Premiers jours de l’année grégorienne, rue Cartier à Québec. Il brumasse. Les gens ont l’air plutôt gais lurons.

Je les suppose heureux d’être bien connectés, ou reconnectés à Hydro-Québec.

(En passant, est-ce que vous saviez que le 1er janvier est aussi une fête chrétienne de la circoncision du Christ ?)

Cartier est une artère très ville de Québec.

Jadis grouillante et bruyante, elle ne manquait pas de lieux pour la rumba. La dernière maison close connue de la ville y a d’ailleurs résisté longtemps.

Mais elle a vieilli, comme moi, la population et la clientèle du Jules et Jim, bar ancestral. Mais elle demeure toujours très attrayante.

J’y ai mes habitudes : une brûlerie, talle de recrutement pour la FADOQ ; une échoppe de fruits et légumes, où je suis toujours en froid avec les tomates Demers ; une boulangerie, que mon indice de masse corporelle tente d’éviter ; etc.

Et invariablement, ma librairie de quartier, où je fais ma tournée d’inspection, tel un gérant adjoint.

J’aperçois le livre de Pierre Gervais, écrit avec Mathias Brunet : Au cœur du vestiaire. Les critiques sont super bonnes, et j’aime lire le journaliste Brunet.

Je me rappelle le sympathique Nounou dans la série Lance et compte, qui gérait l’antre du jack strap, le vestiaire.

Mes sens de né-natif sont en éveil. Je pars avec l’ouvrage.

Fin de la partie diurne, cette journée sans signification. Je m’installe pour lire Gerv, comme on le surnomme dans le milieu du hockey.

Aspiré dès les premières pages, je me laisse glisser dans un épisode du spectre de l’autisme comme je les aime, quand des lectures m’envahissent.

Quelques heures et j’atterris à la dernière page. Une détente rare, et au berceau, dodo.

Pointage final : un régal ! Je l’ai dévoré tout rond, ce bouquin, aussi avidement qu’un smoked meat de Phil, dans mon quartier. Rien que du bon là-dedans.

Comprenez-moi bien, on ne parle pas ici d’un prix Pulitzer, mais quelle efficacité ! Le contenu évidemment, magique pour un Québécois qui aime ce sport, et l’écriture ramassée d’un chroniqueur d’expérience.

Ils ont couvert les sujets, et écrit exactement ce que veut apprendre un maniaque de hockey. Les personnalités, par exemple : je le savais, l’ai toujours haï, Pacioretty !

Les manies, superstitions et autres TOC (troubles obsessionnels compulsifs). On en a encore appris sur Patrick Roy, et sur d’autres katas étonnants de certains.

On veut tous connaître les histoires croustillantes. Sexe, drogue et rock and roll. Je comprends que Gerv a été d’une très grande retenue, on le comprend, mais on aurait adoré… À part un Finlandais, qui en mange une maudite !

J’aimerais quand même vider une couple de bouteilles de Bordeaux avec lui, Gerv, un bon millésime, contre quelques confidences.

Et finalement, les légendes urbaines et autres racontars. Et des détails sur la chambre des joueurs, et l’équipement, etc. Je sais que ça paraît niaiseux pour le profane, mais on aime ça, nous autres !

Gerv en a sniffé, des odeurs d’équipement, d’exhalaisons divines de petits monsieurs qui travaillent fort.

Je me souviens moi-même des fragrances et de la moiteur qui émanaient des sacs de hockey de mon gars, et de ses coéquipiers, dans ma vie passée de chauffeur de futures vedettes. Un fumet !

Et, conséquemment, la buée dans les vitres du véhicule au bout de quelques minutes, un bain turc. Et l’équipement qui passe la nuit sous le ventilateur de la salle de bain du motel, copie du Ritz, au tournoi de Black Lake…

Cette lecture m’a aussi rappelé ma « carrière » de hockeyeur. Je suis sûr que vous vous mourez d’en savoir plus…

Je vous la résume : gros travaillant, mais déficit de talent évident.

Un haut fait. Je ne me souviens plus par quel hasard, mais j’ai été choisi, avec un autre, pour jouer le tournoi de hockey régional annuel de Sept-Îles avec les jeunes Innus de Maliotenam, une communauté autochtone près de Sept-Îles. Nous étions deux blonds sur le banc, on tranchait !

Des petits gars adorables. Je me serais fait adopter si j’avais pu, pour passer toute ma carrière avec eux.

Suite et fin de cette trajectoire dans le hockey mineur : bantam, au Domaine Saint-Charles, quartier Duberger, à Québec. Mais patinoire extérieure, pas d’aréna. M’ennuyais de mes sept îles…

Deux ans à jouer ou pour les Condors, ou pour les Aigles. Les deux seuls clubs de la place. Ainsi, le calendrier ressemblait à ceci : Aigles visitent les Condors ; Condors visitent les Aigles, et ainsi de suite.

Et devinez qui atteignait les finales du championnat ? Exactement, vous êtes vraiment forts : les Aigles et les Condors !

Vous dire comment on s’haïssait à la fin de l’hiver, à jouer contre les mêmes faces !

Éventuellement, cette carrière s’est conclue de façon un peu désolante. Suspendu d’une ligue de garage. Faut le faire, pas fier de ça. Pourtant, je n’allais que m’informer sur ce qui se passait quand ça brassait un peu fort, écornifler, disons…

À un moment donné, début cinquantaine, je me suis senti comme Guy Lafleur, l’impression d’être parti trop tôt, et j’ai réfléchi à un retour au jeu.

Mais finalement, on m’a calmé le pompon. Évidemment, j’allais exagérer, et devenir un candidat parfait à la crise cardiaque. Et peut-être provoquer un trop-plein d’inscriptions, des amis méconnus, qui auraient espéré « pincer » le maire.

De grands moments dans l’histoire du sport, ma carrière, je sais.

Mais un peu court pour un super livre comme celui de messieurs Gervais et Brunet.

Entre nous

Cette lecture m’a quasiment fait aimer le CH. Mais ça devrait me passer.

Dire que j’ai promis à Serge Fiori, fan fini, d’aller voir un match avec lui.

Un verre de trop, encore. Misère !

Ne prends pas ça personnel, Geoff, le temps n’a juste pas réussi à me déprogrammer…

Pierre gervais : au cœur du vestiaire

Pierre gervais : au cœur du vestiaire

Ovation médias

292 pages