Si la crise du logement est traitée régulièrement par les médias, elle est vécue quotidiennement par un trop grand nombre de personnes : insalubrité, embourgeoisement, logement familial inexistant, interminable liste d’attente pour les logements sociaux, rénovictions, discrimination, loyers exorbitants… de plus en plus de citoyens se retrouvent en situation de précarité, souvent impuissants devant l’impossibilité de se loger adéquatement selon leurs besoins.

Les chiffres dévoilés lundi lors de l’évènement « Agir ensemble pour le logement », organisé par Centraide du Grand Montréal, brossent un portrait vertigineux. Actuellement, il y aurait au moins 360 000 ménages de Montréal, Laval et la Rive-Sud qui ne peuvent boucler leur budget familial mensuellement. Face à la pénurie et aux coûts des logements, ces personnes et, dans de nombreux cas, leurs enfants ne sont plus en mesure de combler leurs besoins de base comme se loger, se nourrir, se vêtir et se déplacer. Près d’un ménage sur cinq dans le Grand Montréal se retrouve dans cette situation qui requiert une mobilisation forte et sans équivoque.

En 2022, le manque à gagner, dans les budgets familiaux des quelque 360 000 ménages touchés, totalise un déficit social théorique de 3,6 milliards de dollars.

Une partie de ce déficit est épongée par le soutien du milieu communautaire, par des investissements en services gouvernementaux et par les compromis que doivent faire les gens pour satisfaire leurs besoins de base (alimentation insuffisante, logement trop petit, insalubre ou inadéquat, etc.). À cela s’ajoutent inévitablement les coûts sociaux sur les systèmes de santé, de l’éducation, etc.

Des solutions existent. En fait, c’est l’addition de solutions qui s’impose devant l’ampleur de la situation. L’enjeu social du logement est trop complexe et multidimensionnel pour être porté par un seul acteur. C’est l’ensemble de la société qui doit être mise à contribution : citoyens, locataires et propriétaires (qu’ils soient privés, communautaires ou institutionnels), organismes communautaires, instances de concertation, institutions, investisseurs, milieu des affaires, acteurs philanthropiques ainsi que tous les ordres de gouvernement. En adoptant une vision systémique avec des objectifs ambitieux basés sur des indicateurs communs de réussite, nous pourrons et devrons réussir.

Pour ce faire, tous les acteurs sont invités, en fonction de leurs expertises et responsabilités, à s’inscrire en cohérence avec cinq leviers d’actions en commençant par celui concernant les données.

Il fait consensus dans les milieux universitaires et auprès des acteurs concernés qu’il est difficile d’avoir un portrait juste et complet de la situation, avec toutes les nuances nécessaires. Les données disponibles ne sont pas regroupées et partagées et sont souvent incomplètes lorsqu’elles ne sont pas carrément désuètes. Si la formule captant le revenu résiduel des ménages présenté par Centraide lundi est un nouvel outil permettant annuellement de mieux saisir le nombre de ménages touchés par un déficit mensuel, il est essentiel d’accompagner cet indicateur d’une plateforme de données partagées favorisant la mise en œuvre de mécanismes de suivi des actions.

Comme deuxième et troisième leviers d’action, le développement et le maintien de logements adéquats et peu dispendieux demanderont de sortir du paradigme historique. Pour donner une idée générale du besoin, il faut savoir qu’une moyenne annuelle de 1400 logements subventionnés ont été ajoutés dans le Grand Montréal depuis 1995. Ainsi, l’offre de logements subventionnés s’est maintenue à un taux inférieur à 5 % du parc résidentiel. En comparaison, la part moyenne de logements subventionnés dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est de 7 %. Par conséquent, pour rattraper notre retard collectif sur l’OCDE d’ici 2030, il faut ajouter 36 000 nouveaux logements subventionnés dont une part importante doit être consacrée aux logements sociaux et communautaires permettant ainsi le développement d’un parc immobilier durablement abordable pour les prochaines générations. Pour y parvenir, il faut donc multiplier par 3,6 notre effort moyen annuel des 20 dernières années. C’est un objectif certainement ambitieux, mais essentiel pour répondre à la réalité de milliers de ménages du Grand Montréal.

Pour leur part, les quatrième et cinquième leviers d’actions, soit celui des droits et de l’accès à la justice ainsi que celui du soutien communautaire, nous obligent à sortir de la logique habituelle. La crise qui sévit n’est pas qu’un enjeu de logements à conserver et construire, il s’agit d’une crise à visage humain. L’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité fait partie de l’adéquation.

C’est en repoussant les barrières de la collaboration, en regardant vers l’avant avec humilité et responsabilité et, surtout, en osant des initiatives audacieuses et durables que nous arriverons à construire une société où le droit au logement est une réalité pour tous. L’impulsion et la volonté des divers partenaires à s’engager n’ont jamais été aussi manifestes. Plus que jamais, il faut agir ensemble pour le logement.

*Cosignataires : Stéphane Boyer, maire de Laval ; Catherine Fournier, mairesse de Longueuil ; Valérie Plante, mairesse de Montréal ; Béatrice Alain, directrice générale du Chantier d’économie sociale ; Halah Al-Ubaidi, directrice générale du Conseil Communautaire NDG ; Louis Audet, président du conseil d’administration de Cogeco inc. et de Mission Old Brewery ; Janie Béïque, présidente et cheffe de la direction du Fonds de solidarité FTQ ; Alain Bernier, coordonnateur de la Coalition pour le droit au logement de l’agglomération de Longueuil (CDLAL) ; Nathalie Bernier, présidente du conseil de la Fondation Centraide du Grand Montréal ; Sharon Bitensky, conseillère principale de la Fondation de la Famille Morris et Rosalind Goodman ; Pierre Boivin O. C., C. Q., président et chef de la direction de Claridge Inc. ; Richard Bond ; Caroline Bougie, présidente du conseil d’administration de Centraide du Grand Montréal ; Alice Boulianne, coordonnatrice d’Initiative locale St-François en action ; Graham Carr, recteur et vice-chancelier de l’Université Concordia ; Michèle Chappaz, directrice générale du Mouvement pour mettre fin à l’itinérance à Montréal ; Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal ; Vincent Chiara, président de Groupe MACH inc. ; Jean-Marc Chouinard ; Éric Cimon, directeur général de l’Association des GRT du Québec ; Andrea Clarke, présidente de la Fondation Lucie et André Chagnon ; Stéphan Corriveau, directeur général du Centre de transformation du logement communautaire ; Micheline Côté, directrice de l’ACEF de Laval ; Edith Cyr, directrice générale de Bâtir son quartier ; Michèle DeGuire, présidente et directrice générale de Centraide du Grand Montréal de 1991 à 2012 ; Clément Demers, architecte et urbaniste, consultant en gestion de projets ; Chantal Desjardins, directrice générale de la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal ; Nadia Duguay, directrice générale de la Fondation Béati ; Julie Favreau, avocate, ASC, présidente de Fi3 ; Stéphane Febbrari Vermette, directeur de la Table de quartier Peter-McGill ; Jean-Marc Fournier, président-directeur général de l’Institut de développement urbain ; Martin Fournier, directeur général d’Atelier habitation Montréal ; Simon Gamache, directeur général de Fierté Montréal ; Philippe Garant, directeur général de la Fiducie du Chantier d’économie sociale ; Mitch Garber ; Hélène Gasc ; Allan Gaudreault, analyste-conseil ; Pierre-Étienne Gendron-Landry, directeur général de la Société Logique ; Annick Germain, directrice des programmes en études urbaines, professeure-chercheuse titulaire à l’INRS ; Samuel Gervais, cofondateur-développement d’affaires de Solutions Immobilier Solidaire (SiS) ; Mazen Houdeib, directeur général du Regroupement des organismes du Montréal ethnique pour le logement (ROMEL) ; Anne-Marie Hubert, associée directrice pour l’Est du Canada de EY ; James Hughes, président et chef de la direction de Mission Old Brewery ; William Jegher, associé, leader de la pratique des Services immobiliers transactionnels pour le Québec de EY ; Heather Johnston, directrice générale de Projets autochtones du Québec ; Assia Kada, coordonnatrice générale de Concertation Ville-Émard/Côte-St-Paul ; Jacques Lamarre ; Claude Léger, ing., LL. B., vice-président gouvernance de projet de Macogep ; Xavier Leloup, professeur de sociologie de l’habitat et du logement à l’INRS ; Laurent Levesque, directeur général de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) ; Isabelle Marcoux, présidente du conseil de Transcontinental inc. ; Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier inc. ; Caroline Maso ; Richard Massé ; Luc Maurice, fondateur du Groupe Maurice et président de la Fondation Luc Maurice ; Karel Mayrand, président-directeur général de la Fondation du Grand Montréal ; Philippe Meilleur, directeur général de Montréal Autochtone ; Kerlande Mibel, présidente et fondatrice du Forum économique international des Noirs et présidente du conseil d’administration de Village Urbain ; Marie-Josée Neveu ; Ivelina Nikolai, directrice générale de la Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Montérégie ; Gilles Ouimet ; Sébastien Parent-Durand, directeur général de l’Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Grand Montréal (ACHAT) ; Magali Picard, présidente de la FTQ ; Robert Pilon, coordonnateur de la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec ; Roger Plamondon, président du Groupe Immobilier Broccolini et co-président du Chantier Montréal abordable ; Patrick Préville, directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ) ; Jocelyn Proteau ; Ron Rayside, architecte et fondateur de Rayside Labossière ; Richard J. Renaud, c. m., président du conseil et chef de la direction de TNG Corporation ; Claire Richer Leduc ; Rémy Robitaille, directeur de Solidarité Ahuntsic ; Jonathan Roy, directeur général de la CDC de la Pointe ; Richard Ryan, consultant en habitation ; Céline Saint-Pierre, professeur émérite de sociologie à l’Université du Québec à Montréal ; Christian Savard, directeur général de Vivre en ville ; Caroline Senneville, présidente de la CSN ; Eric St-Pierre, directeur général de la Fondation familiale Trottier ; Élise Tanguay, directrice des affaires publiques de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) ; Guillaume Tremblay, maire de Mascouche et président de la Commission de l’habitation et de la cohésion sociale de la Communauté métropolitaine de Montréal, président du comité sur l’habitation de l’Union des municipalités du Québec ; Marie Turcotte, directrice générale d’Ex aequo ; Natalie Voland, présidente et cheffe de la vision, Gestion Immobilière Quo Vadis ; Christian Yaccarini, président et chef de la direction de la Société de développement Angus