Rapidement, les policiers se rendent compte que des gens s’efforcent de leur mettre des bâtons dans les roues, selon les documents déposés en cour.

Robert Miller héberge à l’intérieur des bureaux de Future Electronics une agence de sécurité privée appelée National Criminal Investigation Service (NCIS), qui emploie plusieurs policiers retraités pour assurer sa sécurité.

John Westlake, l’un des détectives privés qui avaient été embauchés par l’ex-femme de Robert Miller, affirme même qu’un représentant de NCIS lui a offert 300 000 $ pour qu’il cesse de fouiller la piste de la prostitution juvénile, ce que l’entreprise nie.

Plusieurs victimes et témoins disent avoir été contactés par les collaborateurs de Robert Miller qui leur ont intimé de ne pas parler à la police.

Une femme déclare aux policiers qu’elle parlera seulement s’ils procèdent d’abord à l’arrestation de l’un de ces hommes dont elle a peur. Un employé d’hôtel reçoit aussi la visite d’un responsable de la sécurité de Robert Miller venu l’intimider pour qu’il ne raconte pas ce qu’il a vu, selon les documents.

Dans un message texte intercepté par les policiers, une jeune femme est avisée qu’une limousine viendra bientôt la chercher pour l’emmener vers une destination inconnue, et qu’elle ne doit surtout pas parler à la police si elle est approchée d’ici là.

Des avocats payés par Miller intiment aussi à des témoins de se taire. Le camp Miller paye même des avocats pour représenter les filles lors de leurs rencontres avec les policiers. Ceux-ci disent souvent à leurs « clientes » de ne pas répondre à certaines questions. Les portions des documents judiciaires rendues publiques n’en disent pas plus sur ces avocats, mais une source qui était proche du dossier à l’époque a confirmé à La Presse que les policiers ont indiqué à l’un d’eux qu’il était en conflit d’intérêts. Il aurait refusé de se retirer.

Convoqués au poste

Les résumés d’enquête racontent aussi comment un matin, le sergent-détective Marco Breton arrive pour mener une perquisition dans les locaux de l’agence de sécurité NCIS, où il est accueilli par un homme qui lui bloque la route et lui remet une lettre d’avocat. La missive allègue que tout le matériel à l’intérieur est potentiellement protégé par le secret professionnel d’un avocat, et qu’il doit donc demeurer hors d’atteinte de la police.

Des avocats remettront éventuellement des copies des disques durs de NCIS aux policiers, mais ceux-ci ne pourront mener leurs fouilles eux-mêmes dans les locaux de la mystérieuse agence de sécurité.

Les enquêteurs finissent par en avoir assez.

PHOTO FOURNIE À LA PRESSE

Robert Miller, vers 1996

Grâce à un mandat accordé par un juge, ils forcent M. Miller et des membres de sa garde rapprochée à se présenter au poste de police, où ils doivent défiler comme des criminels et se faire prendre en photo par les services d’identité judiciaire. Ils les relâchent ensuite sans porter d’accusations pour la poursuite de l’enquête.

L’anecdote n’est pas racontée dans les documents judiciaires, mais selon plusieurs sources policières qui ont été témoins du climat interne pendant cette période, certains policiers critiquent alors ouvertement leurs confrères du module de l’Exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, parce qu’ils ont osé arrêter d’anciens agents du SPVM travaillant pour la firme NCIS. On leur demande pourquoi ils s’acharnent de la sorte. Une certaine pression se fait sentir à l’interne.

Les enquêteurs affectés au dossier Miller se méfient. Ils craignent que l’agence NCIS n’utilise ses contacts au sein des policiers actifs pour obtenir des informations sur l’enquête. Ils gardent la porte de leur bureau fermée, limitent les discussions sur ce sujet avec les collègues et cessent d’utiliser un système de messagerie qu’ils jugent vulnérable, selon nos sources, qui se sont exprimées sous le couvert de l’anonymat, car elles ne sont pas autorisées à en parler publiquement.