Parmi les messages diffusés ces derniers jours pour nous sensibiliser aux dangers du coronavirus, ce dilemme éthique suggéré par un médecin de famille de la région de Québec est d’une efficacité redoutable.

Parmi les messages diffusés ces derniers jours pour nous sensibiliser aux dangers du coronavirus, ce dilemme éthique suggéré par un médecin de famille de la région de Québec est d’une efficacité redoutable. 

Il n’y a qu’un respirateur pour deux patients, a écrit Vincent Demers sur Twitter. Qui allez-vous tenter de sauver, sachant que…

Le premier est en santé, âgé de 20 ans, il ne s’est pas soucié des mesures préventives et il a contaminé le deuxième patient.

Le deuxième patient, « cardiaque, stable et diabétique, qui a respecté les consignes », est âgé de 70 ans.

L’idée du médecin n’était pas tant de susciter une réflexion philosophique sur l’idée de justice que de sonner l’alarme. « C’est un faux dilemme. Je ne suis pas en train de dire qu’on va en arriver là… Sauf qu’on ne veut pas en arriver là », nous a-t-il expliqué.

PHOTO JULIO CORTEZ, ASSOCIATED PRESS

La distanciation sociale n’avait pas encore été adoptée mardi dernier à Pompano Beach, en Floride. Des mesures ont cependant été adoptées par la suite par le gouverneur de l’État.

Sa façon à lui de contribuer à la mobilisation (des jeunes, en particulier) alors qu’il y a encore trop de gens qui prennent les mesures de distanciation sociale à la légère.

Et ce ne sont pas les exemples qui manquent…

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Les conférences de presse organisées chaque jour à Québec le démontrent : on tente constamment d’innover pour trouver des moyens de convaincre tout le monde de suivre le mot d’ordre de François Legault. « Chaque geste qu’on prend pour limiter les contacts physiques, ça limite la contagion et ça va sauver des vies. »

Prenez la situation qui prévaut dans le Bas-Saint-Laurent, par exemple, où un premier cas de COVID-19 vient d’être détecté à Rivière-du-Loup.

Le constat fait par les autorités régionales est sans ambiguïté : on ne prend pas les mesures de prévention assez au sérieux.

Ariane Doucet-Michaud, qui gère les communications du Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent, le confirme. Il y a des snowbirds qui, de retour des États-Unis, ne respectent pas le confinement obligatoire de 14 jours. Il y a de nombreux aînés qui « circulent encore allègrement dans les lieux publics ». Et il y a des jeunes qui continuent de se rassembler.

Ce que les autorités régionales espèrent, c’est que le cas de COVID-19 découvert il y a quelques jours change la donne.

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Il y a quelque chose de très humain dans ce « faux sentiment d’immunité » qui habite encore, visiblement, trop de monde. Notamment parce qu’il y a quelque chose de très abstrait dans la menace qui plane au-dessus de nos têtes.

Dans La peste, le roman d’Albert Camus qu’on cite beaucoup depuis quelques semaines, la réaction initiale des habitants de la ville fermée pour cause d’épidémie s’apparente à du déni.

« Nos concitoyens avaient apparemment du mal à comprendre ce qui leur arrivait », écrit Camus. Et d’ajouter : « Ce n’est qu’à la longue, en constatant l’augmentation des décès, que l’opinion prit conscience de la vérité. »

Voilà l’essence même du défi auquel font face nos autorités. Être en mesure de freiner la propagation de l’épidémie avant que le nombre de cas et de morts n’en vienne à frapper l’imagination.

Et parmi les choses qu’il faut continuer de marteler, c’est le fait que le virus n’épargne à peu près personne. Les plus récentes données en provenance des États-Unis le confirment. Les adultes de plus de 65 ans représentent la majorité des hospitalisations et des morts, c’est vrai. En revanche, le profil des patients hospitalisés est plus complexe que ce qu’on a pu croire au départ.

Des 2449 cas analysés par les Centers for Disease Control and Prevention, 705 ont touché des Américains âgés de 20 à 44 ans. Et parmi ceux qui ont dû être hospitalisés, 38 % avaient moins de 55 ans. Quant aux Américains qui sont morts en raison du virus, 21 % étaient âgés de moins de 64 ans.

À la lumière de ces chiffres, une conclusion s’impose : quiconque persiste à ne pas prendre au sérieux les directives des autorités joue à la roulette russe.

> Découvrez l’étude des CDC (en anglais)

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