À peine remis en semi-liberté par le système carcéral, le fraudeur Christian Varin a été la cible d’une série de saisies, lundi, afin d’éviter qu’il dilapide des actifs qui pourraient servir à indemniser des centaines d’inventeurs qu’il a arnaqués.

Les huissiers sont débarqués en après-midi au triplex montréalais du conjoint de Varin, Sylvain Riendeau, un bibliothécaire également visé par l’ordonnance de saisie prononcée par la Cour supérieure. Ils ont également saisi tous les comptes de banque du couple. Les institutions financières ont 48 heures pour indiquer la valeur et l’emplacement de tous les actifs du couple aux avocats qui mènent un recours collectif au nom des victimes de la fraude.

Les avocats veulent notamment savoir où sont passés les 800 000 $ d’une hypothèque que M. Riendeau a obtenue sur son triplex quelques jours après que Christian Varin a effectué ses premières sorties sans escorte de prison.

Christian Varin est le fondateur de la Fédération des inventeurs du Québec, un organisme fantoche qui a promis à plus de 600 inventeurs de leur obtenir un brevet, moyennant des paiements de 695 $ à 10 000 $. Le charlatan n’a jamais obtenu ces documents. Il a admis avoir englouti la majeure partie du fruit de l’arnaque – près de 3 millions – dans un luxueux immeuble de Shefford, le « Pavillon des inventeurs », qu’il a fait construire sur un terrain appartenant à son conjoint Sylvain Riendeau.

Après la condamnation de Varin à 5 ans de pénitencier pour fraude en septembre 2022, l’immeuble a été déclaré fruit de la criminalité et mis en vente par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Le profit de la vente devait servir à indemniser les victimes dans le cadre du recours collectif.

Sauf qu’un incendie de nature suspecte survenu la veille de la vente a fait passer sa valeur de vente de 1,1 million à seulement 500 000 $. Le DPCP n’a jamais assuré l’immeuble, évoquant des « montants démesurés » exigés par les assureurs puisqu’il était considéré comme le fruit de la criminalité.

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Un luxueux immeuble de Shefford appartenant à Christian Varin, le « Pavillon des inventeurs », a été victime d’un incendie de nature suspecte.

Le produit net de la vente destiné à l’indemnisation des victimes n’était plus que de 300 500 $ après que le DPCP a remis près de 100 000 $ à l’avocat de Varin, MNormand Haché, pour payer ses honoraires.

Les avocats du recours collectif devaient quant à eux prendre 30 % du montant restant pour payer leurs propres honoraires. En janvier dernier, ces derniers ont modifié leur action collective afin de poursuivre solidairement Sylvain Riendeau et éventuellement saisir son triplex, situé dans l’arrondissement Ahuntsic, afin d’indemniser les victimes.

Ils ont découvert ces derniers jours que le triplex a été grevé d’une hypothèque de 800 000 $ en novembre dernier. « L’hypothèque de 800 000 $ sur le triplex de Riendeau démontre un risque réel de disparition des actifs » et que le couple « cherche à déjouer l’exécution d’un jugement éventuel », a conclu la juge Silvana Conte.

Christian Varin a été remis en semi-liberté le 19 avril dernier. Rencontré lundi à l’entrée du triplex d’Ahuntsic, il a assuré qu’aucune somme n’a été détournée. « Le 800 000 $ [empruntés par M. Riendeau], je pense que c’était pour avoir une marge pour faire des travaux sur l’immeuble », a-t-il affirmé.

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Le triplex appartenant à Sylvain Riendeau, ciblé par une saisie ordonnée par la Cour supérieure du Québec.

« Je ne m’occupe pas de cette maison-là. Je n’ai pas rapport avec ça. Moi j’ai été condamné, je m’excuse auprès des victimes, j’ai fait du cheminement en prison par rapport à ça. Je vais faire du bénévolat. Je veux passer à autre chose », ajouté M. Varin.

MM. Varin et Riendeau devront fournir dans les 48 heures une déclaration sous serment aux avocats du recours collectif expliquant leur version des faits. « Après la tragédie du Pavillon, le triplex est le seul actif du couple Varin-Riendeau qui peut assurer un paiement pour indemniser les victimes de la fraude », a commenté MMarc-Antoine Cloutier, un des avocats qui représentent les victimes.

« On a gelé les actifs le temps de comprendre à quoi a servi cet argent. Nous sommes prêts à faire tout ce qui faut pour obtenir justice pour les inventeurs », a ajouté MCloutier.

M. Varin assure qu’il « cachait tout » à Sylvain Riendeau au sujet des activités de la Fédération des inventeurs. « Il n’a rien à voir avec ça. J’avais établi un mur de Chine. », a-t-il insisté.

« Narcissique et arrogant », selon le système carcéral

La Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) a refusé à Christian Varin sa libération conditionnelle totale.

Si derrière les barreaux, Christian Varin s’est comporté de façon exemplaire, la Commission rappelle dans sa récente décision les traits « narcissiques et arrogants » du délinquant et sa capacité à « manipuler, duper et mentir ».

La cupidité de Varin est même « remarquable », assène la Commission. « Vous êtes un maître dans la manipulation des émotions. La Commission conclut que vos comportements s’apparentent même à un exercice de prédation. La Commission sait que le profond narcissisme qui vous habite est une problématique particulièrement difficile à traiter », poursuit la Commission, pour expliquer sa « réserve » dans ce dossier.

Les commissaires ont dû pousser Varin dans ses « derniers retranchements » pendant l’audience pour qu’il avoue certains comportements. Devant la Commission, Christian Varin a proposé un séjour écourté en semi-liberté. Il a aussi dit vouloir s’impliquer dans une entreprise, dont le nom est caviardé dans la décision. Mais son plan de sortie a très mal passé auprès des commissaires.

Ceux-ci concluent que Varin saisit « encore mal les enjeux profonds » de sa criminalité.

Parmi ses conditions de semi-liberté, Christian Varin ne peut entrer en contact avec ses nombreuses victimes. « Vous avez abusé et trompé des dizaines de personnes. Vous les avez trahies et, pour certaines, anéanti les rêves et le travail d’une vie », tranche la Commission.