À la Fédération des femmes du Québec (FFQ), la santé des femmes est incontestablement « un enjeu constant » qui suscite beaucoup d’intérêt, résume la responsable des communications, Mathilde Lafortune.

« L’enjeu principal, c’est que les femmes ne sont pas crues et que les maladies qui les concernent sont peu ou pas étudiées. C’est un enjeu systémique. » Elle donne l’exemple de la stérilisation forcée de femmes autochtones qui illustre de manière funeste l’absence d’écoute et même de consentement.

Comble d’ironie, la jeune porte-parole de la FFQ a elle-même vécu le genre d’interactions avec un médecin qui ne devrait plus se produire. L’endométriose étant présente dans sa famille, Mathilde Lafortune a demandé à son médecin si c’était héréditaire, si elle devait s’attendre à vivre les mêmes douleurs atroces que ses proches.

« Il n’était pas au courant. Il a juste ouvert son ordinateur. Il a tourné son écran pour me montrer ce qui était écrit sur Wikipédia. Ça m’a inquiétée davantage que mon médecin ne puisse pas me donner des informations plus fiables que celles de Wikipédia, que j’avais déjà vues, évidemment. Je pense que ça montre vraiment à quel point il y a des enjeux dans le système de santé, que les maladies propres aux femmes sont moins connues et moins prises en prises en compte par les médecins. »

Pour la FFQ, ce qui se passe à Ottawa actuellement est révélateur. Le Comité permanent de la santé se penche depuis novembre dernier sur la santé des femmes. Étonnamment, ce serait la toute première fois que le sujet serait étudié par le fédéral, a révélé le député qui a proposé l’idée, le néo-démocrate Don Davies1.

Devinez maintenant à quoi ressemble la composition de ce comité fédéral sur la santé des femmes : 11 hommes et 1 femme.

« C’est difficile de faire changer les choses quand on n’est pas représentées », déplore Mathilde Lafortune, avec raison. Après la pluie de critiques sur X, notamment, des députés ont annoncé qu’ils céderaient leur place à une femme lors des réunions.

Jusqu’ici, 54 mémoires ont été déposés et 30 témoins ont été entendus⁠2. On y trouve des informations déconcertantes, même au sujet d’affections qui peuvent toucher tout le monde.

Je cite la Société Alzheimer du Canada : « Les sujets de recherche étant généralement des hommes, on ne sait pas si les traitements actuels des troubles neurocognitifs sont aussi efficaces pour les femmes. »

Cancer de l’ovaire Canada : « Le cancer de l’ovaire aurait pu être évité chez 81 % des répondantes ayant signalé des antécédents familiaux. »

PHOTO CHINNAPONG, GETTY IMAGES

Les femmes sont moins susceptibles que les hommes de recevoir les traitements et les médicaments dont elles ont besoin ou de les recevoir en temps opportun.

L’Association chiropratique canadienne : « De la recherche aux options de traitement, les femmes sont négligées et mal desservies, car les soins de santé n’ont traditionnellement pas pris en compte l’incidence que pourraient avoir les différences de sexe et de genre. »

Dépistage de la dépression périnatale au Canada : « Les données indiquent que les fournisseurs de soins de santé estiment manquer de formation en matière de santé mentale périnatale. »

Société canadienne de la ménopause : « 72 % [des femmes qui ont demandé des conseils médicaux] ont estimé qu’ils étaient quelque peu utiles ou qu’ils ne l’étaient pas du tout […] Le manque de connaissances sur la ménopause est réel. Il contribue à ce que des millions de femmes souffrent inutilement ».

Selon Don Davies, « il existe de nombreuses questions uniques et urgentes dans le domaine de la santé des femmes qui requièrent une attention particulière ». On ne peut qu’acquiescer.

Les signaux d’alerte qui devraient faire réagir le milieu médical avec vigueur ne manquent pas.

L’organisme Cœur+AVC n’y va pas par quatre chemins pour provoquer des changements. Il vient de publier un document intitulé Défaillance du système : en raison des inégalités en matière de soins de santé, la santé cardiaque et cérébrale des femmes continue d’être négligée. Voilà qui dit tout.

On y énumère une série de faits qui laissent croire que le document a été rédigé il y a 40 ans. Mais non, il a été rendu public en 2023.

On y apprend que les programmes des écoles de médecine et de nombreuses lignes directrices sur les maladies du cœur et l’AVC « ne tiennent toujours pas compte des besoins spécifiques des femmes ».

On y lit aussi que les professionnels de la santé « dans la plupart des cas » n’ont pas conscience que les soins qu’ils prodiguent aux femmes sont « insuffisants ».

Le rapport affirme aussi que les médecins « ont souvent peu d’expertise » en ce qui concerne « les maladies cardiaques qui touchent les femmes de manière disproportionnée, comme la DSAC [une déchirure dans la paroi des artères du cœur] et l’angine sans maladie coronarienne obstructive. »

Ces lacunes font en sorte que les femmes sont moins susceptibles que les hommes de recevoir les traitements et les médicaments dont elles ont besoin ou de les recevoir en temps opportun.

Mesdames, un conseil, faites attention à votre petit cœur.

1. Lisez un article du Toronto Star (en anglais) 2. Consultez les mémoires sur la santé des femmes présentés au Comité permanent de la santé Qu’en pensez-vous ? Exprimez votre opinion