Quoi qu’on en dise, un gouvernement qui entre dans une année électorale va rarement proroger la session parlementaire pour en ouvrir une nouvelle quand il estime que les choses vont totalement à son goût.

Bien sûr, François Legault et la Coalition avenir Québec (CAQ) aspirent presque tout l’oxygène politique depuis des mois, n’en laissant que de rares effluves pour les partis de l’opposition, qui n’ont pas encore trouvé le moyen de faire passer leurs messages tant la gestion de la pandémie a pris toute la place.

Mais les choses peuvent changer rapidement en année électorale. C’est pourquoi il était important pour le gouvernement d’ouvrir le débat sur ce qui devra arriver après la pandémie. Ne serait-ce que parce que les électeurs tendent à ne pas voter pour récompenser la performance des gouvernements pendant le mandat qui s’achève, mais plutôt pour ce qu’ils voudraient obtenir dans un nouveau mandat.

Avec ce discours d’ouverture, le premier ministre Legault a indiqué qu’à moins d’une toujours possible nouvelle vague de la pandémie, la politique va reprendre ses droits à partir de maintenant.

Et c’est donc un vaste programme politique que François Legault a exposé dans ce discours d’ouverture. Un programme pour la dernière année du mandat, mais aussi pour un éventuel second mandat. Ce qui a l’avantage de promettre beaucoup de choses, sans se lier à un échéancier trop précis et sans aucune idée de combien cela pourrait coûter.

Les plus importantes de toutes ses promesses touchent la santé, ce qui est bien normal, puisque la pandémie a montré à tout le monde à quel point notre système est fragile.

Mais la solution est d’abord et avant tout administrative : il faut une décentralisation du réseau vers les régions. Sauf qu’il faudra faire la preuve que c’est en ramenant les décisions plus proches du terrain qu’on résoudra des problèmes qui découlent des conventions collectives négociées sur le plan national.

La décentralisation, en soi, est une bonne chose et va certainement régler des problèmes sur le plan local. Mais ça ne va pas permettre d’abolir les heures supplémentaires obligatoires des infirmières, le recours aux agences privées, ça ne règlera pas le fait que 4 emplois sur 10 sont à temps partiel ni trouver les 60 000 travailleurs de la santé dont on aura besoin d’ici cinq ans.

Au début de son mandat, le gouvernement Legault avait décidé de ne pas se lancer dans une grande réforme des structures, comme l’avait fait le gouvernement précédent. La CAQ disait ne pas vouloir « jouer dans les structures ».

Il y a également une série de promesses que reprend M. Legault et qui ont été annoncées et jamais mises en pratique par ses prédécesseurs.

Transférer des emplois de la fonction publique en région ? René Lévesque avait promis que toute nouvelle agence gouvernementale aurait désormais son siège ailleurs qu’à Québec ou Montréal. Ce n’est jamais arrivé. Une réforme de fond en comble de la formation professionnelle ? C’était une priorité pour Jacques Parizeau. Garder les travailleurs âgés sur le marché du travail ? C’était l’un des grands objectifs de Jean Charest.

De toute cette série de projets, on notera que l’environnement reste plus que jamais l’angle mort du gouvernement de la CAQ. Essentiellement, M. Legault se fie à notre « vieux gagné » et aux complexes hydroélectriques construits pendant les années 1960 et 1970 pour que le Québec devienne « la batterie verte » du nord-est du continent.

Mais ça ne devrait pas permettre au Québec de ne pas se donner d’engagements clairs pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre en disant que notre contribution sera de vendre de l’électricité propre au Massachusetts et à l’État de New York.

De même, décréter qu’il « renonce définitivement à extraire des hydrocarbures sur son territoire » est presque risible quand on sait qu’il n’y a pas de réserves d’hydrocarbures commercialement exploitables au Québec.

On notera aussi l’absence totale de la métropole du Québec dans les priorités du gouvernement. Le mot « Montréal » n’a jamais passé les lèvres du premier ministre. Rien sur la crise du logement – qui sévit un peu partout au Québec, mais qui touche tout particulièrement la région métropolitaine. Rien sur les transports en commun, rien sur l’itinérance, rien sur la sécurité publique ou la prolifération des armes à feu.

Le premier ministre a terminé ce discours d’ouverture de la nouvelle session en parlant du dossier autochtone. M. Legault a reconnu « que les nations autochtones ont subi une forme particulièrement cruelle de racisme avec des politiques qui visaient à effacer leur identité, leur culture et leur histoire » et que cela a causé des « blessures profondes » transmises de génération en génération.

Mais tout cela, on le notera, est conjugué au passé. Au présent, il y a tout au plus une volonté de « combattre la discrimination et le racisme » que vivent encore les Autochtones.

C’est un discours qui marque la fin de la pandémie et le début de la saison politique. Un discours qui ne vise pas les 11 prochains mois, mais bien plus la prochaine campagne électorale.