Je pars bientôt pour deux semaines de vacances en VR (véhicule récréatif), pour virailler en région et reconnecter avec la Terre. J’entrevois un grand moment dans l’histoire du caravaning !

Il faudra évidemment apprendre à conduire et dresser la bête. Aux abris ! répètent certains de mes amis très langues sales, qui me considèrent comme un danger pour vos mobiliers extérieurs. Franchement !

Ça fait un bout que ça me titille, des vacances en VR. J’ai toujours hésité parce que je me considère comme une sorte de poule de luxe (je sais, les filles, j’avais écrit « poulet de luxe », mais ça sonnait ridicule, un break là. SVP !)

Mon espace sécuritaire exige un certain niveau de confort. Mes petites affaires, tics rituels et katas quotidiens. Un parfait petit mononcle sur le jeu de base.

Ma seule stabilité, pour affronter ma vie qui a généralement été un tourbillon. J’ai besoin que la première et la dernière heure de ma journée soient prévisibles.

Ainsi, l’idée de vivre en VR me déstabilise. Perdu dans l’espace, Star Trek

Je ne m’y connais pas vraiment en VR, à part une couple d’expériences avec les copains, pour des virées sportives aux USA.

Un de ceux-là est un voyage que mes amis m’ont offert pour mes 50 ans : un match des Yankees de New York, au vieux Yankee Stadium.

En route, nous avions décidé de vivre l’expérience ultime du caravanier, pour comprendre : une nuit dans un stationnement de Walmart.

Surréel !

Je nous revois, tout fin seuls, en train de souper, comme les premiers humains débarqués sur une planète inhabitée, ébahis devant le décor délirant. En fait, devant rien, un panorama infini d’asphalte. America ! « Drill baby drill ! » Le mantra du grand Donald.

Le clou du séjour a été le lendemain, quand un de nous, lève-tôt délégué aux petits-déjeuners, s’est mêlé incognito aux employés du magasin, et a participé aux célèbres incantations motivatrices et work-out tribaux de Walmart du début de journée. On la rit encore !

Rendus au match, nous avons tout savouré, y compris la voix de l’annonceur maison, le légendaire Bob Sheppard. Celui-ci a tenu ce rôle pendant 56 ans, et durant plus de 4500 matchs. Lors de notre visite, il avait déjà 95 ans, et le tout ressemblait à un râle d’outre-tombe : batting firsttt, the shooortstop, numbeeer two, Derek Jeterrr !

Mais tout à coup, j’entends, en fait je détecte que Sheppard souhaite Happy Birthday to Riiigiiis Labôôômm ! Et simultanément apparaît le même message sur l’écran géant au fond du champ centre, où on dévoile au Tout-New York mon grand âge !

Nooonnn ! C’est pas vrai ! Je rêve ?

Et je reçois une ovation des très sympathiques spectateurs de ma section. Sur le cul ! Fêter publiquement mon anniversaire dans la Mecque du baseball sur Terre ! Les copains avaient été sans limites, et incroyablement généreux.

Autre équipée : Loudon, New Hampshire, pour une fin de semaine de course automobile de la série NASCAR.

Loudon, un bled reculé par le tonnerre, où chaque habitation dispersée sur le territoire semble inquiétante et pourrait avoir été le vrai lieu de l’existence de L’exorciste.

Mais au bout d’une route, boum ! Il existe un ovale de course pouvant recevoir 88 000 personnes. Et tout autour, des emplacements pouvant aussi accueillir des milliers de campeurs et autres VRistes. Au milieu de nulle part, mais immense, probablement seulement détectable par satellite.

Je vous en parle parce qu’il y régnait une drôle d’atmosphère, du fait que proche de la moitié des pensionnaires présents portaient des vêtements, principalement des camisoles, aux couleurs de la National Rifle Association (NRA).

La clientèle type à inviter à une biennale de musique sacrée.

Le nombre d’armes à feu sur le site devait être ahurissant.

Pour nous, Québécois anti-guns absolus, le sentiment y était assez indescriptible. Pas besoin de vous dire que j’ai évité de raconter tout haut que j’étais une lavette de lologue, social-démocrate, et vieux chum de Bill Clinton !

Revenant chez nous, mon autre petite angoisse de campeur itinérant est l’idée de socialiser. J’adore discuter avec le citoyen, mais en vacances je prends congé de m’entendre, ça me fait un bien terrible, mais ça me rend un peu sauvage. On pense que je n’ai pas l’humeur.

On peut se saluer poliment : oui, la santé va bien, ma retraite est extatique et merci de vous informer. Et non, ce n’est pas ma première visite dans le coin, je suis déjà passé à l’âge de 15 mois.

Et il y a tous les machins du monstre à manipuler. Boutons ici et là, propane ou électricité, je ne sais pas, l’eau et… la vidange ! La vidange, qui me fait littéralement capoter depuis des semaines, juste à y penser ! Et il y a même les côtés de la boîte qui sortent vers l’extérieur pour élargir le lieu. Une maison hantée !

Surtout que la personne qui m’accompagne m’a déjà donné le diagnostic de l’être humain le plus maladroit qu’elle ait rencontré dans son existence.

Dur ça, pour un fils de mécanicien. Vil, très bas. Heureusement que mon niveau d’estime est assez élevé, autrement je plongerais. Mais j’ai 14 ans de politique au compteur, j’ai vu neiger et je sais reconnaître quand on tente de me jouer dans la tête.

Pour contrer cette médisance, un ami qui s’y connaît me tournera une vidéo maison dans laquelle il m’expliquera comment fonctionnent tous les bidules. Je me ferai ainsi du cinéma pour opérer.

Ce qui me chicote aussi avec le VR, c’est que j’ai l’habitude de tempêter à suivre sur la route ces paquebots conduits par trop de retraités – j’en suis un, en passant – qui ont la manie de respecter les limites de vitesse et de suivre le Code de la route.

Allez ! On se le magne, pépère ! On aimerait arriver à destination ce mois-ci ! Mais ils s’en tapent complètement, les limaces. Ils ont la vie devant eux, en fait ce qui leur reste, et se foutent complètement des 47 véhicules en moyenne qui les suivent de près.

Ça ne m’arrivera pas ! Effectivement, aux abris !

Entre nous

Dites-moi, y a du WiFi dans les terrains de camping ?