Mardi dernier, l’Assemblée nationale a adopté une (autre) résolution unanime s’adressant au gouvernement fédéral. Elle réclame qu’un mécanisme formel de consultation soit ajouté dans la Loi sur la radiodiffusion pour obliger le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à consulter le Québec lorsqu’il adopte un règlement portant sur toute question touchant à la spécificité culturelle québécoise.

C’est donc une demande justifiée et assez minimale : être consulté. Soit dit en passant, la loi prévoit que le CRTC consulte les communautés de langue officielle en situation minoritaire… mais pas nous.

Dans un contexte où le Québec est le foyer principal du français en Amérique du Nord, une réponse positive à cette demande devrait aller de soi.

Dans un contexte où les décisions du CRTC concernent deux marchés linguistiques distincts, une consultation du gouvernement qui connaît le mieux le marché francophone aurait aussi dû aller de soi.

Dans un pays qui aurait à cœur l’avenir de la langue et de la culture françaises, la demande n’aurait même pas dû être nécessaire : le gouvernement fédéral, responsable des télécommunications, aurait dû le proposer d’emblée. Mais non. Il faut se battre, encore.

Durant la même semaine, on apprenait que les grands patrons d’Air Canada, du CN et des autres organisations assujetties à la Loi sur les langues officielles n’auraient pas l’obligation de parler français, comme le réclame le gouvernement du Québec. Pas plus tard que l’année dernière, le CN n’avait même pas de francophone à son conseil d’administration et le PDG d’Air Canada se réjouissait de pouvoir bien vivre à Montréal sans parler français. Ces scandales ont donc vite été oubliés.

Dans la même semaine, le Parti libéral fédéral s’entredéchirait à propos d’une autre demande du Québec : le respect de la Charte de la langue française dans la Loi sur les langues officielles. Cette demande choque plus les députés libéraux qu’un rapport accablant de Statistique Canada qui dit que le français recule partout au Canada.1

En dehors des questions linguistiques, les demandes de l’Assemblée nationale restées sans réponse s’accumulent aussi : nouveaux pouvoirs en immigration, déclaration d’impôt unique, financement de la santé, actions sur le chemin Roxham, citoyenneté pour Raïf Badawi, nomination d’Amira Elghawaby, etc. Le Québec est insatisfait ? Pas grave.

Le Québec et ses aspirations ne semblent pas intéresser le gouvernement fédéral. Ces nombreux refus reflètent, oui des opinions divergentes, mais également une certaine indifférence. Même sur la question linguistique, dont les paramètres devraient être intégrés depuis longtemps, il nous faut constamment rappeler que nous sommes minoritaires au Canada, minoritaires en Amérique du Nord, que la culture québécoise fait partie de cette diversité qui enrichit le monde, qu’elle est menacée, comme les autres cultures, par le géant culturel américain et que, pour nous, une langue n’est pas uniquement un moyen de communiquer, mais le véhicule d’une culture unique au monde.

Quand le ministre québécois de la Culture demande que le Québec soit consulté par le CRTC dans les enjeux qui touchent la culture québécoise, c’est la nation québécoise qui demande des moyens minimaux de s’épanouir dans un monde qui s’uniformise de plus en plus. À une certaine époque, nous demandions même, à juste titre, que les télécommunications soient un pouvoir partagé.

Les cultures peuvent disparaître. Les nations peuvent s’étioler. Quand l’une d’elles demande des outils de base pour assurer son avenir, répondre positivement devrait aller de soi, même pour le Canada.

Simone de Beauvoir disait que « ce qu’il y a de plus scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue ». On s’habitue à voir notre opinion ignorée par le gouvernement fédéral, mais cela reste honteux.

J’ai politiquement grandi dans un Québec où les fédéralistes cherchaient à définir une place particulière pour le Québec dans le Canada, une place qui lui permettrait de s’épanouir à sa façon : fédéralisme asymétrique, peuples fondateurs, souveraineté culturelle, égalité ou indépendance, société distincte, etc. Avec le temps, quelque chose s’est cassé et ils en sont arrivés à l’insignifiance absolue du « Être Québécois c’est notre façon d’être Canadiens » de Philippe Couillard. Les Ontariens auraient pu dire la même chose. Nous payons maintenant le prix de cette insignifiance, car le Canada semble l’avoir intégrée.

Les partis à l’Assemblée nationale qui croient que le Québec peut s’épanouir dans le Canada doivent définir quelles sont, selon eux, les conditions de cet épanouissement. Quels objectifs idéaux ils poursuivent et quels objectifs minimaux ils exigent. Plus encore, quels moyens prendront-ils pour convaincre le Canada de s’adapter à la réalité québécoise ? Et si le fédéral continue de les ignorer, que proposent-ils au Québec de faire, même en restant dans le cadre canadien ?

Cette réflexion est nécessaire pour redonner de la force au Québec, car son absence laisse entendre que la seule option est l’effacement.

1. Lisez la chronique « La place du français au Canada »