Justin Trudeau avait promis en 2015 que le Parti libéral, une fois élu, allait « débarrasser nos rues des armes de poing et des armes d’assaut ». On connaît la suite… Les libéraux ont resserré le contrôle des armes à feu, mais bien timidement.

Ils ont mis de l’avant une série de mesures utiles – en vigueur depuis juin dernier –, mais nettement moins ambitieuses que ce qu’on avait laissé entendre. On a par exemple renforcé la vérification des antécédents et remis la classification des armes à feu entre les mains de la Gendarmerie royale du Canada. Mais on n’a pas osé aborder le problème de front.

Constat : le Parti libéral a senti qu’il marchait sur des œufs et n’a pas eu le courage politique nécessaire pour aller plus loin. Or, voici qu’il vient de se décomplexer. Et c’est une bonne nouvelle.

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En matière de contrôle des armes à feu, « le Parti libéral [depuis son élection] a senti qu’il marchait sur des œufs et n’a pas eu le courage politique nécessaire pour aller plus loin. Or, voici qu’il vient de se décomplexer. Et c’est une bonne nouvelle », écrit notre éditorialiste.

Justin Trudeau promet maintenant, de façon formelle, d’interdire « les armes d’assaut de style militaire ». Y compris le tristement célèbre AR-15, qui a été utilisé ces dernières années dans nombre de tueries sanglantes qui ont fait la manchette au pays de Donald Trump.

« Si la mesure passe, ce sera la réalisation d’une lutte politique qui dure depuis près de 30 ans, entamée en 1989 par la pétition des étudiants de Polytechnique réclamant l’interdiction des armes d’assaut semi-automatiques, dont l’arme utilisée le 6 décembre 1989 », explique la porte-parole de l’organisme Poly se souvient, Heidi Rathjen.

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Fusil d’assaut AR-15, qui a été utilisé ces dernières années dans nombre de tueries sanglantes ayant fait la manchette aux États-Unis

Une lutte pour laquelle se mobilisent aussi depuis longtemps de nombreux autres acteurs concernés tels les chefs de police et le réseau de la santé publique, précise-t-elle.

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Il s’agit bel et bien d’une promesse fondamentale. Car s’ils ont tergiversé depuis 2015, les libéraux laissent entendre qu’ils feront désormais preuve de fermeté. S’ils ont gain de cause, tous ceux qui possèdent une arme d’assaut devront s’en débarrasser. Il y aurait un programme de rachat, pour lequel ils sont prêts à débourser plusieurs centaines de millions de dollars.

Reste à voir comment on définirait une « arme d’assaut de style militaire ». Pour l’instant, Justin Trudeau parle d’interdire celles qui ont été « conçues pour tuer le plus rapidement possible le plus grand nombre de personnes possible », ce qui tombe sous le sens. Mais le diable est parfois dans les détails…

Il importe néanmoins de vanter les mérites de la promesse. D’autant plus que ce type d’initiative a été testé avec succès. En Australie, notamment. Cet exemple est souvent cité : au milieu des années 90, à la suite d’une fusillade meurtrière (35 morts), le gouvernement a interdit les armes d’assaut et en a racheté quelque 650 000. Depuis, les tueries de masse se font rares.

Et la méthode australienne vient d’inspirer la Nouvelle-Zélande, qui ne veut surtout pas voir se reproduire une tuerie semblable à celle de mars dernier ; il y a eu, à Christchurch, 51 morts et 49 blessés.

Le ventre mou de la proposition libérale est ailleurs. On n’a pas l’intention d’interdire les armes de poing. On se contenterait de donner aux municipalités la capacité de les restreindre ou de les interdire.

Les groupes qui militent pour le contrôle des armes à feu se disent déçus, et on les comprend. Il est très tôt pour évaluer l’incidence d’une telle proposition, mais elle sera forcément limitée.

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Dans le même ordre d’idées, le parti qui prendra le pouvoir, peu importe sa position sur le contrôle des armes à feu, devrait prendre les mesures qui s’imposent pour qu’on puisse enfin dresser un portrait national de l’origine des armes à feu qui servent à commettre des crimes d’un océan à l’autre.

Le Globe and Mail a publié samedi le résultat d’une enquête à ce sujet, qui démontrait surtout qu’il est impossible d’y parvenir avec les données actuellement accessibles. Il est plus que temps d’y remédier. Ce sont de tels chiffres qui permettraient, notamment, de prendre une décision plus éclairée sur le sort des armes de poing.

Une note, en terminant : l’interdiction des armes d’assaut récolte l’appui d’une majorité de Canadiens, c’est vrai, mais le lobby des armes à feu est puissant. Tenter de remplir une telle promesse serait assurément, pour un gouvernement libéral, complexe et éprouvant politiquement.

Ironiquement, il est beaucoup plus facile de faire adopter de telles restrictions dans la foulée d’une tuerie ayant fait plus de 50 morts, comme celle en Nouvelle-Zélande. Mais c’est justement pour réduire les risques qu’une tragédie d’une telle ampleur se produise ici que nos élus doivent cesser de temporiser au lieu d’agir.

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