Le 4 avril dernier, j’ai renoué avec un grand bonheur : j’ai pris mon vélo pour revenir du bureau. Je vous vois déjà lever les yeux au ciel… Mais je vous arrête tout de suite ; je ne suis pas la cycliste extrême que vous pourriez imaginer. Non, je ne suis pas le genre à trimballer mes enfants dans la gadoue avec mes lunettes de ski. En fait, je ne sais même pas si je peux prétendre au titre de cycliste !

Il y a trois ans, je ne possédais même pas de bicyclette ! Et j’ai même déjà candidement avoué au président de Vivre en Ville que « moi, faire du vélo, je n’aime pas ça ! ».

J’ai grandi en banlieue et mon épopée à deux roues s’est terminée, vers l’âge de 14 ans, avec mon dernier BMX. Bien que je me sois bien enracinée à Montréal, je n’avais jamais adopté ce mode de transport actif que je laissais aux ultra motivés ou aux enfants.

Ce n’est que pendant la pandémie, alors que les rues étaient désertées de toute forme de vie, mais surtout de vie véhiculaire, que l’idée saugrenue de m’acheter un vélo s’est immiscée dans mon esprit.

Je me rappelle encore mon premier départ à vélo pour le bureau. Un trajet de 8 km. Temps estimé : 23 minutes. J’avais un gros sac à dos, prête à tout, et l’impression de partir pour l’Everest. Petit vent frais, gros soleil et évidemment pas le meilleur chemin qui soit. Pourtant, malgré le trajet plutôt moche, j’ai été enchantée.

J’ai du mal à décrire l’euphorie ressentie lors de cette première sortie qui était somme toute plutôt banale. Cette euphorie, je la ressens toujours aujourd’hui et elle m’a même surprise le 4 avril dernier, quand j’ai retrouvé la joie de pédaler.

Chaque fois que j’utilise mon vélo pour me déplacer, surtout pour un déplacement que j’aurais normalement fait en voiture, je considère cela comme une petite victoire. J’aimerais dire que c’est parce que je sauve un demi-gramme de carbone, mais pour être bien honnête, c’est beaucoup plus égoïste que ça. Je savoure chaque sensation. La force de mon muscle qui pousse contre la pédale. La caresse du vent contre mon visage. La chaleur du soleil. L’odeur du printemps. Le son des oiseaux. Je me sens tellement plus vivante que lorsque je suis enfermée dans l’habitacle ô combien hermétique de mon véhicule !

J’ai soudainement l’impression de faire partie d’une vie collective autant qu’urbaine et même d’être en contact avec la nature, là où elle se trouve. Parce que oui, il y a plein de nature en ville quand on se donne la peine de regarder. Je découvre soudainement des endroits que je n’avais jamais remarqués auparavant. Je vois et je vis la ville différemment.

Revenir à vélo après une journée de travail me permet de prendre le temps. C’est un moment de réelle pause entre mon espace familial et professionnel. Un luxe qui se fait de plus en plus rare depuis la pandémie.

Et le grand bénéfice de cette transition, c’est qu’elle est active. J’accélère ma pulsion cardiaque, je prends de l’air frais, je dégage des endorphines. Je me permets d’être. D’exister. Par le sourire un peu niais qui ne quitte pas mon visage lorsque je pédale, je connecte avec des êtres humains que je ne connais pas. Nos regards se croisent, on se sourit spontanément. L’espace d’un instant, nous sommes tous unis. Les marcheurs, les joggeurs, les poussettes, les trottinettes. Bon, les laisses des chiens me font toujours un peu peur et dans un monde idéal, on aurait chacun notre espace. Mais j’aime mieux ce brouhaha animé plutôt que des lieux trop lisses.

Quoique parfois, la tranquillité de la nuit est un moment de grâce. Je rentre d’une soirée et la vie semble s’être arrêtée. La ville s’assoupit. Mon canal de Lachine est un miroir parfait. Seul le son de mes roues contre le sol se fait entendre. Les lumières de ma ville scintillent juste pour moi. Le monde m’appartient. Et je ne peux que me trouver chanceuse de vivre dans une ville aussi sécuritaire et me rappeler combien j’aime la vie urbaine.

À tous ceux qui maudissent le trafic, les cônes orange et même les pistes cyclables, je veux que vous sachiez que je vous comprends. Quand je suis en voiture, moi aussi, je sacre en masse. Mais quand je me retrouve sur deux roues, Montréal m’apparaît sous un autre jour. Sous son meilleur jour. Je me surprends à vouloir la défendre, à vouloir la faire aimer comme moi je l’aime et à vouloir partager cette découverte inouïe : pédaler pour se déplacer.

Je suis bien consciente que le vélo n’est pas pour tout le monde. Qu’on n’habite pas tous à 8 km de notre lieu de travail. Mais essayez juste une fois cet été. Ou, si vous connaissez déjà ce bonheur, tentez de le propager.

Camarades cyclistes, engagez-vous cet été à emmener un ami récalcitrant. Faites-lui vivre, ne serait-ce qu’une seule fois, ce plaisir. Offrez-lui cette perspective différente de la ville. Bon, choisissez votre journée, quand même ! Pas de pluie, pas trop de vent et surtout, attention aux nids-de-poule !