Quand je demande à André Lebon vers qui peut se tourner un jeune vulnérable quand il se sent en détresse ou que ses droits sont lésés, l’ancien vice-président de la commission Laurent me répond que le jeune peut porter plainte auprès d’un commissaire à la qualité et aux plaintes. « Chaque CISSS et CIUSSS en a un », m’assure-t-il.

« Mais c’est une structure pour des gens qui vont bien et qui sont très organisés, ajoute-t-il. Ce n’est pas un mécanisme qui est facilitant pour un jeune en difficulté, ça devient presque un seuil infranchissable. Ça demande une bonne organisation de pensée et du soutien. »

André Lebon me raconte le cas d’un jeune de 13 ans qui a subi une fouille à nu sans motif. « Il est sorti de l’expérience traumatisé et n’a pas porté plainte. Il s’est finalement confié à un adulte de son entourage en qui il avait confiance et qui l’a encouragé à porter plainte. »

Pour M. Lebon, on ne peut pas parler des droits des jeunes sous la protection de la DPJ sans faire état du contexte dans lequel ils évoluent. Il me brosse le portrait d’un système désorganisé où les intervenants n’ont plus le temps d’écouter et d’entendre les jeunes.

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André Lebon, ancien vice-président de la commission Laurent

Pour intervenir, il faut une présence stable, continue et bienveillante qui permet au jeune de baisser ses défenses. Là, il y a trop de roulement, les gens ne se connaissent plus.

André Lebon, ancien vice-président de la commission Laurent

C’est ce qui explique, selon lui, la hausse des mesures de retrait et de contention. « Deux éducateurs qui rentrent dans un groupe de jeunes qu’ils ne connaissent pas vont travailler sur le contrôle. Il n’y aura rien de relationnel dans leur travail. Si un jeune n’écoute pas, ils vont peser sur le bouton et faire venir la sécurité. L’utilisation excessive qu’on observe actuellement dans les centres jeunesse s’inscrit dans ce contexte. »

M. Lebon observe que l’état lamentable des centres jeunesse remonte à loin et qu’il est généralisé à la grandeur du Québec. Mais au-delà des toits qui coulent et de la moisissure sur les murs, ce psychoéducateur de formation me rappelle l’objectif premier des centres de réadaptation, objectif qu’on semble avoir perdu de vue.

Les centres sont censés offrir des programmes aux jeunes vulnérables afin qu’ils développent leur potentiel. C’est fondamental. C’est un lieu qui doit offrir à l’enfant la possibilité de se découvrir et de se développer. Or, les éducateurs me disent : on a réduit notre job à celle de gardien de prison…

André Lebon

Personnellement, le cas de cet enfant de 9 ans placé en « retrait » parce qu’il était considéré comme « tannant », rapporté par mes collègues, m’a particulièrement choquée. Pourquoi punir un enfant qui exprime un mal-être, une souffrance ?

« Ce jeune-là n’ira pas voir son éducateur pour lui dire ‟ça ne va pas”, me confirme André Lebon. Il va le dire de 1001 façons en se désorganisant, en fuguant, en agressant… »

Comme Nancy Audet et MMylène Leblanc, André Lebon se désole du projet de loi 37 qui, selon lui, est une version édulcorée de la recommandation du rapport de la commission à laquelle il a consacré plusieurs mois de sa vie.

« Ils prennent quelques morceaux choisis des recommandations, mais ils dénaturent un peu chaque élément. Puis ils ajoutent le buzzword ‟dans l’intérêt de l’enfant”Ça me choque ! »