Une chance qu’il reste encore en Amérique des gens qui acceptent les résultats du scrutin, si défavorables soient-ils pour eux ! Il faut saluer la conscience de tous ces jeunes qui sont allés massivement voter pour montrer leur attachement à la démocratie et à la liberté, incluant celle des femmes et des minorités sexuelles et culturelles.

C’est aussi ça la leçon qu’il faut tirer des résultats de ces élections de mi-mandat. Grâce à la mobilisation des femmes et des jeunes, les plans diaboliques des trumpistes commencent maintenant à vaciller.

L’Amérique, c’est le pays qui se présente comme le grand défenseur de la démocratie et érige son système en opposition au modèle chinois ou russe qu’il dit vouloir combattre par tous les moyens.

Or, ironiquement, depuis que Trump a mis le grappin sur le Parti républicain, les méthodes poutiniennes y sont devenues la norme, avec le même objectif : instaurer une pseudodémocratie leur garantissant de toujours gagner les élections.

D’ailleurs, une grande partie des électeurs et élus républicains ne veulent plus accepter les verdicts des urnes qui leur sont défavorables. Ce sont les mêmes qui trouvent normal que des forces insurrectionnelles envahissent le Capitole pour essayer de renverser le résultat d’une élection, menacent de mort des élus ou planifient de les prendre en otage.

Pas besoin d’une grande analyse pour constater qu’il y a une certaine convergence idéologique entre la vision de Donald Trump et celle de Vladimir Poutine. Les deux veulent la même chose, mais empruntent des chemins différents. Pendant que Poutine a confisqué le pouvoir et règne sans partage, les républicains travaillent à construire toujours plus d’obstacles pour empêcher des groupes favorables aux démocrates de voter. Il y a quelques jours, le candidat républicain au poste de gouverneur du Wisconsin, Tim Michels, a même eu l’honnêteté de déclarer que, s’il est élu, son parti ne perdra plus jamais d’élections dans l’État. Autrement dit, il fera tout pour tripatouiller les résultats en leur faveur.

Poutine et républicains, même combat

Le Kremlin a inventé des raisons d’envahir l’Ukraine et les républicains ont fait la même chose avec l’Irak. Poutine en veut aux minorités sexuelles qu’il tient responsables de la « déchéance » de la civilisation occidentale et les républicains sont tout autant allergiques aux mouvements LGBTQ2S+. Poutine utilise l’intimidation et la violence pour garder ses privilèges et les républicains font la même chose avec tous ceux qui ne lèchent pas les bottes de Donald Trump. Pendant que Poutine organise des pseudoélections, les républicains installent des verrous pour ne plus perdre d’élections une fois de retour au pouvoir.

Pensons ici à ces élus qui cogitent des dispositions pour diminuer le nombre d’urnes « drop box » installées dans les rues ; renforcer et compliquer les contrôles d’identité ; décourager le vote par correspondance ; réduire le nombre de bureaux de vote pour faire durer l’attente des électeurs ; interdire de donner de la nourriture et de la boisson aux gens qui patientent dans ces longues files devant les bureaux de vote ; éloigner les bureaux de scrutin pour décourager des électeurs non véhiculés de s’y rendre ; mettre des bâtons dans les roues des étudiants qui veulent voter loin de leur lieu d’origine ; légiférer pour empêcher les anciens prisonniers de retrouver le droit de vote, etc.

À travers le pays, ces stratégies antidémocratiques imaginées par les républicains se déclinent en centaines de projets discriminatoires pour empêcher ou compliquer l’accès aux urnes à des franges de la population qu’ils croient réfractaires à leurs idées.

En Ohio, au Michigan et en Caroline du Nord, ils tablent même sur l’élection de juges des Cours suprêmes d’États qui leur sont favorables pour achever leur projet. Derrière cet autre moyen, il y a la validation par ces tribunaux des cartes électorales trafiquées et les restrictions au droit de vote. Selon le Washington Post, près de 300 candidats républicains étaient prêts à contester les résultats des élections nationales et locales de mardi passé. Pour ces gens-là, le seul verdict acceptable est celui qui les couronne.

N’est-ce pas aussi la façon de faire de tous les dictateurs de la planète, y compris Vladimir qui a toujours eu de la sympathie pour le trumpisme ? S’il souhaite une victoire républicaine, c’est parce qu’il les sent désormais idéologiquement plus proches de ses valeurs. Le seul point de discorde que je vois, c’est que beaucoup de trumpistes sont encore convaincus que la Russie est un pays communiste. Or, tout ce qui touche au partage de la richesse, à la solidarité avec les plus vulnérables et au financement de programmes sociaux les écœure profondément.

Ici, c’est la chaîne alimentaire de l’idéologie néolibérale qui est sacralisée. Chacun mange celui qui le précède et devient la nourriture du plus gros qui le suit. J’ai ma grosse maison, ma grosse voiture et ma collection d’armes pour me défendre contre les victimes du capitalisme. Pas question de payer le moindre cent d’impôt de plus pour les soigner ou donner à leurs enfants la chance d’aller à l’école. L’éducation à chance égale, c’est pour la gauche socialiste qui croit aux changements climatiques.

Si Poutine arrivait à faire comprendre aux républicains que la Russie est un pays aussi capitaliste et inégalitaire que l’Amérique, leurs certitudes à son égard pourraient peut-être changer de bord. En plus, comme la droite religieuse républicaine, depuis quelques mois, Vladimir est devenu un mystique dont les références à la Bible et au diable teintent les discours. Avec un peu de pédagogie, beaucoup de républicains trouveraient en lui un frère idéologique et débloqueraient peut-être même des ressources pour venir en aide à sa mission spéciale, qui s’enlise toujours plus profondément.

De toute façon, depuis son entrée en politique, Donald ne cache pas son admiration pour le chef du Kremlin, dont il jalouse ouvertement le statut de souverain indétrônable. Pas surprenant qu’à défaut de pouvoir utiliser les méthodes radicales qui permettent à Vladimir de régner sans partage, les républicains empruntent des chemins de contournement en espérant arriver au même résultat. Ils construisent, une brique à fois, cette dictature de droite religieuse américaine au centre de leur grand rêve politique. S’ils réussissent cette entreprise, la Chine pourra leur souhaiter la bienvenue en leur disant : on vous avait bien dit que notre modèle de parti unique était celui de l’avenir.