« Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ ; toute la Gaule est occupée par les Romains… Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur.⁠1 »

Dans son coin de l’Amérique du Nord, sur un vaste continent dont il compose moins de 2 % de la population, le Québec résiste lui aussi. Il veut préserver sa différence, être lui-même, ne pas se fondre dans la masse qui l’entoure.

La comparaison s’arrête là. Le Québec n’est pas un village, c’est un État. Il ne résiste pas en faisant pleuvoir des baffes, mais avec des lois, des fonds publics et la force de ses choix collectifs. Il n’a pas non plus de potion magique, sinon une culture originale et dynamique qui rayonne dans le monde.

Il en va des individus comme des nations : la différence dérange parfois.

À la veille de notre fête nationale, il est bon de souligner à quel point il nous faut de l’audace et du courage pour affirmer notre différence sur un continent où elle détonne beaucoup.

Les exemples suivants n’ont pas pour but de vous convaincre que la voie choisie par le Québec est la meilleure. Non, en cette veille de fête nationale, ils visent plutôt à rappeler à quel point le Québec ne choisit pas la facilité en assumant sa différence, à quel point il défend des idées qui vont à contre-courant, à quel point il mérite notre respect. Voici quelques-uns de ces choix :

Des droits d’avant-garde

Définition moderne de la famille, droit de mourir dans la dignité, droits des minorités sexuelles, accès à l’avortement… pour l’exercice de ces droits, en Amérique du Nord, le Québec se distingue. Je dirais même qu’il montre la voie. Malgré la force politique et culturelle américaine, malgré une partie de l’opinion publique canadienne, malgré le retour en force du religieux dans la sphère politique, le Québec garde le cap sur la modernité. Une chance qu’on s’a.

Croire en l’État

La droite américaine rassemble les plus grands promoteurs mondiaux du laisser-faire, une philosophie pour laquelle l’État n’est pas la solution, mais le problème, une philosophie qui carbure aux baisses d’impôts et à la déréglementation. Son discours traverse les frontières, mais nous, au Québec, résistons. Nous gardons un État fort, un État généreux, un État qui prend soin, mieux que tous ceux qui nous entourent, des plus pauvres et des plus petits. Oui, la CAQ a baissé les impôts, mais c’est de la rigolade par rapport à ce que font tous nos voisins… surtout qu’au moment où elle le faisait, elle augmentait aussi les dépenses de l’État⁠2 ! Le vent souffle, mais notre social-démocratie reste forte.

Croire au collectif

Dans le monde anglo-saxon, les droits individuels sont un absolu. Facile pour certains anglophones de nier les droits collectifs : leur langue et leur culture dominent. Dans leur monde, la volonté des Québécois de défendre leur identité fait figure d’hérésie. Si nous sommes seuls dans ce camp en Amérique du Nord, une bonne part du reste de la planète est avec nous. Le reste du monde sait que la protection de la diversité ne se fait pas un individu à la fois, mais bien une langue, une culture, une nation à la fois. Alors nous résistons.

Garder la religion dans la sphère privée

Le Québec, à l’instar de bien des pays du monde, tente d’éloigner la religion de l’État et surtout de l’école. D’ailleurs, si le Québec était sur le Vieux Continent, sa loi sur la laïcité ne ferait pas scandale. Elle constitue une approche humaniste, valable, pour nous protéger collectivement des dérives religieuses. Dans l’univers anglo-saxon, notamment au Canada, cette approche est rejetée : on y célèbre plutôt les religions en les transformant en marqueurs d’identité. Deux visions du monde s’affrontent donc, l’une intègre les religions dans l’État, l’autre les laisse dans la sphère privée.

Droits d’avant-garde, relation à l’État et à la religion, défense des identités collectives, le Québec est, pour l’instant, un roseau qui, dans le vent anglo-américain, plie mais ne rompt pas.

Notre capacité de résister et de construire une société originale, malgré l’impérialisme culturel et la taille de nos voisins, dure depuis plus de quatre siècles.

Nous sommes l’exemple d’une petite nation qui ne se soumet pas aux grandes.

Nous sommes l’exemple d’une petite nation qui, en insistant pour s’épanouir, protège la diversité du monde.

Nous n’avons pas le nombre, mais nous avons le courage.

Notre histoire nous a faits différents et nous l’assumons contre vents et marées. Nous avons de quoi être fiers.

Bonne fête nationale !

Bon été, je serai de retour en septembre.

1. Tous les albums de la bande dessinée Astérix le Gaulois débutent ainsi.

2. Lisez la chronique de Francis Vailles : « Comment baisser les impôts tout en haussant les dépenses »