(Ottawa) La Commission sur l’ingérence étrangère contrevient à la Loi sur les langues officielles en omettant de publier plusieurs documents en français, affirme le sénateur conservateur Claude Carignan.

Ce qu’il faut savoir

  • La Commission sur l’ingérence étrangère diffuse de nombreux documents en anglais seulement.
  • Le sénateur Claude Carignan affirme que l’on ne respecte pas la Loi sur les langues officielles.
  • Il a déposé une plainte à ce sujet auprès du commissaire aux langues officielles.

M. Carignan a formellement déposé une plainte à ce sujet auprès du commissaire aux langues officielles Raymond Théberge dans une lettre de sept pages dans laquelle il énumère la liste des documents qui ont été dévoilés par la Commission présidée par la juge Marie-Josée Hogue et qui n’ont pas été traduits en français.

L’an dernier, M. Carignan avait déposé une plainte de même nature au sujet de la Commission sur l’état d’urgence présidée par le juge Paul Rouleau, qui s’est penchée sur la décision du gouvernement Trudeau d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence à l’hiver 2022 pour mettre fin à l’occupation du centre-ville d’Ottawa par les organisateurs du « convoi de la liberté ».

Dans un récent rapport préliminaire, le commissaire Raymond Théberge a donné raison au sénateur conservateur que la commission Rouleau avait bel et bien manqué à ses obligations découlant de la Loi sur les langues officielles. Il a notamment souligné que cette commission est une « institution fédérale » au motif qu’elle a été créée par un décret du gouvernement fédéral et doit donc diffuser ses documents dans les deux langues.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Le sénateur Claude Carignan

Dans sa lettre étoffée, M. Carignan reprend d’ailleurs certaines des conclusions du commissaire Théberge au sujet des manquements de la commission Rouleau pour l’inviter à mener une autre enquête sur les entorses à la Loi sur les langues officielles commises par la Commission sur l’ingérence étrangère.

« Dans votre rapport, vous confirmiez que la Commission sur l’état d’urgence a publié sur son site internet des documents dans une seule langue officielle du Canada, dont des documents du gouvernement fédéral. En effet, encore à ce jour, de nombreux documents sont disponibles uniquement en anglais sans traduction française sur son site », écrit M. Carignan dans sa lettre.

« Devant ce constat, votre rapport concluait que votre “enquête a permis d’établir que la commission n’avait pas respecté ses obligations prévues aux articles 22 et 27 de la Loi et que, par conséquent, ce motif de ma plainte était fondé. Or, j’estime que la Commission sur l’ingérence étrangère a commis exactement le même manquement que la Commission sur l’état d’urgence », ajoute-t-il.

Le sénateur conservateur juge incompréhensible que certains documents publiés par la Commission sur l’ingérence étrangère soient uniquement en anglais sur son site alors que leur version française est disponible sur d’autres sites du gouvernement fédéral.

C’est notamment le cas d’un document portant le titre « Foreign Interference and You », diffusé en anglais par la Commission. Or, ce même document rédigé par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) est disponible dans les deux langues officielles sur le site de cette agence.

Renseigner l’électorat

Selon M. Carignan, une telle situation viole les droits des francophones au pays.

« Le fait que la Commission sur l’ingérence étrangère n’ait pas rendu accessible sur son site internet les documents dans les deux langues officielles ne me permet pas, ainsi qu’à tous les autres Canadiens, d’étudier les travaux de la commission dans la langue de mon choix », soutient M. Carignan.

« Étant donné que de nombreux documents ne sont pas disponibles en français, des Canadiens francophones qui ne maîtrisent pas l’anglais sont privés de la possibilité de comprendre ces documents pour se renseigner sur comment des acteurs étrangers ont pu s’ingérer dans le processus électoral canadien. Il s’agit de questions très importantes pour les Canadiens qui participent au processus démocratique, lorsqu’ils votent aux élections fédérales et choisissent les candidats qui les représenteront comme députés au Parlement », enchaîne-t-il.

Le sénateur déplore d’ailleurs que le Bureau du Conseil privé semble avoir fait fi des avertissements du commissaire aux langues officielles de février 2023 formulés après avoir reçu des plaintes concernant l’absence de documents en français. Pourtant, des ministres du gouvernement Trudeau et le Bureau du Conseil privé s’étaient engagés à corriger le tir.

« Visiblement, les promesses du gouvernement – à savoir que les documents produits sur le site internet d’une commission d’enquête fédérale doivent être accessibles dans les deux langues officielles – ne se sont pas traduites en action dans le cas de la Commission sur l’ingérence étrangère. C’est pourquoi je porte plainte contre celle-ci et le Bureau du Conseil privé. »

En vertu de la nouvelle Loi sur les langues officielles, le Commissaire aux langues officielles s’est vu attribuer de nouveaux pouvoirs contraignants, notamment la possibilité des ordonnances exécutoires pour faire respecter ses décisions.