Il y a 15 ans, la police de Montréal s’est attaquée à l’un des hommes les plus riches du Canada, soupçonné d’exploiter un réseau de prostitution juvénile à son bénéfice personnel. L’enquête a été parsemée d’embûches. Grâce à des documents judiciaires inédits, La Presse peut aujourd’hui révéler comment les policiers ont tenté d’épingler le milliardaire Robert Miller et comment ils se sont fait mettre des bâtons dans les roues.

Robert Miller, fondateur de la multinationale montréalaise Future Electronics, a vu sa vie basculer l’an dernier avec la diffusion d’un reportage de Radio-Canada. Six femmes racontaient à la chaîne publique avoir été recrutées pour lui offrir des services sexuels alors qu’elles étaient adolescentes, entre 1994 et 2006, ce que M. Miller nie vigoureusement. Certaines des femmes avaient raconté leur histoire à la police en 2009. Mais aucune accusation n’avait été portée.

Que s’était-il passé à l’époque ? La police avait-elle pris les femmes au sérieux ? Avait-elle craint d’enquêter sur un homme influent ?

Pour en avoir le cœur net, les avocats de La Presse ont demandé à un juge de rendre publiques toutes les déclarations sous serment rédigées par les policiers en 2009, afin d’obtenir des mandats de perquisition dans des lieux reliés à M. Miller.

Ces résumés d’enquête avaient été placés sous scellés pendant plus d’une décennie et demeuraient hors d’atteinte. Au terme de longues démarches, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a accepté de nous remettre des versions caviardées des documents.

Certaines informations ont été retirées par les autorités afin de protéger l’identité des victimes. D’autres demeurent confidentielles afin de ne pas nuire à l’enquête, qui a été rouverte par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à la suite du reportage de Radio-Canada.

Les passages divulgués montrent malgré tout combien il peut être compliqué pour la police de traquer un suspect qui dispose de moyens quasi illimités pour se défendre et protéger ses intérêts. Notons que les allégations des policiers n’ont pas subi l’épreuve des tribunaux. On ignore si elles la subiront un jour.