À peine déposé, le budget caquiste est déjà périmé. Il table sur un monde qui appartient maintenant au passé : taux d’intérêt inchangés, croissance économique de 2 %, équilibre budgétaire…

Tout cela, c’était avant que la pandémie de la COVID-19 ne menace le Québec. Ces prévisions ne valent plus grand-chose.

Depuis le dépôt du budget mardi dernier, la Banque du Canada a abaissé son taux directeur, Québec a fermé temporairement les écoles et interdit les rassemblements de plus de 250 personnes, et des économistes craignent une récession.

À première vue, le ministre des Finances, Eric Girard, a été téméraire. Il a terminé son budget à la mi-février sans le réviser après, malgré la COVID-19.

Cela explique entre autres que le budget prévoie que le taux directeur se maintiendra cette année à 1,75 %… même si la Banque centrale l’a abaissé à 1,25 % la semaine précédente.

Vendredi, elle l’a réduit à 0,75 %.

Il est encore trop tôt pour prévoir si le Québec affrontera un simple ralentissement économique, une récession ou une crise. 

Toutefois, en examinant les finances publiques, on se rassure un peu. Il faut relativiser le problème des prévisions désuètes de M. Girard.

Certes, un déficit apparaît de plus en plus plausible cette année. Sauf que ce serait normal. C’est justement lorsque l’économie est en panne que l’État doit intervenir et que les déficits deviennent justifiés.

La question n’est donc pas de savoir si l’équilibre sera atteint. C’est plutôt de vérifier si les finances publiques donnent une marge de manœuvre suffisante pour affronter la tempête à l’horizon.

Heureusement, la réponse est oui.

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

« Le budget Girard a sous-estimé la crise de la COVID-19, mais cela reste secondaire », écrit Paul Journet.

Depuis 2018, en effet, l’économie du Québec surperforme. Notre PIB augmente plus vite que la moyenne canadienne. Le chômage est aussi à un taux historiquement bas. Enfin, le poids de la dette a diminué et les taux d’intérêt sont faibles, ce qui a réduit le service de la dette.

Si M. Girard avait utilisé ses prévisions optimistes pour engager des dépenses irresponsables, on pourrait l’attaquer. Mais ce n’est pas le cas. Comme dans tout budget, des mesures peuvent faire l’objet de critiques, mais il serait difficile de trouver une mesure objectivement indéfendable.

Depuis le début de son mandat, M. Girard a été plutôt prudent — on l’a même accusé de cacher des surplus. Vrai, ses budgets de 2019-2020 et de 2020-2021 sont plutôt dépensiers, mais l’argent a servi à réinvestir dans les missions cruciales de l’État, malmenées durant la première moitié du gouvernement Couillard. Et contrairement aux libéraux en fin de mandat, les caquistes ont eu la sagesse de ne pas piger dans les coussins financiers pour alimenter des hausses soudaines de dépenses alors que l’économie croissait déjà.

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Pour la suite des choses, Québec dispose de deux atouts.

Le premier, c’est la réserve de stabilisation, où 14 milliards sont comptabilisés. Ce mécanisme virtuel permet à Québec d’enregistrer un déficit sans devoir le rembourser selon les modalités de la Loi sur l’équilibre budgétaire. À titre de comparaison, la crise de 2008 a coûté au total environ 16,4 milliards, rappelle Luc Godbout, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Le second atout, c’est le plan d’infrastructures. Québec projette déjà de nombreux investissements en transports pouvant être lancés afin de stimuler l’économie. C’était d’ailleurs aussi le cas lors de la crise de 2008, ce qui avait permis au Québec de mieux s’en tirer que ses voisins. Jusqu’à tout récemment, à cause du boom économique, les projets étaient si nombreux qu’il manquait de personnel pour tous les réaliser. Paradoxalement, le ralentissement pourrait atténuer ce problème.

Peu importe son ampleur, il est certain que la crise de la COVID-19 fera mal. Le budget Girard l’a sous-estimée, mais cela reste secondaire. L’essentiel, c’est que le Québec reste relativement bien placé pour minimiser les dégâts.

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