(Québec) « Vous n’êtes pas seuls », lance aux Québécois le premier ministre français Gabriel Attal. Il apporte son « soutien » au Québec dans son combat pour la laïcité de l’État afin de lui donner de la « force pour défendre » cette valeur. Il se défend de s’ingérer dans un débat qui divise le Canada, alors que Justin Trudeau s’oppose à la « loi 21 ».

Dans son discours devant l’Assemblée nationale jeudi, Gabriel Attal a fait un puissant plaidoyer pour la laïcité, « une condition de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ». Il s’en est pris à « ceux qui voudraient […] faire croire qu’elle est une forme de discrimination ».

Ce passage a ravi le gouvernement Legault et le Parti québécois, mais pas le Parti libéral du Québec ni Québec solidaire en raison de leur opposition à la « loi 21 ».

Gabriel Attal a fait cette sortie le jour même où l’on apprenait que la commission scolaire English-Montréal (CSEM) entendait contester la Loi sur la laïcité de l’État devant la Cour suprême. Justin Trudeau a l’intention d’intervenir si le plus haut tribunal du pays accepte d’entendre la cause, afin de « protéger les droits et libertés ».

En conférence de presse vendredi, Gabriel Attal a répondu qu’il n’a pas abordé l’enjeu de la laïcité avec le premier ministre du Canada lors de sa visite à Ottawa mercredi soir et jeudi en matinée. Son plaidoyer au Salon bleu n’était pas une « manière de juger ou de pointer du doigt » qui que ce soit, selon lui.

« Je ne fais pas d’ingérence. Je respecte les débats qui existent. Je ne suis pas là pour prendre parti. Mais je suis là pour dire aux Québécois que dans leur défense d’un modèle de laïcité dans lequel nous nous retrouvons, ils ne sont pas seuls », a-t-il affirmé au côté du premier ministre François Legault.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Gabriel Attal et François Legault

« Dire aux Québécois, vous n’êtes pas seuls à défendre ce modèle, à porter cette conviction, c’est important pour la France, parce qu’on tient à ce modèle. Et je pense que c’est important pour les Québécoises et les Québécois, parce que ça donne aussi de la force pour défendre ces valeurs », a-t-il ajouté.

François Legault s’est réjoui de cet « appui de la France » alors qu’il y a de la « résistance » au sujet de la « loi 21 » adoptée par son gouvernement.

La sortie de M. Attal tombe à point nommé pour le premier ministre dont la cote de popularité est au plus bas dans les sondages. D’autant qu’elle porte sur une question identitaire, enjeu que M. Legault a beaucoup exploité depuis quelques années pour gagner la faveur populaire.

Du « ni-ni » au « et-et »

Gabriel Attal « se retrouve assez bien » dans la position diplomatique française de « non-ingérence, non-indifférence » à l’égard du Québec au sujet de la question nationale. Il était inévitable que le sujet soit abordé dans le cadre de sa visite. D’autant plus que le Parti québécois caracole en tête dans les intentions de vote et qu’il promet un référendum sur la souveraineté dans un premier mandat s’il est porté au pouvoir en 2026.

Considéré comme un successeur potentiel d’Emmanuel Macron à la présidence en 2027, le plus jeune premier ministre de la VRépublique (35 ans) a tenu à enrichir le lexique décrivant les relations de la France avec le Québec. Car le « ni-ni » a un côté plutôt « négatif » pour Gabriel Attal. Il a parlé du « et-et » : « Et sensibilité et respect. »

« Sensibilité, parce qu’on ne peut pas être insensible à ce débat qui traverse le Québec, à la singularité du Québec. Et respect, parce qu’on doit évidemment respecter le Québec dans sa capacité à mener des débats politiques et des débats démocratiques internes. »

Il a refusé de faire un pas supplémentaire. Il n’a pas voulu répondre à une question lui demandant si, dans une hypothétique victoire du Oui lors d’un éventuel référendum, la France accompagnerait le Québec dans ses choix – une demande du chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon et une référence à une déclaration de l’ancien président français Jacques Chirac.

« Je ne veux pas faire de déclaration et donner l’impression que je prends parti dans un débat qui a lieu ici, dans la vie politique québécoise. Si je commençais à répondre en me projetant sur des choix que pourraient être amenés à faire ou à trancher les Québécoises et les Québécois, ça donnerait l’impression que moi-même, je participe au débat et que je donne une orientation. »

Au moment où l’entourage de M. Legault mettait fin à la conférence de presse, Gabriel Attal est intervenu pour faire une déclaration en guise de remarque de clôture. Une déclaration poétique qui donnera probablement lieu à toutes sortes d’interprétations dans la joute politique québécoise. « Le Québec, c’est une nation qui a pris en main son destin et suit son étoile. »

Les deux premiers ministres ont signé une déclaration commune portant surtout sur la protection de la langue française. Ils livreront bataille pour augmenter la présence et la découvrabilité du contenu francophone dans les plateformes numériques, par exemple. Après un passage au Salon international du livre de Québec, la visite de M. Attal a pris fin vendredi après-midi à Montréal, où il a participé à une rencontre économique.