Dans très peu de grandes villes du monde se sent-on aussi en sécurité que dans les rues de Montréal.

Et ce n’est pas surprenant : de tous les grands centres urbains de plus de deux millions d’habitants de l’Amérique du Nord, Montréal a un des taux de criminalité les plus bas, sinon le plus bas si on prend en compte les homicides et les agressions. Donc, quand il y a des vaguelettes dans l’eau calme, on les remarque.

Ces jours-ci, Montréal fait face à une de ces perturbations. Une vaguelette qui prend la forme d’un homme qui a attaqué une femme qu’il ne connaissait pas près du métro Beaubien le 13 février dernier. Avec un bâton, il lui aurait assené plusieurs coups à la tête avant que cette dernière réussisse à s’enfuir pour se réfugier dans l’édicule du métro.

La semaine dernière, la victime a tenu à raconter son histoire à ma collègue Janie Gosselin pour mettre en garde les autres Montréalais. Pour qu’ils soient vigilants. On l’en remercie. La police n’avait pas signalé l’affaire aux médias.

Pourtant, l’histoire a eu des échos immédiats : deux autres Montréalais qui rapportent avoir été victimes de crimes du même ordre ont raconté leurs déboires à La Presse. Le premier incident remonte au 11 novembre près du métro Côte-des-Neiges. La victime est un étudiant dans la trentaine qui se rendait à un cours à HEC Montréal. Le deuxième a eu lieu un mois plus tard, le 13 décembre, avenue Laurier Est. Cette fois, c’est une femme qui marchait dans la rue qui a reçu des coups à la tête.

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

« Bien sûr, tous les quartiers de la ville ne se valent pas et il est bien normal de prendre des précautions », souligne notre éditorialiste.

Dans les trois cas, pas de mots échangés et rien de volé, selon les victimes. Mais des séquelles physiques et psychologiques importantes. Sans surprise, les récits de cette violence – qui semble totalement gratuite – ont vite fait le tour des réseaux sociaux et causé une certaine inquiétude parmi les internautes. Le tout semble avoir réveillé les policiers.

Mardi soir, soit cinq jours après l’agression, la police a rendu publique une photo d’un suspect lié à l’attaque du 13 février. Un homme blanc âgé entre 25 et 35 ans. Sa photo a été captée dans le métro Beaubien quelques minutes après l’agression reportée. L’homme donnait des coups de pied dans le vide.

On croise les doigts pour que les policiers, qui ont arrêté et interrogé un suspect, puissent faire la lumière sur l’affaire. Car nous n’avons pas le loisir de prendre ces agressions à la légère.

À elles seules, elles ébranlent un de nos plus grands trésors collectifs : ce sentiment de sécurité que nous avons mis des années à acquérir et que nous devons défendre bec et ongles.

Loin derrière sont les jours de la chanson Pied de poule de Marc Drouin dans laquelle on décrivait, sur un ton badin, des scènes de crimes sordides en pleine rue. Loin derrière sont les années 70 et 80 où les homicides étaient à leur paroxysme. En 1975, la pire année, 100 personnes ont été tuées à Montréal.

Aujourd’hui ? On est dans un creux historique. En 2018, dernière année colligée par Statistique Canada, le taux d’homicide dans la région métropolitaine de recensement de Montréal était de 1,11 par 100 000 habitants pour un total de 47 meurtres, soit la moitié moins qu’en 1975 pour une population pourtant accrue. C’est le taux le plus bas des 20 plus grandes agglomérations nord-américaines, selon les chiffres de Statistique Canada et du FBI.

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Il suffit d’avoir vécu ou voyagé dans des villes où on craint sans cesse une agression ou la présence d’armes, comme Rio de Janeiro ou Chicago, pour savoir que le sentiment de sécurité qui prévaut à Montréal vaut de l’or en barre.

Car la sécurité, c’est la liberté. Le libre choix de ses activités et de ses heures d’allées et venues. Le loisir de marcher plutôt que de prendre un taxi. La liberté de vivre sa ville au maximum, les noirs soirs d’hiver comme pendant les nuits bondées de festivals estivaux.

Et si ce sentiment de confiance profite à tous, il est encore plus libérateur pour les femmes qui s’inquiètent davantage – et pour cause – pour leur sécurité dans la rue en soirée.

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Bien sûr, tous les quartiers de la ville ne se valent pas et il est bien normal de prendre des précautions.

L’idée n’est pas de banaliser la violence qui existe toujours au cœur de la ville, mais force est d’admettre que collectivement, nous vivons un âge d’or en matière de sécurité dans cette grande agglomération urbaine.

Tout ça permet de relativiser les trois attaques au bâton décriées par les victimes, mais aussi de réaliser combien nous avons collectivement à perdre si nous voyons l’insouciance – qui est la règle plus que l’exception dans les rues de Montréal – nous échapper.

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