L’une a quitté un parti marginal pour se joindre à celui au pouvoir. L’autre a fait l’inverse.

Les députées Jenica Atwin et Claire Samson ont toutes deux fait la manchette au cours des dernières semaines pour avoir retourné leur veste politique.

Mme Atwin, une députée fédérale, a claqué la porte du Parti vert pour rejoindre les libéraux de Justin Trudeau. En trame de fond : des divergences sur le conflit israélo-palestinien et des accusations d’antisémitisme contre Mme Atwin… émanant de son propre parti.

Mme Samson, elle, a été exclue du caucus de la CAQ après avoir fait un don au Parti conservateur du Québec – une étrange idée que François Legault ne pouvait tolérer. Sans surprise, elle s’est ensuite jetée dans les bras du nouveau chef conservateur Éric Duhaime.

Les transfuges politiques suscitent toujours un malaise. Avec raison. Notre journaliste Mayssa Ferah a récemment interviewé des électeurs de la circonscription d’Iberville qui se sentent trahis par la volte-face de Claire Samson*. On les comprend. Plusieurs ont voté bien plus pour les idées de la CAQ ou pour son chef François Legault que pour Mme Samson elle-même.

Ils n’ont en tout cas jamais voté pour le Parti conservateur du Québec. La formation est arrivée en sixième place aux dernières élections dans Iberville, récoltant à peine 1,75 % des voix. La députée n’est plus en phase avec la volonté des électeurs.

On observe la même distorsion démocratique dans la circonscription fédérale de Fredericton, au Nouveau-Brunswick. En élisant la candidate du Parti vert Jenica Atwin, on présume que les gens du coin ont voulu envoyer un message de protestation contre le Parti libéral au pouvoir, en particulier sur ses politiques environnementales.

Jenica Atwin avait d’ailleurs fait campagne en dénonçant l’achat de l’oléoduc TransMountain par Justin Trudeau. On comprend les électeurs d’avaler de travers en la voyant maintenant siéger aux côtés du premier ministre.

La plupart du temps, ces évènements contribuent malheureusement au cynisme envers les politiciens et à la perte de confiance dans les institutions.

Le cas de Claire Samson ajoute une couche au malaise. C’est qu’en changeant d’allégeance, elle donne soudainement une voix au Parlement à un parti et à un chef… qui ne le méritent pas.

Éric Duhaime, on le sait, est abonné à la controverse. L’ancien animateur de radio a notamment vivement dénoncé les mesures sanitaires pendant la pandémie. On verra aux prochaines élections ce que la population pense de telles idées. Mais pour l’instant, les électeurs ne les ont pas cautionnées. Pas plus que celles mises de l’avant par le Parti conservateur du Québec, qui n’a fait élire aucun député aux dernières élections et n’a récolté que 1,46 % du vote.

Pour l’instant, ni M. Duhaime ni son parti n’ont donc la légitimité d’être représentés au Parlement. Le fait que le Parti conservateur compte maintenant une députée permettra-t-il à Éric Duhaime de participer au débat des chefs lors des prochaines élections ? À Radio-Canada, qui fait habituellement partie du consortium organisant ces débats, on affirme que les règles n’ont pas encore été fixées. On peut toutefois déjà dire que ce serait injustifiable.

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Devrait-on interdire les changements d’allégeance ? La question revient périodiquement. En 2013, le ministre péquiste Bernard Drainville avait proposé un projet de loi qui aurait obligé un député qui quitte son pari à soit siéger comme indépendant, soit démissionner et forcer la tenue d’élections. Il n’a toutefois pas été adopté.

Si le bien-fondé de telles mesures est évident, il existe toutefois un revers à la médaille. Les appliquer risquerait de rendre la discipline de parti encore plus stricte et d’étouffer toute contestation interne.

Si on ne craint plus qu’un député passe chez l’ennemi, on est moins tenté de trouver un terrain d’entente, de revoir ses positions…

Sans compter que chaque cas de transfuge est unique. Les positions des partis peuvent évoluer, celles des députés aussi. Les enchaîner à leur parti pourrait les empêcher de suivre leurs convictions.

Tout compte fait, il apparaît préférable de faire appel au sens éthique des députés. En se disant que les électeurs, de toute façon, sont les juges ultimes.

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