L’éditorial de François Cardinal publié samedi, « À la recherche du bonheur perdu », a suscité de nombreux commentaires. Voici un aperçu des courriels reçus.

Un malheur moins pénible...

L’économie roule à fond la caisse, ils sont malheureux. L’économie s’écroule, ils sont malheureux. L’économie ne procure pas le bonheur ; au mieux, elle rend le malheur moins pénible.

— Christian Castonguay

Vivre selon ses moyens

Se pourrait-il que les Canadiens soient gâtés ? Ils travaillent moins que leurs parents et leurs grands-parents désirent une meilleure qualité de vie, mais qu’est-ce exactement qu’une meilleure qualité de vie pour eux ? Est-ce qu’on veut tout, maintenant ? Les gouvernements développent des programmes pour aider les familles, les syndicats négocient des avantages pour obtenir de bonnes conditions de travail, les employeurs offrent des horaires de télétravail pour faciliter la conciliation travail-famille. Mais ce n’est pas suffisant. Le prix des logements est trop élevé, les impôts sont trop élevés, mais l’État n’en fait pas encore assez. Ramasser l’argent nécessaire pour acheter un article convoité rend heureux. Vivre selon ses moyens rend heureux également.

— Lise Beauchemin

Se garder une petite gêne

Je suis surtout étonné par l’augmentation sensible du nombre de Canadiens appartenant à la classe moyenne par rapport à la tranche des riches et celle des pauvres. Or, les tableaux démontrent bien aussi que leurs revenus après impôts restent faibles, soit 15 000 $ par habitant pour chaque famille. Sauf pour une personne seule qui s’en sort avec 30 000 $.

En résumé, la classe moyenne a grossi en nombre, mais ne s’est pas enrichie, au contraire ! Des commentaires en éditorial et dans certaines entrevues évoquent même des inquiétudes. Devant un tel constat, M. Trudeau devrait se garder une petite gêne avant de se « flatter la bedaine »…

— Yvon Côté, député fédéral du Parti progressiste-conservateur du Canada de 1988 à 1993

Papa, maman et deux enfants…

Quand je regarde autour de moi, je ne vois qu’une minorité de personnes dans mon quartier, pourtant très typique des banlieues québécoises, qui correspondraient à l’image de cette classe moyenne que tous les partis politiques veulent courtiser : papa, maman et deux enfants. Il y a beaucoup de maisons où aucun enfant ne sort le matin pour monter dans l’autobus scolaire.

Alors, pour ma part, j’annonce aux partis politiques que je donnerai mon vote à celui qui promettra d’aider les vieilles familles sans enfant, ces personnes dont les dépenses augmentent d’année en année pour se maintenir en vie, qui attendent depuis des années un médecin de famille ou de l’aide à domicile et qui regardent les jeunes familles dépenser des fortunes en téléphones intelligents, en sorties au resto et en voyages amplement vantés sur leurs profils de réseaux sociaux.

— Marc Blancval, Joliette

Enfants gâtés

Ce ne sont pas les élections qui sont étranges, ce sont les électeurs. Ils agissent comme des enfants gâtés. Les enfants gâtés sont rarement contents de leur situation. Ils en veulent plus, mais ne savent plus quoi demander. Les électeurs ne voient-ils pas ce qui se passe dans les autres pays ?

— Gaétan Faubert

Politiciens déconnectés

C’est peut-être ça, le problème. Les politiciens se sont déconnectés des citoyens, créant ainsi un écart entre ce qu’ils pensent et la réalité. Depuis plusieurs années, on observe la voracité des gouvernements à taxer les citoyens ; ils en veulent toujours plus. Les indicateurs économiques ont beau être au vert, ce ne sont pas les citoyens qui en profitent, pour toutes sortes de raisons. Moi, je regarde ce qui me reste à la fin de la semaine, et ça n’augmente pas.

— Alain Brochu

Les riches et les ultrariches

Être ou se sentir riche ? L’économie au Canada va bien. L’augmentation du coût de la vie reste stable et basse comparativement à de nombreuses périodes précédentes. La classe moyenne s’agrandit en améliorant le sort d’une partie de la classe pauvre. La qualité et le niveau de vie s’améliorent. Nous sommes plus riches que ne l’étaient nos parents et nos grands-parents.

Mais la notion de richesse n’est pas basée sur un critère absolu. Elle diffère selon les pays, les milieux, l’observation des différences entre les pauvres et les nantis. Or, nous observons maintenant plus facilement le niveau de vie des ultrariches. Si, pour mes parents, le « riche » habitait Outremont et Mont-Royal, pour la nouvelle génération, le « riche » provient de la Silicon Valley. Or, comment peut-on se sentir riches face à eux ?

— Jacques Portelance, Otterburn Park

Examen de conscience

Montréalaise de souche, j’ai été attirée par la beauté et la zénitude du Bas-Saint-Laurent. Je suis devenue rimouskoise en retrouvant le même boulot, mais en perdant 8,25 $ l’heure, soit plus de 15 000 $ annuellement. Ici, l’essence est beaucoup plus chère le litre qu’à Québec ou à Montréal. Le nettoyage à sec d’un veston d’uniforme coûte 14,35 $ contre 10,75 $ ailleurs.

Et la liste est longue. Rimouski est une ville superbe où on trouve un centre hospitalier, un cégep et une université. Les entrepreneurs dans mon domaine ont les mêmes honoraires que partout au Québec, car ils sont régis par la RAMQ et leur ordre professionnel. Faut cesser de ne blâmer que nos gouvernements. Les entrepreneurs qui offrent les salaires se doivent de faire un examen de conscience.

— Monique Pilotte

Nous sommes devenus râleurs

Comme un certain dicton dit : « Le bonheur, c’est comme du sucre à la crème, si tu en veux, tu dois t’en faire ! » 

Je pense que nous sommes devenus râleurs avec nos petits malheurs quand on prend le temps de réfléchir, de voir la qualité de vie que nous avons. Il faut peut-être diminuer nos exigences et en même temps, faire du bien à l’environnement en réduisant les voyages en avion quelques fois par année, diminuer notre consommation en nous demandant si c’est nécessaire pour notre bonheur.

Quand on y pense, on est inondé de gadgets inutiles et on n’est pas plus heureux pour ça. Car on ne peut être heureux tout le temps, sinon, on deviendrait blasés. Apprécions tout ce que nous tenons pour acquis : la paix, la sécurité, la démocratie, etc.

Mais pour ça, il faut prendre le temps, donc laisser de côté toutes les distractions électroniques qui nous font croire qu’il nous manque toujours quelque chose.

— Murielle Laferrière, Pointe-Claire

L’économie, vraiment ?

Étrange, que ce constat des sondeurs voulant que le principal enjeu électoral soit l’étouffement financier ressenti par les Canadiens, malgré les indices économiques extrêmement favorables. 

Je ne suis pas sondeur, mais autour de moi (et dans ce que je lis dans les médias aussi), le reproche qui est le plus fréquent contre le gouvernement Trudeau, c’est sa contradiction environnementale (on est « vert », mais on achète un pipeline) et sa mollesse dans la défense de tous ses dossiers (autochtones, SNC-Lavalin, Trump, voyage en Inde, etc.) On n’aime pas être représenté par un personnage faible, et les solutions de rechange ne sont guère réjouissantes.

Le choix d’afficher ouvertement sa religion nuit à Jagmeet Singh (pas seulement au Québec), le double langage d’Andrew Scheer ne plaît pas, Maxime Bernier est devenu caricatural… Ne restent qu’Elizabeth May et Yves-François Blanchet (au Québec) qui passent la rampe, mais aucun des deux ne va prendre le pouvoir.

Je ne sens pas que la performance de l’économie canadienne ait grand-chose à voir avec la perte de confiance de l’électorat envers les politiciens.

— Pierre Sormany