J’ai fait part de mes interrogations (et de mes inquiétudes) au ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant. « Si une de mes filles vivait dans ces conditions-là, je serais horrifiée », lui ai-je dit lors de notre rencontre dans un café d’Outremont la semaine dernière. Sa réponse : « Je suis d’accord avec vous. »

Le ministre Carmant mise beaucoup sur le nouveau poste de commissaire, qui sera nommé six mois après l’adoption du projet de loi 37. Le numéro de téléphone du commissaire sera affiché un peu partout dans les centres jeunesse, promet-il. Les jeunes pourront l’appeler en toute sécurité. Il y aura aussi des comités de jeunes dans tous les centres de réadaptation ainsi que des comités régionaux qui accompagneront le commissaire dans son travail.

Mais le ministre rappelle aussi que ce commissaire sera celui de tous les enfants du Québec, pas seulement des enfants vulnérables. C’est pour cette raison, affirme-t-il, qu’on ne lui confiera pas les pouvoirs de la CDPDJ. « La Commission a une expertise depuis 30-40 ans, souligne M. Carmant. Laissons-la faire ce qu’elle fait déjà. J’ai bien entendu qu’il y a un problème entre la CDPDJ et les avocats dans l’interprétation de la loi, surtout dans les dossiers qui sont judiciarisés. Le fait que la CDPDJ n’intervient plus, c’est un élément qu’on a amené, le ministre de la Justice et moi. On va regarder ce dysfonctionnement, et s’il le faut, on réécrira la loi pour qu’elle vienne en aide à toutes les situations. »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux

Mais, ma plus grande mission, c’est que le plus de choses possible soient prises en première ligne et ne se rendent pas à la DPJ.

Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux

« On a ajouté 2500 employés en jeunesse et on va continuer à améliorer nos programmes », poursuit-il, précisant que la nouvelle convention collective devrait aider le recrutement. Comprendre : les salaires seront haussés significativement.

Quant à l’état lamentable des installations, « plusieurs projets sont prévus au programme québécois d’infrastructures (PQI) », me répond le ministre, qui reconnaît que « pour les rénovations urgentes, il y a des fonds, mais malheureusement, ça traîne. Les travaux sont faits quand ça sort dans les médias ».

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Christine Labrie, députée solidaire de Sherbrooke

Je voulais également revenir sur les demandes de la députée solidaire Christine Labrie qui insiste pour que les élus puissent avoir accès aux centres jeunesse de leur circonscription. Pourquoi tant d’opacité ? « Les établissements mettent ces règles-là pour des raisons de confidentialité, m’explique Lionel Carmant. Ce sont des mineurs qu’un député pourrait connaître, car c’est dans sa circonscription. Je n’ai pas de problème à ce qu’on ait accès à l’immobilier et aux intervenants. Quant à la transparence, on est en train de réfléchir à ça. Il y a des visites qui ont été faites. Je suis ouvert à faciliter le processus. »

J’ai demandé au ministre Carmant s’il y avait une écoute suffisante pour les besoins des jeunes au sein de son gouvernement.

« Absolument ! me répond-il avec vigueur. La jeunesse, on l’a sortie du deuxième sous-sol ! Quand je suis arrivé, il y avait des rapports qui traînaient sur mon bureau depuis plusieurs années et qui n’avaient pas eu de réponse adéquate. »

Puis le ministre revient à l’importance de la première ligne, son obsession.

Je comprends les parents d’être en maudit. Tu as besoin d’aide avec ton enfant et c’est la DPJ qui arrive à ta porte. Ce scénario-là, il faut l’arrêter. Quand c’est un abus physique ou sexuel, oui, c’est la DPJ. Mais pas quand quelqu’un lève la main pour de l’aide.

Le ministre Lionel Carmant

La personne qui occupera le poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants aura du pain sur la planche. Espérons qu’elle aura le moyen de ses ambitions. Mais n’attendons pas sa nomination – qui aura lieu dans plus de six mois – pour agir. La situation des jeunes vulnérables au Québec est connue et dans plusieurs cas, documentée. Et elle nécessite l’attention des autorités concernées immédiatement.