Depuis le début de l’année, les élus du Congrès américain ont reçu plus de 9000 menaces. De mort, de violence. Des torrents de haine. C’est neuf fois plus qu’en 2017, la première année de la présidence de Donald Trump.

C’est ce qu’a révélé lundi le chef de la police du Capitole américain, J. Thomas Manger. « Je ne peux pas exagérer la portée, l’ampleur et l’intensité du climat de menace actuel dans le pays », a-t-il dit devant un comité du Sénat.

M. Manger était dans l’édifice Russell, juste au nord du Capitole, pendant qu’au sud, dans l’édifice Cannon, à quelques centaines de mètres, se déroulait l’évènement du jour, voire du mois, à Washington : la dernière réunion publique du comité parlementaire qui a passé 18 mois à enquêter sur l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021. À tenter de déterminer si le 45président des États-Unis, Donald Trump, a bel et bien tenté de faire un coup d’État pour empêcher la passation des pouvoirs après sa défaite à l’élection présidentielle de 2020.

À l’unanimité, les neuf membres du comité – sept démocrates et deux républicains – ont recommandé au département de la Justice de porter des accusations criminelles contre l’ancien président Trump et quelques-uns de ses plus proches collaborateurs.

Il faut bien insister sur le mot « recommander » ici, car si les comités parlementaires ont le pouvoir d’enquêter sur un large éventail de sujets depuis la création de la démocratie américaine – incluant les agissements de l’aile exécutive –, ils n’ont absolument aucune poigne sur les procédures judiciaires, un pouvoir qui est entre les mains des procureurs.

Cette juridiction limitée n’a pas empêché le comité de mettre toute la gomme pour documenter les évènements du 6-Janvier et tout ce qui a mené à ce jour marqué d’une croix noire dans le calendrier américain.

Après avoir entendu plus de 1000 témoins et consulté des milliers de pages de documents, les membres du comité estiment que des poursuites devraient être lancées contre l’ancien président parce que, selon leur enquête, ce dernier aurait pris part à un complot dans le but de frauder l’État américain, aurait fait de l’obstruction à une procédure officielle du Congrès en tentant de faire avorter la certification de l’élection de Joe Biden, aurait travaillé de concert avec d’autres pour faire de fausses déclarations, mais surtout, surtout, parce qu’il aurait appelé ses partisans à l’insurrection, à se rebeller contre les institutions démocratiques américaines.

Ce n’est pas rien. Jamais un comité du Congrès n’a relevé d’accusations aussi graves contre un ancien président des États-Unis.

La représentante démocrate Elaine Luria a décrit en une seule phrase d’une grande efficacité le rôle présumé de Donald Trump en marge de l’assaut du 6-Janvier. « Il a allumé la mèche, versé de l’essence sur le feu, s’est assis dans la salle à manger de la Maison-Blanche pour regarder le feu brûler et aujourd’hui encore, il continue d’attiser les flammes », a résumé l’élue de la Virginie à la fin de ce processus parlementaire qui a souvent pris les airs d’une émission de téléréalité, mettant en vedette l’entourage de Donald Trump. Les assistants invisibles aux yeux du président, tout comme ses proches collaborateurs. Des amis et des détracteurs.

Sauf que contrairement à The Apprentice, cette téléréalité n’a pas du tout dépeint un Donald Trump en plein contrôle de ses moyens, mais plutôt comme un obsédé de la victoire prêt à absolument tout pour ne pas perdre la face, pour ne pas perdre son royaume.

Déjà, les attaques fusent de partout parmi les supporteurs de Donald Trump pour discréditer les conclusions du comité. Pour les réduire à une revanche partisane, et ce, même si les déclarations les plus incriminantes entendues lors des audiences sont venues du camp Trump lui-même.

Il reste à espérer que la justice américaine saura garder la tête froide et mener à terme ses propres enquêtes. Qu’elle saura tirer le meilleur du travail de moine qu’a accompli le comité parlementaire, tout en oubliant le spectacle. Qu’elle démontrera que personne n’est au-dessus de la loi.

Parce qu’il ne faudrait surtout pas oublier que pendant que le comité parlementaire rendait ses conclusions, à quelques centaines de mètres, le chef de la police du Capitole parlait des conséquences réelles, du climat de haine, étoffé de mensonges, qui prévaut depuis l’arrivée en politique de Donald Trump. Qui perdure malgré son départ.

Des vies ont été perdues le 6 janvier 2021. Des vies sont aujourd’hui toujours en danger.