Vous avez été nombreux à réagir à l’éditorial d’Alexandre Sirois « Il faut qu’on (re)parle des médecins de famille », dans le cadre de notre série sur la santé réinventée. Voici quelques-uns de vos commentaires.

« Haro sur le baudet ! » Colonne de droite

Je suis un médecin de première ligne travaillant en groupe de médecine de famille (GMF) ayant 1500 patients inscrits à son nom.

L’accès adapté, le dossier électronique, la possibilité de prendre son rendez-vous en ligne via le rendez-vous santé Québec sont des outils qui facilitent l’accès de mes patients aux soins que je souhaite leur prodiguer.

On comprend assez aisément que des interventions chirurgicales ont été retardées pendant la pandémie en raison du délestage.

La première ligne a aussi subi le délestage. Nombre de mes collègues et moi-même sommes allés prêter main-forte en CHSLD, en centre hospitalier, en soins à domicile oubliant les heures, oubliant notre famille pour soigner des gens atteints de la COVID qui souvent mourraient.

De plus les infirmières de nos GMF, nos professionnels ont aussi été délestés (nous attendons encore à ce jour, le retour de nos trois infirmières), certains professionnels ont dû se retirer pour des conditions de santé et ne reviendront pas.

Pendant ce temps et encore aujourd’hui nous tenons à bout de bras notre GMF tentant avec des effectifs plus que réduits de donner des soins à nos patients. De plus pour donner des soins, il faut avoir accès aux laboratoires, aux examens paracliniques, aux spécialistes.

Quand je lis votre article, j’ai l’impression comme dans la fable qu’on crie « Haro sur le baudet ! ». Le passé n’est pas garant de l’avenir, j’ai l’impression que l’implication des médecins de famille dans cette pandémie est trop facilement occultée. Mes collègues et moi-même sommes meurtries, épuisées par ce que nous avons vécu. Cependant notre profession, notre salaire ne nous donnent pas la permission de nous plaindre, de souffrir ? Quand les infirmières et les professionnels reviendront travailler dans nos GMF peut-être pourrons-nous redevenir aussi accessibles qu’avant la pandémie avec le taux d’assiduité de 90 % que nous avions.

Je comprends qu’autant de postes de médecins de famille soient restés vacants avec un article comme le vôtre. Être le baudet ça suffit !

Je vous laisse, je vais voir mes patients.

France de Carufel

Mon médecin m’a annoncé en janvier 2018 qu’il prenait sa retraite en octobre 2019. J’ai mis mon nom sur la fameuse liste. Toujours pas reçu d’appel. Donc, plus de deux ans sans médecin attitré. Force est de constater que je devrai aller au privé pour un bilan de santé. C’est franchement insultant d’avoir à payer pour se faire soigner.

Sylvie Lavoie

Vous avez dit médecin de famille ?

Je trouve aberrant qu’on utilise encore le terme « médecin de famille » quand, au sein d’une même famille, chacun a un médecin différent. Et souvent, un ou plusieurs membres de la famille n’en ont tout simplement pas. De nos jours, un médecin a très rarement toute une famille comme client, sauf peut-être les plus vieux ou ceux qui sont l’unique médecin d’une région donnée. Pourtant, les médecins travaillent très fort, c’est le système qui doit être revu. Peut-on aller voir ailleurs ce qui se fait de bien et s’en inspirer.

Sylvie Picard

Le bâton plutôt que la carotte

À 67 ans, je suis sur une liste d’attente depuis plus de 5 ans ! Et pendant ce temps, des amis qui connaissent le système me font part des attitudes et comportements de certains médecins qui démontrent bien leur manque d’intérêt à remplir leurs obligations. La solution ? En faire des salariés ? Peut-être pas, mais il est grand temps de cesser de donner des carottes et d’utiliser le bâton.

Julien Houle

Trois ans sans voir son médecin

Mon mari a un médecin de famille au CLSC Sainte-Rose à Laval depuis de nombreuses années. Cependant, c’est un vrai parcours du combattant pour qu’il obtienne un rendez-vous. Il doit appeler seulement un jour spécifique de la semaine à compter de 8 h et peut rester pendant 45 minutes en attente pour que la secrétaire lui dise (sur un ton exacerbé) : « Rappelez dans 15 jours, car tous les rendez-vous sont pris et nous n’avons pas l’horaire du mois prochain ». Cela fait 3 ans qu’il n’a pas vu son médecin de famille et que nous prenons des rendez-vous avec d’autres médecins dans d’autres cliniques à Montréal via le système Bonjour Santé. À quoi sert d’avoir un médecin de famille si vous ne pouvez obtenir de rendez-vous ? Qui en profite ?

Catherine Linerte-Hecken

L’obligation de soigner dans le secteur public

J’ai de la difficulté à comprendre que le gouvernement laisse proliférer les cliniques médicales privées où ça coûte 140 $ pour voir un médecin et des frais de 400 $ d’inscription.

Comment peut-on laisser des médecins s’enrichir sur le dos des patients quand on a plus de 750 000 Québécois qui n’ont pas de médecin de famille ?

Je n’ai rien contre la libre entreprise, mais je crois que le médecin qui décide de travailler en privé devrait être obligé d’avoir la moitié de sa clientèle dans le secteur public.

Daniel Boucher

Infirmière (plutôt que médecin) de famille

Je crois que le débat sur les médecins de famille fait fausse route ! J’ai une amie infirmière qui travaille en région éloignée (Nunavut) avec une équipe d’infirmières sans médecin. Donc, en présumant qu’il faut moins de temps pour former des infirmières, et aussi que c’est moins coûteux, je serais très enclin à prendre une infirmière de famille qui pourrait renvoyer aux médecins le cas échéant. Ce serait une très bonne façon de valoriser le travail de l’infirmière…

Jean-Guy Dalpé

Un système dysfonctionnel

Je crois en la bonne volonté de la grande majorité des médecins de famille. Le problème réside dans leur fédération dont la mission première est de garder le statu quo pour un système qui ne fonctionne tout simplement pas. Un autre problème majeur est le déséquilibre salarial des médecins spécialistes, dont les salaires de loin supérieurs pousseront de nombreux futurs médecins à se spécialiser, ce qui fera bondir leur salaire. Ce déséquilibre contribuera à limiter le nombre de médecins de famille dans le réseau.

Jocelyn Jeffrey

Sortons un grand nombre d’omnipraticiens des hôpitaux

Je suis omnipraticienne depuis 37 ans.

Imposer un nombre de patients inscrits aux médecins de famille ne fera que rendre cette spécialité – parce que c’en est une – encore moins attrayante aux yeux des étudiants en médecine.

Il faut regarder combien d’omnipraticiens travaillent dans les hôpitaux au Québec en comparaison des autres provinces canadiennes. Sortons un grand nombre d’omnipraticiens des hôpitaux et vous réglerez une bonne partie du problème.

Et si vous vous demandez pourquoi autant d’omnipraticiens travaillent dans les hôpitaux, c’est parce que durant une douzaine d’années, on a obligé les finissants en médecine familiale à travailler en établissement plutôt qu’en clinique où on fait de la prise en charge de patients.

Plus tu réglementes sans penser aux années futures, plus tu te tires dans le pied.

Suzanne Villeneuve

Travailler comme une machine

On a souvent tendance à comparer la pratique des médecins de première ligne à ceux de l’ancienne génération ou ceux pratiquant en France qui se déplacent au domicile des malades, c’est une erreur fondamentale.

Aujourd’hui et depuis longtemps les omnipraticiens font de la clinique d’urgence en plus de s’occuper de leur clientèle, ce modèle est beaucoup plus efficace que l’ancien, mais faire de l’urgence c’est travailler comme une machine et ça gruge pratiquement toute l’énergie de ceux qui pratiquent cet art médical. Les patients réguliers en souffrent et finissent par s’agglutiner vers ces cliniques, ce cycle est infernal pour tout le monde.

Peu de professionnels ont cette capacité d’agir dans l’urgence, cette pratique est très particulière et demande des talents très spécifiques.

Les cliniques d’urgence devraient être réservées à des experts de l’urgence et l’omnipraticien devrait se concentrer uniquement sur sa clientèle quitte à l’augmenter de façon importante, tous y seraient gagnants.

Christian Castonguay

Salaires plus bas et meilleurs services

Si on veut davantage de médecins et un système de santé plus efficace on n’a pas le choix, il faut diminuer le salaire des médecins et leurs bonus et revoir les façons de faire en s’inspirant par exemple de la France où le salaire des médecins est plus bas et les services meilleurs. On ne peut pas continuer à payer davantage tout en n’ayant rien de plus.

Pierre Lemelin

Les « classes salariales » des médecins

Bonne analyse, mais il faut mettre ce type de médecin en équité avec les autres « classes » de médecins ! Continuez cette analyse avec ce que l’État a donné aux « spécialistes » : deux poids, deux mesures ! Parlons des classes « sociales », « salariales » chez les médecins !

Gilles Levesque

Une réforme impérative

Nous avons par ailleurs finalement un gouvernement et un ministre de la Santé qui semblent être conscients de l’importance critique d’une réforme impérative. Nous n’attendons rien de moins qu’une prochaine plateforme électorale caquiste qui se fera élire sur cette promesse de réforme radicale du rôle et de la rémunération des médecins : l’avenir de notre société québécoise en dépend !

Alain Bouchard

Un problème qui va s’aggraver

La situation va encore empirer avec la retraite de nombreux médecins âgés qui suivent beaucoup de patients que ne pourront prendre les jeunes arrivant en pratique, car ils doivent obligatoirement travailler dans les hôpitaux pendant les 15 premières années de travail. De plus, la féminisation de la médecine a emmené un déficit artificiel de médecins, car elles travaillent moins en raison des charges familiales. Je pense que le gouvernement a sous-estimé l’effet à long terme de ce facteur, il y a des années, et on en voit à ce jour la conséquence. À mon avis le problème va encore s’aggraver dans les années à venir.

André Rodrigue