La question du français au cégep divise. On le voit dans les réponses à notre appel à tous. Certains applaudissent le compromis mis de l’avant cette semaine par la Coalition avenir Québec (CAQ) qui consiste à imposer trois cours de français aux élèves des cégeps anglophones qui n’ont pas les compétences linguistiques suffisantes pour suivre trois cours en français dans d’autres matières, comme l’avait suggéré initialement le Parti libéral, avant de reculer. Mais d’autres lecteurs estiment que la CAQ va trop loin… ou pas assez. Voici un aperçu de vos réponses.

Le primaire et le secondaire plutôt que le cégep

Je suis une ancienne élève anglophone. Je ne comprends pas pourquoi on s’acharne sur le français rendu au cégep, nous devons donner plus de cours de français aux élèves anglophones du primaire et du secondaire. Quand je suis arrivé au cégep, mon niveau était l’équivalent d’une troisième année de français à l’écriture. Alors vous pouvez imaginer la difficulté à trouver un emploi dans une entreprise francophone.

Natacha Michaud

La langue commune du Québec

La solution est trop molle. Il est impératif pour toutes les Québécoises et tous les Québécois de s’exprimer en français, puisque c’est la langue commune du Québec, riche de sa culture et de son histoire. Qu’on impose des cours de français aux cégépiens anglophones, soit ! Il était grand temps. Il faut également arrêter de financer un système qui nous anglicise. On se fait hara-kiri. Il est anormal que Dawson ne compte que 44 % d’élèves anglophones. C’est un non-sens. Les 56 % restants sont soit des francophones, soit des allophones qui devraient étudier dans un cégep francophone.

François Garceau, Deux-Montagnes

Des disputes inutiles

Mon mari et moi sommes issus de familles qui parlent trois langues. La richesse que celles-ci nous ont apportée est indescriptible et c’est la raison pour laquelle il est difficile pour nous de nous identifier aux disputes qui alimentent notre société aujourd’hui. Il existe plusieurs problèmes à l’heure actuelle en ce qui concerne l’enseignement de la langue française au Québec. Le gouvernement et les partis politiques ont perdu de vue les problèmes réels et ne sont pas en mesure d’apporter des solutions constructives. Nous avons des experts qui connaissent les problèmes de fond et les pistes de solution. Où sont ces experts ? Est-ce que nous les écoutons ? Apportons des idées constructives à ce débat. Il est impératif d’arrêter ces disputes inutiles.

Flavia Fagnani

Français enrichi en langue seconde

Votre journaliste Louise Leduc a publié un article concernant un « programme d’anglais enrichi en langue seconde » qui pourrait être offert (façon optionnelle) en 6année du primaire. Pourquoi ne réfléchit-on pas, en parallèle, à la possibilité d’offrir également sur une base optionnelle (faut être équitable) un « programme de français enrichi en langue seconde » pour les élèves anglophones de 6année du primaire. L’attrait pour les parents anglophones serait-il moins grand pour ce programme ? On jase, là !

Richard Genest, Laval

Une langue indigène régionale

Bonjour-Hi,

Pourquoi les allophones et anglophones de la région montréalaise auraient besoin d’apprendre le français pour briller ? Le président d’Air Canada, le conseil d’administration du CN, les joueurs du Canadien, les jeunes francophones qui veulent aller à Dawson pour réussir… On écoute la télé américaine, Netflix, Spotify… J’ai habité Montréal pendant 50 ans, à Notre-Dame-de-Grâce, jamais on ne m’a abordé en français dans la rue. Le français à Montréal, ce n’est pas un réflexe.

Le bilinguisme, c’est savoir parler anglais, c’est pourquoi après presque 45 ans de loi 101, la majorité des allophones et anglophones de Montréal perçoivent le français comme une langue indigène régionale qui sert si jamais tu vas à Québec pour une fin de semaine. Il faut appliquer la loi 101 au cégep, le château de sable s’effrite, la marée monte. I am Canadian…

Sylvain Garneau, Saint-Augustin-de-Desmaures

Étendre la loi 101 aux cégeps

Le gouvernement a été bon joueur en acceptant de modifier le projet de loi 96 pour permettre le choix aux ayants droit de suivre trois cours de français pour remplacer la suggestion originale des libéraux qui ont changé d’idée par la suite. Le fait que les jeunes anglophones parlent beaucoup moins le français que leurs aînés est très préoccupant et cette mesure aidera sûrement. Mais on aurait dû étendre la loi 101 aux cégeps ce qui fait consensus dans la population.

Laurent Tremblay

Pauvre Québec appauvri !

Dans les années 1970, le Québec a perdu des forces vives  – médecins, avocats, artistes et autres – convaincues qu’on ne voulait pas d’elles. Les nouvelles impositions linguistiques (plutôt que la concertation constructive) répètent la même erreur dramatique. Pauvre Québec appauvri !

David Bensoussan

Ces Québécois qui ne connaissent pas bien leur propre langue

Même si ma langue maternelle est le français, j’ai fréquenté des écoles primaires et secondaires anglophones, car je suis une « ayant droit ». Après mon secondaire, j’ai choisi de fréquenter un cégep francophone. Ce changement m’a permis de découvrir une littérature québécoise et française dont je suis tombée amoureuse ! Je crois que c’est une bonne idée d’imposer des cours de français à tous les cégépiens du Québec. Permettons-leur de découvrir la littérature et la culture québécoises. Mais n’oublions pas le vrai problème, qui est la qualité déplorable du français des jeunes qui sortent des écoles secondaires francophones. Il me semble qu’on s’inquiète beaucoup pour la fuite vers les cégeps anglophones, et c’est sans doute un enjeu à Montréal, mais le vrai problème à mon avis, dans tout le Québec, ce sont les Québécois qui ne savent pas bien écrire dans leur propre langue.

Jessie Greene, Québec

Retour avant la Révolution tranquille

Si le gouvernement veut rendre les collèges anglophones moins attrayants pour les francophones et les allophones, il devrait améliorer la qualité de l’enseignement en anglais dans les collèges francophones. Pourquoi ne pas répondre aux nouvelles exigences en invitant les élèves des collèges anglophones à suivre des cours dans les collèges français et vice versa ? La peur du gouvernement que les gens soient exposés à l’anglais est insulaire et arriérée. On dirait que la CAQ veut nous ramener à une époque d’avant la Révolution tranquille, avec le gouvernement remplaçant l’Église. Les jeunes Québécois veulent être des citoyens du monde. La CAQ veut prétendre que le monde à l’extérieur du Québec n’existe pas. Le projet de loi 96 est pire pour les jeunes francophones que pour les jeunes anglophones. De plus en plus, les jeunes Québécois de la région de Montréal ne veulent rien avoir à faire avec la nation québécoise, qu’ils perçoivent comme une prison idéologique.

Simon Fanning

Une richesse qui fait grandir une société

En Europe, nombreux sont ceux qui parlent plus de deux langues. Savoir s’exprimer dans plus d’une langue, c’est faire preuve d’ouverture aux autres. C’est une richesse qui fait grandir une société. Nous devrions être fiers de pouvoir parler et lire plus d’une langue.

Jean Rousseau

Particulièrement bien inspirée

Je pensais que le réseau anglophone public faisait un bon travail d’immersion de ses élèves dans l’apprentissage et la maîtrise du français. De toute évidence, le PLQ le croyait aussi. Au lieu de corriger le tir et de mieux outiller les enfants, on préfère soustraire les cégépiens à cette exigence de suivre trois cours en français. La Commission scolaire anglophone et le PLQ ratent le coche et en sortent amoindris. La communauté anglophone constate cet échec et n’exige pas de meilleurs résultats. Misère ! Par contre, la solution des parlementaires d’exiger trois cours en français ou trois cours de français est particulièrement bien inspirée !

Ginette Lamontagne, Outremont

Une charge supplémentaire pour les cégépiens

Le but d’aider les personnes à apprendre le français est louable. Le bilinguisme est un atout pour tout le monde. Mais cela devrait se passer avant le cégep. La charge de travail des élèves du cégep est déjà lourde. Suivre des cours de langue en plus des cours habituels va leur faire du tort. Sinon, remplacer des cours des programmes par des cours de langue va diminuer leur compétence dans leur domaine d’études. Il ne faut pas oublier non plus que les élèves autochtones subissent déjà le poids de devoir apprendre dans une langue coloniale tout en oeuvrant à préserver leurs propres langues.

Jacky Vallée, prof de cégep, Montréal

Les boucs émissaires allophones

Je suis dégoûtée par cette loi. Les allophones sont toujours les boucs émissaires pour le déclin de la langue française pendant que le Québec a un des pires niveaux de décrochage scolaire au secondaire en Amérique du Nord. Qui maîtrise mieux le français, les francophones décrocheurs ou bien les allophones poursuivant des études postsecondaires ? Comme allophone, je suis tannée de me faire dire par le gouvernement que je ne suis pas assez « québécoise » ; que les allophones ne parlent pas assez bien le français. Nous le parlons et l’écrivons aussi bien que nos compatriotes francophones, souvent, même mieux.

Le déclin du français, tant à l’écrit qu’à l’oral, se produit aussi dans les milieux francophones. Que fera le gouvernement ? Cette loi ne réglera rien si on ne s’attaque pas au décrochage scolaire, mais comme toujours, c’est plus facile de blâmer les allophones.

Un allophone connaît la valeur des langues et reconnaît leur beauté, pouvons-nous en dire autant d’un francophone unilingue ne sachant ni parler ni écrire le français selon les normes que le gouvernement impose aux allophones ?

Une allophone (parfaitement quadrilingue) et enragée.

Sophia Koutsoyannis

Facteur majeur d’anglicisation

C’est un tout petit pas dans la bonne direction, mais nettement insuffisant. Le milieu de travail où j’œuvrais jusqu’à l’année dernière dans une multinationale au centre-ville de Montréal est un témoignage additionnel que beaucoup de jeunes diplômés de Concordia et de McGill sont incapables de travailler en français, et donc en présence d’un ou deux jeunes anglophones, c’est l’ensemble des intervenants qui passent automatiquement à l’anglais. C’est un facteur majeur d’anglicisation de la grande région de Montréal. Ce recul majeur de la langue française nous ramène aux milieux de travail des années 1950-1960.

Christian Groulx, L’Île-des-Sœurs (Québec)