jours, a appris La Presse. Un groupe de divers horizons, social, syndical, économique et environnemental, qui a fait parvenir à François Legault le 3 avril des idées pour une relance qui accélère la transition économique et énergétique déjà entamée.

La beauté de la chose : ces mesures, qui seront dévoilées aujourd’hui, porteront la signature d’une brochette d’organisations allant du Chantier de l’économie sociale au Conseil du patronat du Québec, en passant par Équiterre, la FTQ, l’Ordre des urbanistes et la Fondation David Suzuki.

Objectif : profiter de la pandémie pour basculer vers un monde plus prospère, plus solidaire, mais aussi plus vert.

Comme disait Churchill, « il ne faut jamais gaspiller une bonne crise ».

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