Vous n’en pouvez plus des nouvelles anxiogènes ? Les conflits qui se multiplient et amènent chaque jour leur lot d’histoires d’horreur vous bouleversent et vous inquiètent ? Le livre Nuclear War – A Scenario n’est pas pour vous.

Et si Denis Villeneuve en tire prochainement un film – on a appris début avril qu’il était en pourparlers avec le studio qui a acheté les droits pour adapter cet essai au cinéma –, vous ne voudrez probablement pas aller le voir.

Ce livre est plus cauchemardesque encore que le plus terrifiant des livres d’horreur de Stephen King.

Soyez prévenu cependant : ce livre est aussi un tour de force.

La prémisse est d’une simplicité désarmante : un État voyou lance une attaque nucléaire contre les États-Unis.

Le récit, lui, est complexe et d’un réalisme saisissant.

Il repose notamment sur une série d’entrevues avec des experts (y compris d’anciens secrétaires américains à la Défense et des ingénieurs nucléaires) qui savent ce qui est susceptible de se produire dans une telle éventualité. Et plusieurs connaissent dans le détail les plans du gouvernement américain.

Le mot « scénario » ne se retrouve d’ailleurs pas dans le titre du livre par hasard. Chaque évènement de la réaction en chaîne provoquée par une telle attaque est décrit de façon minutieuse.

Et tout ça est présenté de façon chronologique. Parfois à la seconde près. Avec une écriture nerveuse.

Bien franchement, ils sont rares, les essais qui nous tiennent en haleine de cette façon.

Selon la thèse de l’auteure, la journaliste Annie Jacobsen, c’est le Pentagone qui serait ciblé en premier.

Il se trouve, je vous le rappelle, en Virginie. À proximité de la capitale du pays, Washington. Si le missile atteint sa cible (pas de divulgâchage ici !), ce sera l’apocalypse au cœur des États-Unis.

Le président américain doit alors décider si son pays contre-attaque. Il n’a « que six minutes pour délibérer et décider quelles armes nucléaires il lance pour répliquer ».

On qualifie cette stratégie de « lancement sur alerte ». Car les États-Unis n’attendraient probablement pas l’impact d’un missile nucléaire sur leur territoire pour déclencher une attaque nucléaire dans le but d’annihiler leur ennemi.

D’où la théorie de la « destruction mutuelle assurée », selon laquelle un pays ne serait pas assez fou pour utiliser l’arme nucléaire contre un autre, sachant qu’il se condamnerait ainsi à une fin atroce.

Mais la dissuasion a ses limites. Nos dirigeants le savent, même s’ils préfèrent réagir en se mettant la tête dans le sable.

« Tous les adversaires » des États-Unis « ne sont pas équilibrés », rappelle-t-on dans cet essai. Et « il suffit d’un seul homme nihiliste et fou avec un arsenal nucléaire pour déclencher une guerre nucléaire que personne ne peut gagner ».

Ce que nous raconte Annie Jacobsen relève de la fiction. Mais ça pourrait facilement, trop facilement, ne pas être le cas.

C’est d’ailleurs, à mon sens, le grand mérite de ce livre. Il secoue ses lecteurs d’une façon telle qu’il est par la suite impossible de nier que le risque d’une apocalypse nucléaire est aujourd’hui trop élevé.

Et il nous rappelle une intolérable vérité. Jusqu’ici, « personne n’a fait quoi que ce soit de substantiel pour empêcher la troisième guerre mondiale nucléaire ».

Extrait

Que deviendra l’humanité après une guerre nucléaire ? Les dinosaures ont vécu 165 millions d’années. Ils sont arrivés, ils ont dominé, ils ont évolué. Puis un astéroïde a frappé la Terre et les dinosaures se sont éteints (sans compter leurs descendants, les oiseaux). À notre connaissance, personne n’a trouvé de trace de ces reptiles tueurs pendant 66 millions d’années. Jusqu’à il y a seulement quelques centaines d’années, en 1677, lorsque le directeur du musée Ashmolean d’Oxford, Robert Plot, a découvert un fémur de dinosaure dans le village de Cornwall et l’a dessiné pour une revue scientifique, identifiant à tort l’os comme appartenant à un géant. Après une guerre nucléaire, qui, si quelqu’un le peut, saura que nous étions ici autrefois ?

Qui est Annie Jacobsen ?

Journaliste d’enquête américaine née en 1967, Annie Jacobsen a étudié à l’Université Princeton et habite aujourd’hui en Californie. Elle est l’auteure de plusieurs essais, principalement sur des questions de défense et de renseignement. On a appris au début du mois d’avril que Legendary Entertainment avait acquis les droits de son essai Nuclear War – A Scenario avec l’intention d’associer le cinéaste Denis Villeneuve à ce projet.

Nuclear War – A Scenario

Nuclear War – A Scenario

Dutton

375 pages