En débarquant dans le Grand Montréal, les personnes migrantes et réfugiées ne sont pas au bout de leurs peines. Nos organismes communautaires, responsables de l’essentiel du travail d’accueil, font tout ce qu’ils peuvent pour aider ces personnes se retrouvant trop souvent dans des situations très difficiles. Mais ces organismes sont eux aussi à la limite de leurs ressources et de leurs forces, et méritent que nous les financions à la hauteur de leur importance.

Manuela* est arrivée au chemin Roxham avec son enfant de 4 ans sous le bras. Elle avait auparavant traversé le Mexique et les États-Unis, après avoir fui un pays de l’Amérique du Sud où son mari a été assassiné.

Le Canada représente pour elle la lumière au bout du tunnel, et elle a présenté une demande d’asile dès son arrivée.

Mais même ici, Manuela continue d’être harcelée par ceux qui l’ont forcée à l’exil. Comme elle craint que le système de repérage géographique de son portable ne la trahisse, elle n’a pas de contact avec ses parents, laissés derrière.

Elle vit actuellement dans une résidence qui vient en aide à des femmes en détresse, puisqu’il lui est impossible de se loger et de se nourrir convenablement. Son seul revenu provient de l’aide financière de dernier recours qu’on lui a accordée.

Son quotidien est typique de toute personne dans cette situation : cours de francisation, démarches pour un permis de travail, suivi avec l’aide juridique sur sa demande de statut de réfugié, efforts constants pour assurer la sécurité de son enfant. Malgré tout, elle trouve le courage de sourire.

Un organisme communautaire lui a offert une place en garderie. De cette façon, elle peut participer à ses cours de francisation. C’est qu’il n’y a pas d’aide gouvernementale pour des places en garderie pour les enfants de personnes réfugiées.

(Permettez-moi une question naïve : que fait-on avec son enfant, pendant les cours de français ? Deuxième question naïve : considérant la qualité de l’accompagnement qu’on y offre, pourquoi ne soutenons-nous pas la présence des enfants réfugiés en garderie, afin de favoriser leur intégration éducative et sociale ? )

À bout de souffle

Pour avoir une véritable chance de s’intégrer chez nous en toute dignité, les personnes réfugiées qui arrivent à nos frontières ont besoin d’aide, et une bonne partie de ce soutien provient du milieu communautaire.

Par exemple, des organismes de francisation sont devenus, bien malgré eux, experts en formulaires gouvernementaux. Après tout, si les personnes immigrantes et réfugiées font appel à eux, c’est que les services sociaux et les services de santé les y ont référées ! Ces organismes ne sont pas rémunérés pour ce travail. Ils le font parce que leurs intervenants, même à bout de souffle, sont incapables d’abandonner ces gens à leur sort.

Les organismes communautaires sont en constante adaptation aux personnes qu’ils servent. C’est vrai depuis toujours, mais ce l’est particulièrement depuis trois ans.

Une dirigeante me confiait récemment utiliser tous les moyens possibles pour recruter du personnel, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. L’idée qu’une réduction des services de son organisme crée un trou dans le filet social lui est insupportable.

Je le constate depuis plusieurs mois : ce grand sens du devoir et des responsabilités fait que les travailleuses et travailleurs du milieu communautaire craquent non seulement sous le volume de cas, mais aussi sous leur complexité.

« Si seulement les mots pouvaient panser nos blessures », a dit une personne réfugiée à un intervenant communautaire. Un souhait qui exprime à la fois la gratitude pour l’aide reçue et la certitude que rien ne pourra faire oublier les difficultés de l’exil. Ces mots me rappellent cette autre personne qui m’a résumé son parcours migratoire en une seule petite phrase, puissante : « Je suis bien ici, mais je serai toujours l’autre. »

Pour Manuela et plus de 40 000 personnes comme elle à travers le Grand Montréal, les traumatismes sont multiples. Nous avons là tous les ingrédients d’une crise humanitaire.

Une situation intolérable

La semaine dernière, une réfugiée enceinte s’est présentée à son cours de francisation avec des contractions toutes les cinq minutes. Démunie, elle ne savait pas où aller, sinon.

Tout quitter nécessite beaucoup de courage. Nous devons faire preuve de courage, nous aussi, pour assurer à ces personnes un accueil digne de la société que nous aspirons à former. Cessons de continuellement nous relancer la balle au sujet d’une responsabilité pourtant collective. Améliorons le financement des organisations institutionnelles et communautaires déjà en place.

Et surtout, mettons-nous-y au plus vite.

* Par souci de confidentialité, son nom a été changé.