La Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) est la cible de nombreuses critiques. On lui reproche de mal faire son travail, de ne pas bien défendre les droits des enfants, de ne pas être suffisamment présente à la Chambre de la jeunesse. Son président, Philippe-André Tessier, répond à nos questions.

Nathalie Collard : Jugez-vous que la Commission fait tout ce qu’elle peut, à l’heure actuelle, pour parler au nom des enfants ?

Philippe-André Tessier : Le mandat que nous donne la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) est le même qu’à sa création, il y a bientôt 50 ans. Notre responsabilité, c’est de faire cesser les lésions de droits. Lorsqu’il y a une situation où les droits d’un enfant, au sens de la LPJ, n’ont pas été respectés, on va enquêter, faire des recommandations et demander des correctifs. On travaille à l’intérêt de l’enfant, mais est-ce qu’on « porte la voix de l’enfant sur la place publique » ? Non.

Depuis quelques années, on tente de donner de la visibilité à nos rapports et aux conclusions de nos enquêtes, toujours dans les limites de la confidentialité, évidemment.

Ce sera la tâche du futur commissaire au bien-être et aux droits des enfants de porter la voix de l’enfant. Il fera œuvre utile, car il sera complémentaire à nos fonctions.

NC : On vous reproche de ne pas être suffisamment présent devant les tribunaux, de vous retirer dès que la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) s’engage à apporter des correctifs aux lacunes que vous avez observées. Que répondez-vous ?

P-AT : J’ai un peu de misère avec cette critique. On me reproche à moi que la DPJ ne respecte pas une entente. J’ai le goût de dire : pouvez-vous poser la question à la DPJ, s’il vous plaît ? Je vais mettre le chapeau quand il fait, mais là, la personne responsable, c’est la personne qui a accepté l’entente. Notre rôle n’est pas d’être le procureur de l’enfant, c’est d’agir « dans l’intérêt de l’enfant ». Il y a d’autres parties impliquées : la famille d’accueil, les parents, la DPJ… tout ça sous la supervision d’un juge spécialisé en droit de la jeunesse. Nous, on intervient sur des questions d’interprétation de la loi, on n’est pas là pour les cas individuels.

NC : Diriez-vous que votre rôle est mal compris ?

P-AT : Je n’aime pas dire ça, parce que c’est notre responsabilité à nous de bien l’expliquer.

Mais si on attend de la Commission qu’elle soit dans les dossiers de la Chambre de la jeunesse tout le temps, il faudrait l’écrire dans la loi et nous donner des ressources afférentes pour le faire.

NC : Estimez-vous avoir les ressources nécessaires pour bien faire votre travail en lien avec la jeunesse ?

P-AT : La question des ressources se pose toujours. La Commission a autorisé des budgets additionnels dans les dernières années qui nous ont permis de retrouver un certain souffle. Nos délais sont très bons, trois ou quatre mois en moyenne pour la jeunesse. On a doublé notre équipe d’enquête dans les quatre ou cinq dernières années. On a ouvert des bureaux régionaux pour avoir une meilleure présence territoriale. Cela dit, il n’y a pas beaucoup de présidents d’organismes publics qui vous diront qu’ils n’aimeraient pas avoir plus de ressources. Est-ce que ça veut dire qu’on ne fait pas bien notre travail ? Non. Ce n’est peut-être pas dans le journal tous les jours, mais on règle des situations tous les jours.

J’ajouterais que tous les rapports jusqu’au dernier, le rapport Laurent, ont plaidé en faveur d’une déjudiciarisation des dossiers jeunesse. Ils recommandent de favoriser la médiation. C’est un peu bizarre qu’on nous reproche de ne pas aller à la Cour. Je comprends qu’il faille y aller pour des situations tragiques, et on le fait. Mais si on va tout le temps à la Chambre de la jeunesse, le temps qu’on fasse cela, la situation de l’enfant n’est pas corrigée.

Nous, on voit au plus efficace pour sécuriser l’enfant. C’est la priorité.

NC : Beaucoup auraient souhaité que l’on confie les pouvoirs de la CDPDJ au futur commissaire. Qu’en pensez-vous ?

P-AT : C’est une fausse bonne idée. L’État québécois est complexe et l’écosystème de la jeunesse comprend plusieurs organisations. Ce qu’il faut, c’est quelqu’un qui va coordonner tout ça. Le commissaire ne fera pas œuvre utile en récupérant tous les autres pouvoirs. Il est responsable de tous les jeunes, sa tâche est déjà immense.

NC : En plus d’un commissaire, vous plaidez en faveur d’un ministre responsable des Enfants. Pourquoi ?

P-AT : Lionel Carmant est responsable des Services sociaux et donc, responsable de l’application de la LPJ. Mais il faut un ministre avec des responsabilités horizontales, pour faire le suivi des travaux du commissaire aux enfants auprès de l’exécutif. Comme Sonia Bélanger pour les personnes aînées.

Les propos recueillis ont été édités et condensés par souci de concision.