Notre plus récent appel à tous et notre éditorial* sur le même sujet ont fait fortement réagir les lecteurs de La Presse. Voici un aperçu des courriels que nous avons reçus.

Une indépendance nécessaire

S’il fallait qu’un député soit astreint à siéger sous la bannière du parti pour lequel il a été élu, cela le rendrait totalement dépendant du parti et serait susceptible de nuire grandement aux intérêts de ses électeurs. Les électeurs doivent savoir qu’ils élisent un individu et non un parti. Par conséquent, à tout prendre, les députés doivent conserver le pouvoir de changer de parti afin de préserver l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de leur mandat même si moralement cela peut sembler choquant.

Normand Bibeau, Montréal, circonscription de Mercier et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

Les moyens du bord

Winston S. Churchill, une pointure « légèrement » plus grande que celles dont il est question, a été transfuge non pas une, mais deux fois. So what ? Je vois ça comme une façon d'utiliser les moyens du bord pour arriver à leurs objectifs, qui leur appartiennent. Si on n'est pas content, on n’a qu’à voter autrement. Point.

Luc Locas

Crédibilité entachée

Il devrait être interdit de siéger comme indépendant ou pour un autre parti par respect pour les électeurs de la circonscription. Si l’élu change son fusil d’épaule, on devrait automatiquement retourner en élection. Dans la circonscription de Marie-Victorin, Catherine Fournier a démissionné du PQ peu de temps après les élections. Je ne veux pas critiquer son travail comme députée indépendante, mais d’après moi, si on veut respecter les électeurs, il y aurait dû avoir une élection. Maintenant, cette chère dame se présente aux élections municipales de Longueuil. Qu’est-ce qui nous dit qu’elle sera fidèle à son parti ? À mon point de vue, elle a perdu toute crédibilité. Tous ces transfuges ne méritent pas de siéger.

Thérèse Comiré, Longueuil, circonscription de Taillon


Une élection partielle devrait être tenue

Lorsque les électeurs votent, ils choisissent un député représentant un parti ; ils choisissent donc une vision, une orientation, un programme. Que ce député décide de changer de parti en cours de mandat ne respecte pas le choix démocratique des électeurs. Selon moi, dans une telle situation, une élection partielle devrait être tenue. Le transfuge devrait ainsi faire endosser son choix par ses commettants. Dans les deux cas soulevés (Claire Samson et Jenica Atwin), je pense qu’elles ne seraient pas réélues.

Gilles Bouchard, Longueuil, circonscription de Taillon au provincial et de Longueuil–Saint-Hubert au fédéral

Baliser les défections

Pour avoir été militant politique et avoir participé bénévolement à de multiples élections aux divers ordres de gouvernement, j’ai la certitude qu’à de très rares exceptions près, c’est plus l’affiliation politique qui détermine le choix de l’électorat que la personne qui se porte candidate. Il serait prétentieux de croire le contraire. La preuve, les candidats indépendants sont rarement élus. Même si certains avaient été sympathiques à la cause, la défection de Richard Holden du Parti égalité et son passage au Parti québécois en 1993 ne reflétaient pas la volonté des électeurs de Westmount.

À mon avis, une personne élue pourrait quitter un parti politique pour devenir indépendante. Mais elle ne pourrait intégrer les rangs d’une autre formation durant le même mandat. Et pour éviter les dépenses inutiles, une personne ne pourrait démissionner et être candidate à sa propre succession, comme l’a fait Sheila Copps il y a quelques années. Et on s’étonne du degré de cynisme envers la classe politique !

À la limite, une personne pourrait passer d’un parti à l’autre durant son mandat seulement si le parti pour lequel elle a été élue n’est plus reconnu par le Directeur général des élections.

Bruno Viens, Orford, circonscription d’Orford

Un mal nécessaire

Les députés qui se sont joints à Lucien Bouchard pour former le Bloc, durant les négociations sur Meech, auraient dû démissionner en bloc. En théorie, ce serait logique de le penser, mais en pratique, il valait mieux attendre les prochaines élections générales pour obtenir l’avis de l’électorat…

Pierre Martin

Un projet de loi raisonnable

Empêcher un député qui n’est plus en phase avec son parti de changer d’allégeance, ce n’est pas l’enchaîner à son ancien parti tant qu’il peut siéger comme indépendant. En ce sens, le projet de loi de l’ancien ministre Bernard Drainville – dont je ne suis pas particulièrement un fan – était très raisonnable. Quant aux débats des chefs, il faudrait au minimum que les partis qui y participent aient déjà fait élire un candidat sous leur bannière, pas seulement en avoir dévoyé un.

Alain Lachapelle, Sainte-Thérèse

Deux types de transfuges

Sans les transfuges, il n’y aurait pas de CAQ, n’est-ce pas ? Il y a deux sortes de transfuges. Les frustrés, qui croient que leur carrière ne va nulle part, alors qu’ils ont déjà atteint les limites de leur potentiel. En changeant de camp, typiquement pour une organisation en difficulté, ces transfuges croient à la relance de leurs rêves… inatteignables. Le deuxième type de transfuge est celui qui originalement s’est laissé charmer par un vendeur d’autos usagées et qui finalement réalise que les promesses et les programmes du parti ne correspondent pas aux discussions qui ont précédé son enrôlement. Ce transfuge reste réaliste et maître de ses convictions. En résumé, il y a le rêveur irréaliste et ambitieux et le réfléchi qui réalise qu’on l’a trompé. Il faut noter que les premiers sont beaucoup plus nombreux que les seconds. Si les résidants de la circonscription n’aiment pas la direction que prend le transfuge, ils peuvent corriger le tir aux prochaines élections ! Mais toute personne, même un député, a le droit fondamental de revoir son orientation politique.

Louis Giguère

Une décision motivée par l'amertume

Le contexte ou la raison se doit d’être un des éléments à considérer, l’autre étant la grandeur du saut et le soutien des électeurs de la circonscription. Prenons l’exemple du départ récent de la député du Parti vert vers les libéraux au fédéral. Dans ce cas, il semble évident que la nouvelle leader du parti et son entourage ont commis un certains nombres d’impairs. En plus, lors de la conférence de presse de la leader de ce parti, on a constaté l’importance des inconforts. Autre élément : partir du Parti vert et se joindre aux libéraux n’est pas un saut très important sur le plan de l'idéologie et des programmes politiques. En contraste, le saut de Mme Samson est principalement motivé par son amertume de ne pas avoir été nommée ministre et la direction du saut est pour le moins étrange. Elle a admis en conférence de presse ne pas être au courant du programme politique et des positions de son nouveau chef, un anti-vaccin, anti-mesures sanitaires, conspirationiste, anti-avortement et j’en passe. On a pu voir certains témoignages d’électeurs ridiculiser la décision de Mme Samson. Dans un cas, la député nouvelle députée du Parti libéral du Canada pourra poursuivre de façon crédible son mandat. Dans l’autre, on a un exemple de ce qu’il y a de plus mauvais de l’opportunisme politique. La bonne nouvelle est que la carrière de Mme Samson va prendre fin, qu’elle décide ou non de se représenter.

Daniel Mercier

Que le nouveau parti paie son salaire

Devenir transfuge politique, ça s’apparente à un déni de démocratie envers ses électeurs, puisque toutes les valeurs véhiculées et mises de l’avant pour se faire élire sont jetées aux orties. C’est insuffisant de dire que les électeurs se sentant lésés pourront congédier la ou le transfuge au prochain scrutin. Entre-temps, qui le mandataire prétendra-t-il représenter à part lui-même, pour sa « carrière », ou son besoin de vengeance, c’est selon, certainement pas l’électeur qui lui a donné sa confiance. Que faire ? Le salaire de député du transfuge devrait être à la charge du parti qui l’accueille pour le reste du terme, car après tout, c’est lui, le véritable mandant, pas l’électeur.

Danièle Lalande, circonscription de Mont-Royal

Petits et grands

Il y a les petits transfuges et les grands transfuges. Les premiers sont en général opportunistes et abandonnent leur parti en fonction uniquement de leur intérêt personnel, ils tombent dans l’oubli. Lévesque, Legault, Aussant sont de grands transfuges, à cet égard leur transformation fait preuve d’un grand courage et d’un grand sens de l’abnégation, ces transfuges ne sont pas en fuite ou en désertion, ce sont des révolutionnaires, leur idéologie remet en question l’ordre établi. Qu'on soit d’accord ou non avec leurs idées, ils méritent notre respect. Au même titre que ceux qui sont passés de l’est à l’ouest durant la guerre froide et des transfuges de la Corée du Nord, ils passeront à l’histoire.

Christian Castonguay, Sainte Rose

Un sentiment de révolte

Cette question est immensément pertinente et chaque fois qu’un élu ou une élue change de parti en cours de mandat, j’ai le sentiment de regarder quelqu’un tricher sans scrupule et ça me révolte.

Pour moi, le droit de vote est un privilège qu’il faut exercer, apprécier et protéger. Je fais mon choix, portée par mes convictions et mes préoccupations. Je ne choisis pas une personne, mais un parti politique.

J’ai dit à mon député dans une lettre où je dénonçais une mesure : « J’ai voté pour vous, mais j’ai surtout voté pour la jeunesse, pour la modernité, pour trouver un écho à mes préoccupations sociales, environnementales… »

Si le député à qui j’ai confié mon vote traverse la Chambre, alors mon vote perd son sens et sa valeur. J’ai le sentiment d’avoir été flouée et je deviens cynique envers un système que je devrais protéger, parce qu’il me protège d’une certaine façon.

J’ai 60 ans, je travaille, je m’informe, je me sens interpellée par nombre de questions et d'enjeux. La politique m’intéresse et je pense que le monde se porterait mieux si on s’y attardait un peu plus.

Regarder un élu changer de camp en cours de mandat, c’est le laisser piétiner son contrat avec ses commettants, sur la base d’un choix personnel. Dans le contexte, j’ai du mal à concevoir comment un tel geste peut être légitime.

J’aimerais que cette pratique fasse l’objet d’une réflexion sérieuse et j’ose espérer qu’au bout du compte, on y mettra un terme bien documenté.

Qu’un député siège comme indépendant jusqu’à la fin de son mandat, à la rigueur, mais qu’il ou elle endosse les idées d’un autre parti, pour moi, c’est inconcevable.

Lorraine Boily, circonscription de Louis-Hébert

Mme Samson sait compter

En ce qui concerne Mme Samson, elle ne pense pas être réélue aux prochaines élections, mais comme elle aura fait deux mandats de quatre ans, elle aura droit à une pension à vie de députée. Elle ne sait peut-être pas ce qu’est la fidélité aux électeurs, mais elle sait sûrement compter….

Alain Blais, Varennes

Lisez « Les transfuges et les distorsions démocratiques »