(Québec et Ottawa) Le premier ministre français Gabriel Attal a livré un discours passionné jeudi à Québec en faveur de la protection du français et de la laïcité comme étant une « condition de la liberté », égratignant du même souffle ceux qui voudraient « la détourner [et] faire croire qu’elle est une forme d’arme antireligion ».

« Face à ceux qui font mine de ne pas comprendre ce qu’est la laïcité, qui voudraient la détourner, faire croire qu’elle est une forme d’arme antireligion, faire croire qu’elle est une forme de négation des religions, faire croire qu’elle est une forme de discrimination, nous répondons que la laïcité est la condition de la liberté, est la condition de l’égalité, est la condition de la fraternité », a déclaré M. Attal au Salon bleu, au grand plaisir du premier ministre François Legault, tout sourire.

Dans sa réponse, quelques minutes plus tard, le premier ministre du Québec a cité les paroles du président de la République française, Emmanuel Macron, qui affirmait qu’« il voulait gouverner pour que la France reste la France ».

Le trop grand nombre d’immigrants au Québec a un impact sur « l’avenir du français, mais aussi sur nos valeurs », a dit M. Legault.

Moi aussi, je veux gouverner pour que le Québec reste le Québec.

Le premier ministre du Québec, François Legault

Cette déclaration a suscité les applaudissements de M. Attal, mais pas des députés de Québec solidaire et du Parti libéral. « Ce n’est pas un choix qui est accepté par tout le monde, c’est la même chose en Europe. Mais je sais que sur la laïcité, le Québec et la France parlent d’une seule voix », a déclaré M. Legault.

Protection du français

Dans le cadre de son discours, le plus jeune premier ministre de la VRépublique, qui est âgé de 35 ans et qui est perçu en France comme un potentiel successeur du président Emmanuel Macron, a également annoncé que le Québec et la France signeront vendredi une déclaration commune sur l’avenir du français.

M. Attal a vanté le combat des Québécois qui ont refusé « de céder à la fatalité » et se sont battus pour préserver leur langue. Si « certains pensaient sans doute que le français avait vocation à disparaître de la carte de l’Amérique du Nord », « ils ne connaissaient pas les Québécois », a-t-il lancé, en provoquant de longs applaudissements.

Face au « numérique » et au « contenu en ligne, qui voudrait nous imposer une forme d’uniformité, y compris linguistique », M. Attal promet de se battre. « Nous nous battrons pour que chaque enfant, chaque jeune, puisse avoir accès à des livres, des articles, des jeux vidéo, des séries en français », a-t-il lancé.

Dans son discours, M. Attal a aussi souligné les aspirations et les enjeux de la jeunesse, par exemple la lutte contre les changements climatiques, mais aussi l’importance de préserver la diversité culturelle et la capacité des futures générations à vivre leur vie en français, dans toutes les sphères de la société.

Oui à la « non-ingérence, non-indifférence »

Plus tôt jeudi, alors qu’il était en point de presse à Ottawa, le premier ministre Attal a également confirmé son adhésion à la « non-ingérence, non-indifférence ».

« Je crois que c’était [l’ancien ministre français de la Justice Alain] Peyrefitte qui avait dit “non-ingérence, non-indifférence” », a-t-il commencé.

« Je trouve que cette phrase en dit long et je m’y retrouve assez bien, bien sûr », a-t-il tranché en souriant et en jetant un regard à son hôte du Canada.

« Il n’y a aucun tiraillage », a renchéri Justin Trudeau, en reprenant un mot de la question du journaliste ayant lancé l’invitation à clarifier le tout.

Le premier ministre français Gabriel Attal et son hôte canadien Justin Trudeau ont réitéré leur soutien envers l’Accord économique et commercial global (AECG), menacé par les vents protectionnistes qui soufflent en France.

Il y a trois semaines, le Sénat français a voté contre le pacte commercial grâce à une alliance des oppositions de gauche et de droite, mettant en péril sa ratification.

Le traité de libre-échange est en vigueur de façon provisoire depuis septembre 2017. De ce fait, environ 95 % de ses dispositions le sont.

Donc, « il s’applique », a tenu à spécifier le premier ministre Attal en conférence de presse commune avec son vis-à-vis du Canada, jeudi, à Ottawa.

Le jeune politicien, qui a fait du Canada sa première destination à l’extérieur de l’Union européenne depuis sa nomination à Matignon, a souligné l’ironie de l’union de circonstance qui a mené au vote contre l’AECG.

« Je rappelle que le CETA [le sigle de l’accord, en anglais], en France, il a été négocié par la droite et signé par la gauche » dans le contexte des élections européennes, a-t-il lancé.

Se disant conscient des tentations protectionnistes qui animent une partie de la société française, le premier ministre Trudeau a quant à lui dit avoir « extrêmement confiance » en vue d’une ratification.