Le comité spécial de la Chambre des représentants sur les évènements du 6 janvier 2021 au Capitole a raison : ce jour-là, Donald Trump a tenté un coup d’État dans l’effort de se maintenir au pouvoir. Mais comme tant de choses avec M. Trump, il était mal organisé et voué à l’échec.

Le comité recommande maintenant au ministère de la Justice d’entreprendre des poursuites criminelles contre M. Trump. Mais cette recommandation n’est assortie d’aucune obligation légale. Ce n’est pas aux élus de décider si des accusations criminelles doivent être portées.

Le comité a certainement raison sur ce qui s’est passé le 6 janvier 2021 et sur le rôle de M. Trump : « Il a allumé la mèche, versé l’essence sur le feu, s’est assis dans la salle à manger de la Maison-Blanche pour regarder le feu brûler et aujourd’hui encore, il continue d’attiser les flammes. »

Mais la question qui se pose aujourd’hui est de savoir s’il est opportun pour l’administration Biden – en fait, le procureur spécial Jack Smith – de procéder à des accusations criminelles contre l’ancien président. Ce serait une erreur.

La première raison est politique. L’important, comme le disait la représentante républicaine Liz Cheney, c’est que « Donald Trump est indigne » d’occuper toute nouvelle fonction politique et il faut s’assurer que cela ne se produise pas.

Or, M. Trump est en train de faire le travail tout seul. Les résultats des élections de mi-mandat de novembre ont été très ordinaires pour les républicains et, encore plus, pour les candidats appuyés par l’ancien président.

Même quand M. Trump s’est investi personnellement dans l’élection, ce sont souvent les partisans républicains qui ont voté contre lui. Par exemple, en Géorgie, où l’administration du gouverneur Brian Kemp a été facilement réélue, même si M. Trump était intervenu personnellement contre ce gouverneur qui avait refusé de trafiquer les résultats de l’élection.

Bien sûr, dire que son influence est en déclin ne signifie pas qu’elle ait disparu. Il y a encore des partisans de M. Trump. Mais quand celui-ci ne fait que parler du « vol » de l’élection de 2020, il ne fait que nuire à son parti.

Mais il reste que, dans ce contexte, une mise en accusation par l’administration Biden serait immédiatement utilisée par M. Trump comme la preuve qu’il s’agit d’un procès politique, d’une vengeance ou d’un règlement de comptes. Le pays est déjà assez divisé, il y a déjà bien assez de théories du complot qui circulent, il n’y a nulle obligation d’en rajouter et de continuer à discréditer encore plus les institutions.

D’autant que rien n’oblige le procureur spécial à porter des accusations. La marge de manœuvre de la poursuite à cet égard est bien établie. Toutes sortes de considérations – et pas seulement la preuve elle-même – doivent être prises en considération avant de porter des accusations.

Par exemple, il est probable que le procès serait télévisé. Est-ce qu’un procès où Donald Trump serait l’accusé ne deviendrait-il pas un spectacle dans lequel l’ancien animateur de The Apprentice pourrait montrer tous ses dons pour donner un bon spectacle télévisé ? Et pensez au pauvre juge, qui essaierait de maintenir l’ordre et le bon déroulement des procédures dans un tel contexte !

L’autre question qu’il faut toujours se poser quand on fait appel aux tribunaux – et à plus forte raison devant un système judiciaire aussi politisé qu’aux États-Unis –, c’est : est-ce qu’on pourrait perdre ?

Il est très peu probable qu’un juge rejette la preuve exhaustive qui existe contre l’ancien président Trump. Vu ce que l’on connaît déjà, un acquittement pur et simple serait très étonnant. Mais que la cause achoppe pour des raisons de procédure, à cause d’une fuite ou d’une autre cause fortuite, est une possibilité bien réelle. Ce qui serait immédiatement utilisé par M. Trump comme une preuve d’innocence et une occasion de se présenter encore comme victime.

Enfin, il y a une possibilité bien réelle que M. Trump puisse trouver le moyen de profiter financièrement de la situation. En se présentant comme une victime persécutée par ses adversaires, il aura un nouveau moyen de solliciter ses partisans. Ce ne serait pas la première fois.

Peu après l’élection de 2020, M. Trump a créé un « Fonds de défense des élections » qui devait aider à payer pour des contestations judiciaires et de nouveaux dépouillements.

En quelques semaines, il a obtenu plus de 250 millions de dollars qui ont rapidement été transférés au Comité d’action politique Save America. Des fonds qui ont surtout été utilisés pour régler des dépenses électorales impayées et organiser la manifestation du 6 janvier 2021 qui a précédé l’attaque du Capitole.

Plus récemment, il a ouvert une levée de fonds pour faire annuler les perquisitions à sa résidence de Floride pour avoir gardé sans en avoir le droit des documents officiels.

C’est un autre argument qui milite contre des accusations : faut-il donner au cirque Trump une autre occasion de solliciter des dons ou de se donner en spectacle ?